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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 44

Le jeudi 6 avril 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 6 avril 2000

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'un groupe d'étudiants.

[Français]

Il s'agit d'un groupe de 25 étudiants de la communauté montagnaise de la région du sénateur Gill. Ils sont ici dans le cadre de leurs études et visitent Ottawa. Ils ont aussi, heureusement, décidé de visiter le Sénat. De la part de tous les honorables sénateurs, je leur souhaite la bienvenue.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Nunavut

La fête du premier anniversaire

L'honorable Willie Adams: Honorables sénateurs, je voudrais faire une annonce. La semaine dernière, dimanche pour être plus précis, nous avons célébré au Nunavut le premier anniversaire de sa création. J'ai séjourné à Iqaluit du vendredi au dimanche. J'y ai rencontré la Gouverneure générale et je l'ai accompagnée dans sa tournée des environs. Elle devait être à Iqaluit pour le jour anniversaire.

Helen Maksagak, une ancienne commissaire, y était. La Gouverneure générale et le premier ministre Paul Okalik ont donné un dîner en l'honneur du commissaire sortant. Nous avons maintenant un nouveau commissaire, Peter Irniq, qui a été assermenté dimanche dernier. Nous avons également célébré notre carnaval d'hiver, le Toonik Tyme, à Iqaluit.

Le voyage de la Gouverneure générale se poursuivit jusqu'à l'Extrême-Arctique, à Pangnirtung, Pond Inlet, Grise Fiord, puis Repulse Bay et Rankin Inlet. Honorables sénateurs, je tiens à féliciter la Gouverneure générale pour s'être rendue au Nunavut la semaine dernière.

[Français]

Le Manifeste de la jeunesse

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rappeler à tous les membres de cette Chambre qu'une cérémonie très spéciale se déroulera ici, le lundi 10 avril prochain, à 9 h 30.

En effet, le Président du Sénat et le Président de la Chambre des communes, ainsi que le vice-premier ministre, l'honorable Herb Gray, et la représentante de l'UNESCO au Canada, Mme Ndèye Fall, recevront, au nom du Parlement du Canada, un document qui a été rédigé par des jeunes du monde entier et qui s'intitule le Manifeste de la jeunesse.

[Traduction]

Ce document historique est une déclaration d'espoir et d'amitié écrite par les jeunes du monde, alors que nous entrons dans le nouveau millénaire. La cérémonie de présentation du Manifeste de la jeunesse sera télévisée sur la Chaîne parlementaire, et plus de 150 étudiants participant à la quatrième session du Forum pour jeunes Canadiens seront présents.

En fait, honorables sénateurs, ces étudiants occuperont vos sièges. Quoi qu'il en soit, il est important que les sénateurs soient présents pour être témoins de cet événement très important. Le Parlement du Canada est la première assemblée législative du monde à se lancer dans cette initiative après le Parlement mondial des enfants à Paris, l'automne dernier. Des sièges seront placés dans l'allée centrale de notre institution pour que vous puissiez assister à cette importante cérémonie. J'espère que de nombreux honorables sénateurs seront en mesure d'être présents.

Le discours sur l'Accord définitif nisga'a

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, hier, j'ai lu au Sénat certaines des lettres et des courriels qui ont été envoyés au Sénat par l'entremise de mon bureau par quelques habitants de la Colombie-Britannique qui s'inquiètent des dispositions du projet de loi C-9 portant sur l'Accord définitif nisga'a. Un des correspondants était P.J. Brabazon. Aujourd'hui, j'ai reçu un autre message de lui qui disait simplement «merci». Je pensais que les sénateurs qui ont écouté ces préoccupations voudraient savoir qu'on a apprécié leur attention.

Le décès de sir Stanley Mathews

L'honorable Francis William Mahovlich: Honorables sénateurs, pardonnez-moi de parler tardivement du décès d'un grand ami et d'un ambassadeur britannique du sport au Canada, sir Stanley Mathews.

Sir Stanley était considéré comme un dribleur extraordinaire et en 1956, il a été le premier gagnant du prix remis au joueur de soccer de l'année en Europe. Les gens avaient l'habitude de plaisanter et de dire qu'il pouvait fermer les lumières et être dans le lit avant que la pièce ne tombe dans l'obscurité.

Vers la fin de sa carrière, sir Stanley est venu à Toronto jouer pour Toronto City, une équipe de soccer professionnelle, et il a vécu à Burlington. C'est à ce moment-là que j'ai eu l'occasion de découvrir à quel point c'était un athlète remarquable. On s'est rencontré sur un cours de tennis dans le cadre d'un match de tennis entre célébrités au Inn at Manitou. Sir Stanley avait 70 ans, 23 ans de plus que moi. Ma stratégie consistait à le faire courir le plus possible pour le fatiguer. Ce qui s'est produit me surprend encore aujourd'hui. Chaque fois que j'essayais d'envoyer la balle dans un coin, il devançait la balle, ce qui m'amène à croire qu'il pouvait vraiment entrer dans le lit avant que les lumières ne soient éteintes.

Sa grande faculté d'anticipation et son instinct ont fait de sir Stanley un professionnel dès l'âge de 17 ans. À 50 ans, il a été fait chevalier par la reine et a fait sa dernière apparition professionnelle. Lors de la célébration de son 80e anniversaire, un ancien capitaine de l'équipe d'Angleterre, Jimmy Armfield, a fait l'éloge de son talent et de son esprit sportif en ces termes:

On pouvait lui donner un coup de pied et lui faire subir n'importe quoi, il ne rendait jamais la pareille. Il était un parfait exemple de discipline personnelle. Je ne me rappelle pas qu'un arbitre lui ait jamais parlé, et il ne parlait jamais aux arbitres.

Je me permets d'ajouter que le hockey a de nos jours bien besoin du sens de la discipline de sir Stanley Mathews.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Mahovlich: Lord Wilson de Rievaulx, qui était premier ministre lorsque M. Mathews a été fait chevalier, a écrit ceci:

Stanley Mathews était un symbole du pays qui a donné le football au monde et, à l'échelle internationale, un symbole de l'esprit sportif anglais à l'époque où c'était une qualité reconnue dans le monde entier.

Ses amis canadiens garderont toujours le souvenir de sir Stanley Mathews.

Postes Canada

Le refus de sortir un timbre pour commémorer le 75e anniversaire de l'Église Unie

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, je regrette la décision de Postes Canada de refuser les demandes en faveur de la sortie d'un timbre visant à commémorer le 75e anniversaire de l'Église Unie du Canada le 9 juin prochain. Cette Église est une Église distinctement canadienne et est la première Église Unie au monde, ayant été constituée par une loi du Parlement en 1925.

L'Église Unie du Canada regroupe la majorité des Églises presbytériennes, toutes les Églises méthodistes et congrégationalistes ainsi que toutes les Églises de la Local Union et de l'Evangelical United Brethren Church au Canada. Soixante-quinze Églises en 75 pays ont constitué leur Église Unie sur le modèle de la nôtre.

La «Base de l'Union», qui servait de constitution à cette Église nouvellement créée, stipulait qu'elle devait cultiver l'esprit d'unité dans notre pays, et l'Église a poursuivi dans cette voie.

Cette Église canadienne entretient des relations internationales d'une façon très singulière. Elle oeuvre en mettant en commun programmes et ressources financières avec une grande variété de partenaires à l'échelle internationale, y compris l'Église catholique romaine, les anglicans, les mennonites, les amis et les Églises africaines indépendantes émergentes.

Par le truchement du Conseil mondial des Églises, l'Église Unie du Canada établit des liens avec une grande variété de partenaires oecuméniques, et travaille en partenariat avec d'autres groupes confessionnels historiques comme les musulmans, les hindous, les sikhs, les parsis, les juifs et les bouddhistes. Elle encourage l'unité, non la division.

Honorables sénateurs, on trouve de fréquentes allusions à l'Église Unie du Canada dans les livres de Margaret Atwood et d'Alice Munro, bien qu'elles ne soient parfois pas totalement élogieuses, mais reconnaissant que, malgré toutes ses fautes, elle a joué un rôle historiquement important en tant qu'élément du paysage canadien.

Beaucoup de Canadiens auraient réagi positivement à un tel timbre commémoratif, et je regrette son omission. Le refus de la part de Postes Canada de reconnaître ce 75e anniversaire traduit chez cet organisme une piètre appréciation de l'histoire d'une communauté religieuse distinctement canadienne dans notre pays.


(1420)

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer au point suivant inscrit au Feuilleton, j'aimerais vous présenter un autre groupe d'étudiants qui se trouvent ici aujourd'hui.

[Français]

Il s'agit du Forum des jeunes Canadiens. Ils ont été reçus ce matin par l'honorable sénateur Losier-Cool, ici même, dans l'enceinte du Sénat.

[Traduction]

Étudiants de l'ancienne Compagnie des Jeunes Canadiens, au nom de tous mes collègues au Sénat, je vous souhaite la bienvenue.

Des voix: Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada

Rapport de comité

L'honorable Michael Kirby, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, a l'honneur de présenter le rapport suivant:

Le jeudi 6 avril 2000

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le Projet de loi C-13, Loi portant création des Instituts de recherche en santé du Canada, abrogeant la Loi sur le Conseil de recherches médicales et modifiant d'autres lois en conséquence, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 4 avril 2000, a étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans modifications.

Ont été jointes en annexe au présent rapport les observations de votre Comité sur le projet de loi C-13.

Respectueusement soumis,

Le président,
MICHAEL KIRBY

(Le texte de l'annexe au rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 477.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Grafstein, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du lundi 10 avril 2000.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais, à propos de ce point qui est inscrit à notre Feuilleton, dire, avec votre permission, ce que je prévois en ce qui concerne les prochains travaux de la Chambre.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, nous siégerons demain, vendredi, ce qui est un peu inhabituel pour nous. Par conséquent, je demande l'autorisation de revenir aux avis de motion du gouvernement plus tard au cours de la journée afin de donner avis que nous déposerons demain une motion voulant que, lorsque nous ajournerons demain, ce soit au lundi à 16 heures. Sans l'approbation du Sénat en ce qui a trait à une telle motion, nous siégerions normalement à 14 heures.

Son Honneur le Président: Le sénateur a-t-il la permission de revenir plus tard au cours de la journée aux avis de motion du gouvernement?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Hays: Je donnerais bien avis de la motion dès maintenant, mais je ne l'ai pas encore en main. Dès que je la recevrai, vers la fin de la journée, j'en donnerai avis.

Nous siégerons vendredi et lundi parce que le gouvernement aimerait prévoir le plus de temps possible pour le débat sur deux projets de loi importants qui sont inscrits à notre Feuilleton, soit le projet de loi C-9 et le projet de loi C-20.

Je ne veux pas amorcer le débat sur cette question, mais je voudrais tout de même faire savoir aux honorables sénateurs que c'est la raison pour laquelle le gouvernement ne dépose pas la motion d'ajournement habituelle lorsque nous siégeons le mardi, le mercredi et le jeudi.

Il semble également que le gouvernement déposera la semaine prochaine une motion d'attribution de temps relativement au projet de loi C-9.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Hays: Si c'est le cas, l'avis serait probablement donné au début de la semaine. Le débat sur cette question aura lieu mercredi, ce qui, aux fins de l'organisation des travaux des comités et du Sénat à ce moment-là, signifierait que mercredi ne serait pas une courte journée, mais plutôt une journée de séance normale. Autrement dit, nous siégerions à 14 heures et peut-être en soirée.

Honorables sénateurs, c'est l'unique but de mon intervention. Je serai heureux de vous tenir au courant de ce que je croirai devoir arriver pour que vous puissiez planifier vos activités en conséquence.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, nous sommes toujours reconnaissants au leader adjoint du gouvernement lorsqu'il nous donne un aperçu succinct des travaux à venir pour nous aider à planifier notre emploi du temps et le reste.

Toutefois, j'aimerais apporter une correction. Le leader adjoint du gouvernement a dit que le gouvernement permettra aux sénateurs de tenir un débat d'une durée donnée et ainsi de suite. Le gouvernement ne dirige pas le Sénat. C'est là la tâche des honorables sénateurs.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le sénateur Kinsella et j'étudierai soigneusement le compte rendu. En ma qualité de leader adjoint du gouvernement, j'ai un rôle à jouer au nom du gouvernement, et c'est ce qui sous-tend la déclaration que j'ai faite au sujet de nos travaux à venir. C'est une responsabilité du leader et du leader adjoint de ce côté-ci de la Chambre. De toute évidence, l'opposition a aussi son rôle à jouer et elle s'en acquitte fort bien. Elle représente un groupe qui détient des sièges dans les deux Chambres. De ce côté-ci, nous représentons un groupe qui détient des sièges dans les deux Chambres. Il se trouve que nous avons le plus de députés à la Chambre des communes et que nous formons donc le gouvernement.

Personne ne doit s'y tromper. Je ne confonds pas le Sénat et le gouvernement ou qui que ce soit de ce côté-ci de la Chambre avec le gouvernement, sauf pour ce qui est de mon collègue de gauche, le sénateur Boudreau, et j'insiste sur le fait qu'il est à gauche.

Le sénateur Kinsella: Il veut aller à la Chambre des communes.

L'Association parlementaire Canada-Europe

Rapport de la délégation canadienne à la réunion du comité permanent de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe tenue à Vienne, en Autriche

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer dans les deux langues officielles le rapport de la Délégation canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe ayant participé à la réunion du comité permanent de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, qui a eu lieu à Vienne, en Autriche, les 13 et 14 janvier 2000.

Finances nationales

Avis de motion visant à autoriser le comité à utiliser les documents sur la protection civile reçus au cours de la session précédente pour l'étude en cours

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le sous-comité sur la protection civile au Canada, lors de la première session de la trente-sixième législature, soient déférés au comité sénatorial permanent des finances afin qu'il puisse terminer cette étude.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La fête nationale des Acadiens

L'inscription omise au calendrier canadien

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, le ministre pourrait-il nous dire pourquoi, pour la deuxième année consécutive, le gouvernement néglige d'inclure la fête nationale des Acadiens au calendrier des fêtes officielles? Pourtant, le 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste, la Fête nationale des Québécois, est digne de mention au calendrier canadien.

Le ministre Boudreau, étant d'origine acadienne, devrait être insulté par cet oubli. S'engage-t-il aujourd'hui à voir à ce que cet oubli ne se reproduise plus?

[Traduction]

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, bien que je ne sois pas particulièrement familier avec la question qu'évoque l'honorable sénateur, je sympathise certes avec le sentiment qu'il a exprimé. C'est un sentiment dont je ferai part aux autorités compétentes.

[Français]

(1430)

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, j'espère que le leader du gouvernement au Sénat accueillera avec sympathie ma question. Je voudrais que les auteurs du calendrier oublient l'attitude souvent propagée par les séparatistes du Québec, qui veulent donner l'impression que les Acadiens n'existent pas dans les autres provinces du Canada.

Je vous rappelle le fameux commentaire de Suzanne Tremblay à l'autre Chambre qui a dit: «Pouf, ces gens sont finis, il n'y en a plus.» Je vous assure que les Acadiens existent et qu'ils sont là pour rester. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il prévenir ses collègues du Cabinet et les fonctionnaires des ministères de voir à ne jamais nous oublier?

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je n'ai certainement aucune hésitation à joindre ma voix à celle de l'honorable sénateur pour transmettre ce message cette fois-ci et à l'avenir.

Le développement des ressources humaines

La croissance de la caisse d'assurance-emploi-Le versement de l'excédent

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il semblerait que l'excédent de l'assurance-emploi atteigne maintenant près de 35 milliards de dollars et qu'il ait augmenté de près de 7 milliards au cours de ce dernier exercice financier. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il vérifier ces chiffres? Sont-ils exacts?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'honorable sénateur ne s'attend sûrement pas à ce que j'aie ces chiffres sous la main. Je vais toutefois prendre note de sa question et je lui fournirai la réponse en temps voulu.

De toute évidence, il y a un surplus. Nous avons beaucoup de chance d'avoir un excédent respectable, qui existe parce que notre économie est plus florissante cette année qu'elle ne l'a été depuis des décennies. Le taux de croissance réel et le nombre d'emplois créés dans notre pays représentent une réalisation remarquable de la part du gouvernement. C'est une bonne nouvelle. C'est le genre de problème qu'on aime avoir, en l'occurrence l'accumulation d'un excédent dû à la bonne performance de l'économie.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, si tel est le cas, le gouvernement a réduit la dette de 6 milliards de dollars. Au cours des deux dernières années, ces 6 milliards ont été payés avec l'excédent de 3 milliards par an. Si le gouvernement a un excédent de 35 milliards de dollars dans la caisse d'assurance-emploi et qu'on y prélève 6 milliards pour rembourser la dette, où est le reste de l'argent? Il ne stagne pas dans une réserve. Il ne sert à rien d'autre qu'à mettre le gouvernement dans une situation excédentaire parce que vous n'avez pas réduit les dépenses publiques.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je suis certain que l'honorable sénateur se rend compte qu'il faut toujours faire preuve de prudence dans la gestion de la caisse d'AE. Bien que nous nous réjouissions de la performance actuelle de l'économie, on ne peut pas être sûr qu'il en sera toujours ainsi. Il se pourrait que les politiques d'un prochain gouvernement ne se traduisent pas par une activité économique aussi robuste.

Le Conseil canadien des chefs d'entreprises, groupe indépendant qui fait des commentaires sur l'économie et sur diverses questions liées à la politique gouvernementale, a recommandé dans sa lettre qui a précédé la présentation du budget de 2000 que les cotisations à l'assurance-emploi soient réduites de 15 cents pour l'an 2000. En fait, c'est ce qui s'est produit. Selon un organisme qui jouit d'une certaine crédibilité, il y a eu une réduction appropriée des cotisations. Il y en a eu l'année dernière, et il y en aura l'année prochaine. Il s'agit là d'une question que le gouvernement et le ministre compétent continueront de surveiller de très près.

Tout le monde se rend compte que les cotisations à l'assurance-emploi ont diminué et continueront en ce sens. Des divergences d'opinions subsisteront toujours sur le montant exact, la date et la nature de la mesure qu'il convient de prendre, mais jusqu'ici le gouvernement a pris bien soin d'adopter une pratique prudente en réduisant progressivement et régulièrement les cotisations.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, la caisse d'assurance-emploi renferme un excédent de 29 milliards de dollars, sans compter les 6 milliards qui ont servi à rembourser une partie de la dette. Cela représente 35 milliards de dollars. Cet argent ne vous appartient pas. Il appartient aux Canadiens, qui l'ont gagné à la sueur de leur front et à qui le gouvernement a exigé des cotisations trop élevées. Quand allez-vous leur remettre cet argent?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, le sénateur dit que nous avons encore les 6 milliards qui ont servi à rembourser une partie de la dette. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Au fil des ans, nous avons accumulé une dette énorme et elle n'a jamais été aussi élevée que lorsque le parti du sénateur était au pouvoir. Nous devons maintenant la rembourser. Espérons que ces 6 milliards de dollars ont servi à bon escient pour en rembourser une partie et que nous pourrons en rembourser encore plus. Nous avons tout simplement accumulé cette dette et laissé un fardeau aux générations à venir. Nous laissons nos enfants et nos petits-enfants payer la facture. Le moins que nous puissions faire, c'est d'essayer d'en rembourser une petite partie maintenant.

L'économie

L'influence des provinces gouvernées par le Parti progressiste-conservateur sur la tendance actuelle de la croissance

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, pour répondre au sénateur sur ce qu'il est advenu de tout cet argent, je crois certes qu'une bonne partie est allée à la ministre Stewart et à DRHC.

Dans une certaine mesure, le ministre a attribué au gouvernement en place la réussite économique du Canada au cours des dernières années. Reconnaîtra-t-il au moins que le mérite revient en partie aux économies de l'Alberta et de l'Ontario, où deux gouvernements conservateurs ont jeté les bases du succès dont il se félicite?

Une voix: Et la Nouvelle-Écosse?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais tenter d'être juste et équitable à cet égard. Je me suis rendu compte il y a longtemps que les gouvernements ne méritent jamais tout le compliment ni tout le blâme pour une situation déterminée.

Il ne fait aucun doute que d'autres facteurs entrent en jeu. J'ai déjà raconté l'histoire du pasteur qui, lors d'une promenade, dit à un agriculteur: «Votre jardin est splendide», à quoi l'agriculteur répond: «Oui. J'ai fait du bon travail. J'y ai consacré bien des efforts et voyez maintenant le résultat.» Le pasteur réplique: «C'est beau, mais souvenez-vous que vous n'étiez pas seul, vous avez eu de l'aide. N'oubliez pas que le Seigneur vous a aidé à travailler ce jardin.» L'agriculteur réfléchit un instant et dit: «C'est exact, mais vous auriez dû voir ce jardin quand le Seigneur l'avait pour lui tout seul.»

Il y a d'autres facteurs à prendre en compte, par exemple, la vigueur de l'économie américaine. Il y a toutes sortes de facteurs à considérer, mais, indéniablement, celui qui a compté le plus, c'est l'approche productive du gouvernement fédéral actuel. Cette approche a amené une croissance économique sans précédent et a fait que nous nous demandions si l'excédent de la caisse d'AE n'était pas trop gros. Personne ne posait cette question il y a quelques années. En fait, je ne me rappelle pas que quiconque ait jamais demandé il y a dix ans si l'excédent de la caisse d'AE était trop gros.

L'honorable sénateur pose des questions légitimes. Ce sont des sujets auxquels il faut s'arrêter, mais ce sont aussi des problèmes que l'on aime bien avoir.

(1440)

Les finances

L'accumulation d'un excédent-L'influence de la taxe sur les produits et services et du libre-échange

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, tandis qu'il explique les origines diverses de l'excédent budgétaire, le ministre peut-il nous dire à combien il évalue la contribution de la TPS et du libre-échange à cet excédent?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, à vrai dire, je n'en sais rien. Je puis néanmoins affirmer que, sans la saine gestion financière du gouvernement, et notamment du ministre des Finances, Paul Martin, nous n'en serions pas là aujourd'hui.

Des voix: Oh, oh!

Des voix: Bravo!

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, cet excédent nous permettrait de doubler les voies de la route 101 et d'acheter les hélicoptères que nous réclamons depuis dix ans. Les gens ne verraient même pas la petite différence qu'il y aurait dans l'excédent. Je signale au ministre un nouvel accident tragique, presque meurtrier, qui s'est produit tout juste hier sur la route 101.

Les Nations Unies

Le Kosovo-La résolution sur le retour des forces serbes-La politique du gouvernement-Demande de réponse

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, le ministre a-t-il la réponse à mes questions d'hier au sujet de la position du Canada sur le retour des forces serbes au Kosovo? Le Canada continuera-t-il d'y être favorable?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis pas en mesure de fournir une réponse plus précise que celle que j'ai donnée hier. J'ai demandé à mes collaborateurs de communiquer avec le cabinet du ministre compétent, mais nous n'avons pas encore obtenu de réponse. Je transmettrai au sénateur dans les jours à venir la réponse précise que nous aura donnée le ministre.

La Société Radio-Canada

La Nouvelle-Écosse-L'effet du projet de réduction des effectifs à Halifax

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Un peu plus tôt cette année, je lui ai posé une question au sujet des emplois après que la Banque Royale eut annoncé qu'elle supprimait plusieurs postes à Halifax. J'ai une autre question à poser au sujet des emplois, cette fois concernant l'intention du réseau anglais de Radio-Canada de ne plus présenter les nouvelles locales et de supprimer 500 postes. Halifax est l'une des villes visées par ces compressions. Le texte à cet effet disait:

La télévision anglophone de Radio-Canada a l'intention de procéder à une refonte totale de sa programmation locale et régionale; ces changements entraîneront l'élimination ou la réduction de stations dans tout le Canada, ainsi que la perte de quelque 500 emplois.

Parmi ces emplois, combien seront supprimés à Halifax et que fait le ministre, le cas échéant, pour veiller à ce que nous ne perdions pas encore des emplois précieux et bien rémunérés dans cette ville?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Oliver de cette question. Je comprends son inquiétude devant la disparition de tout emploi dans cette ville où nous vivons tous les deux.

Pour ce qui est des plans précis de la SRC, je ne suis pas en mesure de donner des détails au sénateur pour le moment. Je vais m'informer et lui fournir l'information la plus détaillée possible sur les plans de transformation de la structure de la société ou sur la réduction des effectifs à Halifax.

Il est évident que nous regretterions toute modification importante des services de la SRC à Halifax. La qualité de ces services n'a pas son pareil au pays. Je ne suis peut-être pas tout à fait objectif à ce sujet, mais je crois que les productions et le personnel à Halifax atteignent un niveau d'excellence remarquable. Je regretterais vivement qu'on change la structure actuelle.

J'ajouterai que, bien que nous déplorions toute disparition d'emploi quel que soit le secteur d'activité ou la région touchée, et bien que nous sympathisions sincèrement avec les personnes en cause, il faut dire que le récent bilan de Halifax sur le plan du chômage est plutôt enviable. La ville continue de donner des signes de forte croissance. De nouveaux employeurs se sont installés dans la région et ont connu la réussite et la croissance dans cette ville. Nous devrions être très reconnaissants de cela.

Les transports

Le projet d'augmenter le nombre d'heures de conduite des camionneurs

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, il s'est produit quelque chose et je ne suis pas sûre que les Canadiens soient au courant. Le gouvernement canadien se prépare à modifier le code canadien de sécurité régissant les règlements du camionnage de façon à hausser le nombre légal d'heures que les camionneurs peuvent conduire chaque semaine de 60 à 84 et à plus même dans des circonstances spéciales.

Le service du contentieux de Transports Canada est à rédiger la nouvelle norme sur les heures de service qui a été adoptée, en novembre dernier, par le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, composé de hauts fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux. Cela signifie que les camionneurs pourront conduire leurs gros monstres 80 heures ou plus par période de sept jours.

Honorables sénateurs, des groupes de parents, des représentants du secteur des assurances et des groupes de citoyens s'élèvent contre ce changement visant à permettre à davantage de chauffeurs de prendre la route lorsqu'ils manquent de sommeil, mais ce ne sont pas des Canadiens. Ce sont des Américains qui ne veulent pas que nos chauffeurs manquant de sommeil traversent la frontière.

Si je comprends bien, Transports Canada ne tiendra pas de consultations à ce sujet. Le ministère laisse cela aux provinces.

Pourquoi le gouvernement fédéral appuie-t-il la semaine de 84 heures pour les camionneurs? Le leader du gouvernement au Sénat usera-t-il de ses bons offices pour s'assurer que les hauts fonctionnaires fédéraux tiendront de vastes consultations publiques sur cette question très importante?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur Spivak de porter cette question à l'attention du Sénat. Comme elle ne l'ignore pas, les heures de conduite des camionneurs commerciaux sont réglementées au palier fédéral par la Loi sur les transports routiers, qui régit le transport routier interprovincial. Au palier provincial, la réglementation - je ne prétends pas être un expert en la matière - relève des organismes provinciaux de réglementation.

Je lis ici que le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, ou CCATM, envisage de réexaminer les règlements existants à la lumière d'études qui ont été menées récemment sur la fatigue de la conduite. Des avant-projets de changements sont à venir. On me dit qu'une nouvelle norme est en cours de rédaction et qu'elle sera suivie, plus tard cette année, à l'été ou à l'automne peut-être, par des séances publiques d'information tenues par les divers ordres de gouvernement. Le groupe chargé de ce projet comprend des représentants du gouvernement fédéral, des provinces et de l'industrie, sous la direction du CCATM.

Je suis reconnaissant à madame le sénateur d'avoir soulevé ces questions. Elle doit savoir qu'il s'agit d'un projet qui est toujours en cours. Je vais transmettre ses préoccupations au ministre et, par son entremise, aux fonctionnaires concernés.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, ce «projet en cours» est assujetti à une réglementation. Or, on est sur le point de modifier les règlements de manière à accroître le nombre d'heures autorisées, à la demande des associations de camionneurs, je pense. La proposition vise à autoriser un nombre d'heures plus élevé que celui qui est actuellement accepté aux États-Unis et elle constitue une menace pour ceux qui conduisent. Cette question extrêmement importante est en voie d'être réglée, non pas au moyen d'un processus assujetti à l'examen du Parlement, mais au moyen de la réglementation. Le gouvernement fédéral ne tient même pas de consultations publiques à ce sujet.

Le fait que l'honorable leader du gouvernement consulte ses notes ne suffit pas. Il y a une question de sécurité très importante qui est en jeu, et je demanderais au leader du gouvernement d'aller un peu plus loin que simplement laisser le ministère justifier les mesures qu'il prend en disant qu'elles constituent le meilleur compromis possible.

(1450)

Le leader du gouvernement aurait-il l'obligeance d'user de ses bons offices pour empêcher l'adoption de ce qui semble être une mesure très rétrograde en matière de sécurité au Canada? Le nombre d'heures envisagé est même supérieur à celui autorisé aux États-Unis. Je vous en prie, il faut faire quelque chose.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je ne surprendrai pas l'honorable sénateur en disant que je n'ai pas lu les règlements du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé. Je prends très au sérieux les préoccupations exprimées par l'honorable sénateur, mais on me dit aussi que le processus suivi se poursuit et qu'il s'appuie sur des études et des informations scientifiques.

Cela ne veut toutefois pas dire que je rejette les inquiétudes signalées par l'honorable sénateur. Je vais suivre le déroulement de cette affaire et transmettre les préoccupations que l'honorable sénateur a mentionnées au ministre des Transports et, par son entremise, à ses fonctionnaires. Je vais peut-être même examiner les règlements personnellement, de manière à ce que nous puissions peut-être en discuter d'une manière plus détaillée, ultérieurement.

Le sénateur Spivak: Je m'excuse de ne pas avoir informé votre bureau de cette question. Je ne m'attends pas à ce que vous connaissiez le règlement en détail. Il existe toutefois un principe selon lequel toutes sortes de changements sont apportés par le truchement de la réglementation sans que ces changements ne soient examinés par les représentants du peuple. Dans un cas comme celui-ci cependant, je crois que nous devons nous interroger. À première vue, cette mesure me paraît bien radicale.

Le sénateur Boudreau: Je suivrai cette question de la façon que j'ai indiquée en la soumettant au Conseil du Trésor et, mieux encore, à un comité spécial du Cabinet qui s'occupe des règlements. J'aurais tendance à croire qu'un règlement comme celui-ci doit faire l'objet d'une publication préalable avant d'entrer en vigueur, mais je n'en suis pas sûr. J'examinerai aussi cet aspect.

Les travaux du Sénat

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à l'honorable sénateur Milne, en sa qualité de présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Ma question fait suite à ce qu'a dit plus tôt cet après-midi le leader adjoint du gouvernement, à savoir que la journée de mercredi prochain ne sera pas une petite journée, mais que le Sénat continuera de siéger tout l'après-midi et probablement aussi en soirée.

Le cas échéant, la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a-t-elle l'intention de reporter la séance prévue le même jour, séance au cours de laquelle le comité devait entendre divers témoins, dont le directeur général des élections du Canada, au sujet de l'important projet de loi C-2?

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, étant donné que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a une longue liste de témoins confirmés qui ont déjà réorganisé leur emploi du temps pour être ici mercredi après-midi, j'ai l'intention de demander au Sénat, le moment venu, d'autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat. J'espère que les leaders des deux côtés s'entendront à ce sujet et autoriseront le comité à siéger.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, le sénateur doit savoir que son comité n'est pas le seul à avoir des séances prévues mercredi après-midi. Le comité que je préside, le comité sénatorial permanent des finances nationales, devait se réunir à 17 h 45 pour poursuivre l'étude du projet de loi S-13, le projet de loi sur les dénonciateurs, présenté par le sénateur Kinsella.

J'aimerais que le leader adjoint du gouvernement me dise, quoique je devrais peut-être adresser ma question aussi au chef de l'opposition en sa qualité de fonctionnaire de la Chambre, quelle est la position du Sénat au sujet des demandes visant à permettre à un comité à siéger en même temps que le Sénat.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais avoir la permission du Sénat pour répondre, car je ne suis pas président d'un comité. Le leader voudra peut-être y aller d'une réponse.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, c'est une question sérieuse que j'ai posée au leader adjoint au sujet des travaux du Sénat, et je pense avoir tout à fait le droit de poser cette question et de m'attendre à une réponse.

Son Honneur le Président: Le leader adjoint a-t-il la permission du Sénat pour répondre à la question?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, mercredi prochain, les comités suivants doivent se réunir: le comité des affaires juridiques et constitutionnelles, pour discuter du projet de loi C-2; le comité des affaires étrangères, pour discuter du projet de loi S-18, qui porte sur les enfants soldats; le comité des banques, s'il reçoit le projet de loi S-19, les modifications proposées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions; le comité des transports, pour discuter du projet de loi S-17, Loi concernant la responsabilité en matière maritime; et, comme le sénateur Murray l'a dit, le comité des finances nationales.

La réponse simple, bien sûr, est d'obtenir l'accord de l'opposition pour étudier le projet de loi C-9, comme nous l'espérons. Quoi qu'il en soit, je ne m'attends pas à cela, et les sénateurs ne devraient pas s'opposer non plus à ce que je fasse état de cette position parce que c'est à cause de cela que nous en sommes là.

Il est possible que certains comités siègent en même temps que le Sénat, mais ce sera à nous de décider. Si un comité siège, je suppose que ce sera tolérable. Si plus d'un comité siège, cela donnera lieu à la situation dont nous avons déjà parlé à maintes reprises dans cette enceinte - des comités siégeant pendant que des questions importantes sont débattues au Sénat. Si tout va comme je le propose, nous étudierions le projet de loi C-9, et le débat sur la question de savoir si le Sénat doit abréger ou non son étude est important. Nous devons faire très attention. J'espère que les présidents de comités pourront poursuivre leurs travaux sans trop d'inconvénients pour eux, bien que je reconnaisse qu'il y en aura.

Cependant, le lundi est libre, par exemple, pour les séances de comités. Nous avons coutume d'entendre des témoins le mercredi, et j'ai donné avis aujourd'hui de ce qui est prévu, de sorte qu'il n'y aura pas de surprise la semaine prochaine. L'horaire des séances, espérons-le, pourra être remanié. La journée de lundi pourrait servir aux séances des comités, et demain aussi peut-être. Quoi qu'il en soit, c'est la meilleure réponse que je puisse donner.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, gardant à l'esprit que permission veut dire consentement unanime et que la question ne relève pas uniquement du sénateur, dois-je comprendre que sa position, en ce qui concerne le gouvernement, c'est que la permission de siéger en même temps que le Sénat serait accordée à un seul comité mais pas à plusieurs? Dans l'affirmative, sur quoi se fondera-t-il pour choisir l'heureux élu?

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, normalement, il s'agirait de demandes de permission. Ces demandes peuvent être faites sous forme de motions. Je crois que madame le sénateur Milne pensait qu'elle donnerait un avis de motion et demanderait au Sénat la permission que les comités puissent siéger en même temps que le Sénat. D'après mon interprétation du Règlement, cette motion ferait l'objet d'un débat. Lorsque nous la débattrons, peut-être devrons-nous évaluer combien de comités désirent siéger. De toute évidence, si un seul comité doit être choisi, le sénateur Murray dira que ce devrait être le comité sénatorial permanent des finances nationales, mais madame la sénateur Milne dira que ce devrait être le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

J'ai avancé cette idée, car je crois que, pour des raisons pratiques, un comité pourrait siéger. Si cinq comités siègent, le Sénat ne peut faire son travail. C'est pourquoi je propose qu'un ou peut-être deux comités siègent. Si une motion est proposée, ou si la permission de régler la question est demandée sans qu'une motion soit proposée, nous déciderons du nombre à ce moment-là.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, nous dépassons le temps prévu pour la période des questions, mais, pour être justes envers les comités, nous devrions connaître les intentions du gouvernement. Des témoins doivent comparaître mercredi prochain, je présume. En ce qui nous concerne, à moins d'une raison très valable, les comités ne devraient pas siéger en même temps que le Sénat.

(1500)

Les affaires intergouvernementales

La visite du premier ministre du Québec en France-Le discours exposant la position du gouvernement provincial sur le projet de loi sur la clarté référendaire-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat est préoccupé par le fait que le premier ministre du Québec s'adresse aujourd'hui aux membres du Sénat de la République française. Parmi les questions dont il va parler avec le président de la France, Jacques Chirac, il y a le fait qu'il estime que le projet de loi C-20 est nul et non avenu.

Le gouvernement va-t-il faire connaître sa position sur les vues exprimées par le premier ministre du Québec dans ses entretiens avec le président de France et dans le discours qu'il prononcera aujourd'hui devant le Sénat de la République française?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour ce qui est de la première partie de la question de l'honorable sénateur, je suis toujours inquiet lorsque le premier ministre du Québec fait un discours.

Cela aurait été trop espérer que de croire que le premier ministre Bouchard approuverait le projet de loi et qu'il dirait: «Oui, je crois que le projet de loi C-20 est un exercice légitime et valable de la compétence fédérale.» Le fait que le projet de loi C-20 n'ait pas plu à M. Bouchard ne nous surprend aucunement. En fait, il l'a déclaré publiquement à de nombreuses reprises et il va le répéter aux membres du Sénat français. Il est prévisible qu'il dira la même chose à chaque occasion publique qu'il aura. Nous ne sommes tout simplement pas d'accord avec lui. Nous pensons qu'il a tort. Ce n'est pas un secret: nous pensons que ses propos concernant ce projet de loi sont manifestement erronés.

Les affaires étrangères

La France-La possibilité d'un appui en faveur de la sécession du Québec-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, si le gouvernement de la France apporte une reconnaissance internationale à un Québec faisant sécession, cela constituerait-il une préoccupation pour ce gouvernement?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la situation soulevée par le sénateur est hypothétique à l'extrême. Si cela devait se produire aujourd'hui ou dans deux ans, ou si cela s'était produit la semaine dernière ou il y a deux ans, dans quelque pays que ce soit, il y aurait lieu de s'inquiéter. Nous croyons fermement que cela ne se produira jamais et que les Québécois n'accepteront jamais de se séparer du Canada, à condition qu'on leur présente une question claire. Je dis cela avec la plus grande confiance. À mon avis, nous ne serons jamais confrontés à la situation hypothétique soulevée par le chef adjoint de l'opposition.

Projet de loi sur la clarté du processus référendaire

Les propos du premier ministre du Québec durant sa visite en France

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, selon le Globe and Mail d'aujourd'hui, le premier ministre du Québec aurait dit au président Jacques Chirac que son gouvernement, c'est-à-dire le gouvernement du Québec, avait mis toute cette question en veilleuse au cours des quatre dernière années et que c'est uniquement à cause de ce projet de loi mal pensé qu'elle est revenue au premier plan.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, on m'a déjà accusé d'être crédule à une certaine époque de ma vie, mais je ne sais pas si j'aurais cru une telle histoire.

Le premier ministre du Québec dit que, si Ottawa n'avait pas soulevé la question, son gouvernement ne l'aurait jamais soulevée, qu'il n'aurait jamais plus pensé à la séparation, que le mouvement séparatiste au Québec n'aurait jamais refait surface. C'est difficile à croire.

Une déclaration comme celle-là de la part du premier ministre Bouchard montre mieux que quoi que ce soit que nous puissions dire dans cette enceinte combien il est désespéré lorsqu'il se rend compte que les Québécois ne le suivront pas s'il veut se séparer du Canada.

Les pêches et les océans

Ucluelet-Tofino, en Colombie-Britannique-Demande de remplacement du système des concessions de pêche

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

La semaine dernière, des membres du comité sénatorial des pêches ont visité quelques-unes de nos collectivités côtières afin de prendre connaissance des problèmes que leur cause la politique fédérale des pêches. Ce groupe comptait le président du comité, le sénateur Comeau, mon collègue de la Colombie-Britannique, le sénateur Perrault, le sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard, le sénateur Perry, et le sénateur Mahovlich, qui a fait plus que quiconque pour réchauffer les relations entre l'Est et l'Ouest depuis que les Canucks de Vancouver sont en lice pour décrocher la coupe Stanley. C'était un excellent groupe et, grâce au Big M, nous avons été particulièrement bien reçus.

La population d'Ucluelet-Tofino a soulevé une question présentant un intérêt immédiat. Ces gens, autochtones et non-autochtones - la bande et la collectivité -, essaient d'organiser un système local d'attribution des permis pour avoir accès à leurs zones de pêche, qui sont maintenant attribuées selon un système au sein duquel un dentiste de Toronto pourrait obtenir leurs permis. Ils veulent remplacer les détenteurs de permis absents par des détenteurs de permis de pêche locaux.

Ils ont été incapables d'obtenir une réponse du ministère des Pêches et des Océans. Parce qu'ils sont des bénévoles, que la saison de la pêche approche et qu'ils sont épuisés, ils affirment qu'ils ont besoin d'obtenir une réponse immédiate. Par ses bons offices, le ministre pourrait-il voir à ce qu'ils obtiennent une réponse? S'ils n'obtiennent pas de réponse, le consensus pourrait se défaire et il risque d'y avoir une petite guerre du poisson. Je demande au ministre de faire diligence.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je dirai comme l'honorable sénateur que les membres du Comité sénatorial des pêches ont fait un excellent travail dans leur étude de questions complexes. Je dois avouer que je connais un peu mieux la situation sur la côte est que celle sur la côte ouest. Cependant, je connais la région dont a parlé l'honorable sénateur. Je suis allé là-bas, et c'est absolument magnifique.

Bien sûr, je communiquerai la requête du sénateur au ministre et à son ministère en demandant une réponse dans les plus brefs délais. Je transmettrai la réponse à l'honorable sénateur.

Réponse différée à une question orale

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question posée au Sénat le 28 mars 2000 par l'honorable sénateur Robertson au sujet de la possibilité d'abaisser le seuil permettant d'obtenir le statut de métropole.

Statistique Canada

La possibilité d'abaisser le seuil octroyant le statut de métropole

(Réponse à la question posée par l'honorable Brenda M. Robertson le 28 mars 2000)

1. Statistique Canada consulte les utilisateurs de ses données avant chaque recensement (à tous les cinq ans) pour déterminer s'il y a lieu de mettre à jour certaines de ses définitions géographiques, dont celle de la région métropolitaine de recensement (RMR). Au cours des consultations préparatoires au Recensement de 2001, certains ont proposé que le seuil de population d'une RMR soit abaissé à 100 000, mais il n'y a pas eu une majorité claire en faveur du changement. La définition n'a donc pas été modifiée pour le Recensement de 2001 et la planification du recensement, de même que des programmes qui utilisent la définition d'une région métropolitaine, a été entamée sans modification de définition.

2. Pour ce qui est de la similitude avec la définition américaine, Statistique Canada est en communication avec le Bureau of the Census des États-Unis au sujet de la possibilité et des avantages de l'harmonisation des définitions des régions géographiques dans les deux pays. Le Bureau of the Census est en plein dans son Recensement de 2000 de sorte qu'il ne peut s'occuper de cette question pour l'instant. Dans l'administration américaine, il est question de revoir les définitions et d'établir plusieurs catégories de régions métropolitaines selon la taille de la population. Nous avons l'intention de poursuivre les efforts d'harmonisation canado-américaine le plus tôt possible.

3. Dans l'intervalle, Statistique Canada est prêt et est disposé à indiquer publiquement, dans toute publication ou sur toute tribune où ce serait utile, quelles régions urbaines au Canada seraient des RMR selon deux définitions américaines différentes. Moncton serait une telle région selon l'une ou l'autre définition.

4. Statistique Canada travaille de concert avec Industrie Canada pour faire en sorte que les données sur les centres urbains dont la population est supérieure à 50 000 soient incluses dans son site Investir au Canada et qu'il soit indiqué que ces centres correspondent aux définitions américaines des régions métropolitaines.

5. Enfin, il faut faire observer que, si un centre urbain est redésigné en tant que centre métropolitain, on n'augmenterait pas pour autant la quantité de données disponibles pour ce centre. Nous rendons déjà disponible toutes les données que nous avons au sujet des centres urbains. Pour augmenter la quantité de données disponibles pour les plus petits centres urbains, par exemple, en augmentant la taille de l'échantillon dans certaines enquêtes, il nous faudrait obtenir beaucoup plus de ressources budgétaires.

Bref, Statistique Canada est d'avis qu'il ne peut remettre en question la définition des régions métropolitaines à temps pour le Recensement de 2001. Les consultations nécessaires, ainsi que les modifications du programme de recensement et celles d'autres programmes, à l'intérieur et à l'extérieur de Statistique Canada, qui font usage de la définition de régions métropolitaines, ne pourraient être terminées à temps.

Toutefois, Statistique Canada est prêt et est disposé à identifier les centres urbains qui auraient la désignation «métropolitain» selon les définitions américaines. Il travaille en particulier de concert avec Industrie Canada pour faire en sorte que ces données soient affichées en évidence sur son site Investir au Canada et il est disposé à collaborer à la même fin avec tout autre organisme qui cherche à attirer des entreprises dans les centres urbains du Canada.

Les travaux du Sénat

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, c'est d'habitude à cette heure-ci que nous avons un échange, lorsque c'est nécessaire, sur les travaux du Sénat prévus pour les prochains jours. Nous sommes déjà saisis, et les sénateurs y réfléchissent, de la discussion amorcée par le sénateur Murray au cours de la période des questions, au sujet de ce que le leader adjoint du gouvernement a annoncé au sujet de la séance du Sénat de mercredi prochain. Des comités ont prévu des travaux et convoqué des témoins pour la séance normalement prévue après la séance du Sénat, à 15 h 30.

(1510)

Je ne crois pas que nous voulions nous engager dans la voie proposée par certains honorables sénateurs, soit la classification des dossiers à l'étude au Sénat en une catégorie de dossiers qui sont de la plus grande gravité et en une autre catégorie de dossiers qui seraient moins importants. À mon avis, le même principe s'applique aux comités. Comment pouvons-nous décider que certains comités peuvent siéger parce que les sujets qu'ils traitent sont considérés, pour une raison ou pour une autre, comme plus importants que ceux dont un autre comité est saisi?

Honorables sénateurs, notre côté aura beaucoup de difficulté à accorder cette autorisation. Le principe sur lequel nous nous sommes basés pour permettre que les comités siègent en même temps que le Sénat a toujours été le fait qu'un ministre doive comparaître à titre de témoin. Nous reconnaissons que la difficulté de modifier les horaires des ministres constitue une circonstance exceptionnelle.

La semaine prochaine, plusieurs comités se pencheront sur des dossiers ordinaires d'importance. Il serait difficile de justifier la décision de ne pas respecter notre habitude de lever la séance à 15 h 30 le mercredi pour que ces comités puissent faire leur travail plutôt que de laisser la séance du Sénat se poursuivre et accorder la permission aux comités de siéger en même temps. C'est l'un des points qui a été soulevé par le leader adjoint du gouvernement.

L'autre point concerne la possibilité d'une attribution de temps qui serait imposée au projet de loi C-9. Si le gouvernement décidait d'imposer le bâillon, un avis de motion serait déposé à cet effet. Il y aura alors débat sur cette motion. Si la motion est adoptée, et pour qu'elle le soit, elle doit être approuvée à la majorité des voix, le bâillon sera effectivement imposé sur ce projet de loi-là.

Honorables sénateurs, c'est la première fois depuis que je siège au Sénat qu'on nous avertit d'un bâillon. Si je comprends bien le Règlement, des négociations doivent avoir lieu. Effectivement, elles se déroulent actuellement entre les deux côtés. Je crois avoir fait une contre-proposition dans ces négociations. J'attends de voir quelle sera la réaction à cette contre-proposition, et je préférerais que ces négociations se poursuivent.

Si les négociations échouent, le leader adjoint peut alors, aux termes du Règlement, se lever et dire: «Nous avons tenu des négociations et elles ont échoué». Je considère vraiment avoir fait une contre-proposition durant les négociations. La balle est dans le camp du leader adjoint du gouvernement. Je ne crois pas que le Règlement prévoie la possibilité d'un avertissement concernant le bâillon.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis heureux que le sénateur Kinsella reconnaisse que nous avons eu des négociations, car c'est là la condition préalable au recours à l'article 39 du Règlement pour limiter le débat.

Chacun de nous doit interpréter l'état de nos négociations. Selon mon interprétation, nous ne sommes pas parvenus à une entente que je puisse considérer comme répondant aux attentes du parti que je représente. Je ne vais pas en référer au gouvernement.

Quant à prévenir les sénateurs de la possibilité d'un contretemps mercredi prochain, je n'en suis pas sûr, mais le sénateur Kinsella semble préférer que ce soit une surprise - autrement dit, que la motion soit présentée à la suite d'un avis, par opposition à ce que je fais aujourd'hui. Je ne fais que prévenir les sénateurs, qui ont tous un intérêt dans cette question. Après tout, nous siégerons vendredi et lundi, ce qui est un peu inhabituel pour nous. Le sénateur Kinsella préférerait peut-être que nous attendions à la dernière minute pour en discuter.

Il se peut fort bien que nos négociations portent fruit et que nous aboutissions à une entente, de sorte que nous n'ayons pas à siéger plus longtemps que d'habitude mercredi. Cependant, je dois interpréter l'état de la situation en fonction de notre objectif.

Espérons que nos négociations se poursuivront. Nous avons eu de bons rapports et j'espère qu'ils se poursuivront. Selon mon interprétation de l'état de la situation, nous avons au moins trois semaines de retard sur notre objectif. C'est pourquoi j'ai décidé de prévenir la Chambre sur ce qui se passera, à mon avis, la semaine prochaine. J'espère que je me trompe et que nos négociations aboutiront à une entente. Je compte attendre le plus longtemps possible, dans l'espoir que nous parvenions à nous entendre.

Quoi qu'il en soit, entre surprendre les sénateurs lundi ou mardi ou les prévenir aujourd'hui de ce qui se passera probablement, je préfère les prévenir aujourd'hui.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur. Tous les sénateurs peuvent ainsi savoir où ils en sont.

En outre, il est peut-être utile de nous rappeler que nous siégeons habituellement de 14 à 18 heures. Nous suspendons la séance à 18 heures et revenons à 20 heures. L'autre jour, pour tenter d'avoir suffisamment de temps pour le débat, nous avons décidé de ne pas voir l'heure, ce qui a causé des problèmes de planification.

Nous n'avons pas eu tellement de mesures d'initiative ministérielle sur lesquelles nous pencher pendant un certain temps et nous envisageons maintenant la possibilité d'ajouter des séances demain, lundi et peut-être même vendredi prochain. Si nous utilisons ces trois journées supplémentaires et toutes les heures qui sont à notre disposition dans le cours normal d'une journée, cela pourrait à mon avis parer au mercredi après-midi.

Ma principale préoccupation tient au fait que nous pourrions entraver les activités des comités, comme l'a souligné le sénateur Murray. Si les honorables sénateurs tiennent compte du fait que nous ajoutons des journées de séance demain, lundi et vendredi prochain et que nous pourrions siéger de 20 heures à 24 heures, ils constateront qu'il se pourrait que nous venions à bout de tous les articles au Feuilleton. Bon nombre de sénateurs se sont plaints auprès de moi que certaines de leurs demandes de renseignements finissent toujours par être reportées.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, nous verrons comment se dérouleront les choses. Je présente ce que pourrait être et non ce que sera le scénario. Il se peut que nous nous rendions compte mardi prochain que nous n'avons plus rien à dire. Le cas échéant, les choses se passeront comme l'a dit le sénateur Kinsella. Toutefois, si notre débat n'a pas pris fin, il est fort possible, voire probable, que les choses vont se dérouler comme je l'ai dit. Le sénateur Kinsella a souligné que l'opposition ne consentirait vraisemblablement pas à ce qu'un comité siège mercredi si nous tenons notre séance régulière. Il est difficile de choisir, bien que nous ayons continuellement à effectuer des choix ici, mais nous pourrions décider, si nous le voulions, d'autoriser quelques comités à siéger. Quoi qu'il en soit, nous devons attendre et voir ce qui arrivera.


ORDRE DU JOUR

La Loi canadienne sur les sociétés par actions
La Loi canadienne sur les coopératives

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Cook, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-19, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois en conséquence.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'interviens au sujet du projet de loi S-19, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives. J'étais censé prononcer ce discours jeudi dernier. Quand on a des journées et du temps supplémentaires, on ajoute un paragraphe ici et là, veuillez donc faire preuve d'indulgence à mon égard. Beaucoup de choses sont survenues au cours de la dernière semaine et demie.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'excellent discours du sénateur Kirby mardi dernier. Je tiens à souligner le travail accompli par le comité sous sa présidence et la vice-présidence du sénateur Angus et de votre humble serviteur.

Le travail accompli par le comité en ce qui concerne la régie d'entreprise et en particulier les investisseurs institutionnels et le rôle et le travail des conseils d'administration étaient excellents. Je félicite le gouvernement d'avoir suivi bon nombre des recommandations présentées par le comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

(1520)

Notre comité s'est toujours attaché à l'objectif d'améliorer le climat des affaires au Canada pour aider à créer une capacité et à soutenir la quête de compétitivité du Canada sur la scène mondiale, surtout parmi les pays de l'OCDE.

Honorables sénateurs, malgré ce que le sénateur Boudreau a dit à propos du projet de loi C-20, je crois - et je suis convaincu que la plupart de mes collègues au sein du comité des banques le croient aussi - qu'il s'agit là de l'un des projets de loi d'initiative gouvernementale les plus importants dont le Sénat ait été saisi depuis quelque temps. J'en aurai davantage à dire sur le sujet quand nous étudierons le projet de loi C-20 la semaine prochaine, mais je répète qu'il s'agit là de l'un des projets de loi d'initiative gouvernementale les plus importants dont le Sénat ait été saisi depuis quelque temps, et c'est un projet de loi que le Sénat est bien placé pour examiner étant donné l'expertise que nous avons accumulée et la connaissance des institutions que nous avons acquise grâce à nos études précédentes.

Le comité des banques a déjà consacré beaucoup de travail aux modifications que l'on pourrait apporter à la Loi canadienne sur les sociétés par actions et à la Loi canadienne sur les coopératives, à l'occasion d'audiences et de rapports antérieurs. Le Sénat est le premier endroit logique où l'on puisse accorder à ce projet de loi ce que j'appellerais un «premier examen objectif», et je félicite le gouvernement d'avoir eu la prévoyance de nous saisir en premier de ce projet de loi.

Je vais aborder plus précisément aujourd'hui quatre de mes sujets de préoccupation avant que nous entamions notre étude du projet de loi en comité au cours des prochaines semaines. Je me préoccupe de la question de la compétitivité à l'échelle mondiale, de l'absence de mécanismes d'examen parlementaire, de la tendance générale à la délégation des pouvoirs parlementaires au moyen de la réglementation prise par décret du conseil, et de certaines questions concernant la responsabilité de dirigeant pour les administrateurs et les dirigeants des sociétés.

J'aborderai mon premier point, concernant la compétitivité à l'échelle mondiale, en examinant le but du gouvernement, tel que décrit par le communiqué de presse, à savoir que le projet de loi aidera nos sociétés à livrer concurrence et fera du Canada une destination de choix où les sociétés plurinationales voudront établir leur siège.

Honorables sénateurs, l'actuelle Loi canadienne des sociétés par actions ne souffre pas la comparaison avec certains des autres obstacles à la concurrence auxquels les entreprises canadiennes font face. Malheureusement, le gouvernement actuel ne s'attaque pas à ces autres obstacles avec assez de vigueur.

Un article paru le 4 avril dans National Post a mentionné un communiqué conjoint du porte-parole du Conseil canadien des chefs d'entreprises, M. David O'Brien, président- directeur général du Canadien Pacifique, de M. Jean Monty, président-directeur général de BCE Inc., et de M. John Cleghorn, président du conseil d'administration et président directeur général de la Banque Royale. Ils ont déclaré que le plan quinquennal de réduction des taux de l'impôt sur les sociétés, que M. Paul Martin a proposé dans son budget de février, témoigne d'un manque de vision et d'une timidité consternants. Ils ont ajouté que seule une prospérité soutenue pourra permettre au Canada de conserver ses valeurs et ses principaux programmes sociaux. La concurrence mondiale et l'intégration des entreprises à l'échelle continentale et mondiale déboucheront sur une ère post-industrielle qui laissera le Canada extrêmement vulnérable. Le président du Conseil national des chefs d'entreprises, M. Tom D'Aquino, a prévenu que, si le gouvernement n'agit pas sans tarder, le Canada deviendra rapidement une banlieue pauvre au nord des États-Unis. Ils ont demandé au gouvernement de renoncer aux demi-mesures timorées et d'annoncer immédiatement une réduction importante des impôts, un plan énergique de réduction de la dette fédérale, qui se chiffre à 575 milliards de dollars, et des politiques audacieuses pour promouvoir les sociétés canadiennes d'envergure internationale, dont les banques.

Par ailleurs, non seulement notre régime fiscal dépend, plus que celui de nos concurrents, d'impôts qui n'ont rien à voir avec les niveaux de profits, comme l'impôt sur le capital et l'impôt foncier, mais les taux d'impôt sur le revenu ont également un caractère plus punitif qu'ailleurs.

Le Canada n'a pas emboîté le pas aux autres pays qui ont réduit l'impôt sur le revenu des sociétés, si bien que cette année le taux d'imposition du revenu des sociétés au Canada se classera au deuxième rang mondial. Le dernier budget annonçait une réduction de l'impôt des sociétés de 1 p. 100, mais comportait seulement la promesse d'autres réductions d'ici 2004. Pouvons-nous nous permettre d'avoir pendant encore quatre ans des taux d'impôt sur le revenu des sociétés qui surpassent de 7 p. 100 la moyenne des pays de l'OCDE?

Tant que notre régime fiscal des entreprises ne sera pas concurrentiel, les autres pays demeureront plus attrayants pour les investisseurs et offriront des revenus plus élevés. Les capitaux sont devenus hautement mobiles et se déplacent plus rapidement que jamais face aux changements réels ou anticipés des politiques fiscales. Le monde des entreprises ne restera pas immobile à attendre que le Canada réduise ses impôts au niveau de ceux de nos concurrents. Les entreprises ne vont pas rester ici en attendant une baisse éventuelle des impôts.

En outre, les taux d'impôt sur le revenu des particuliers font du Canada un endroit moins attrayant pour les professionnels et gestionnaires talentueux. Nous perdons nos cerveaux les plus brillants, autrement dit les gens dont nous avons besoin pour être concurrentiels, au profit des États-Unis et d'autres pays où le revenu après impôt est plus élevé que chez nous. Les réductions d'impôt annoncées dans le dernier budget ne vont pas assez loin.

Honorables sénateurs, il faut se rappeler que ceux qui choisissent l'endroit où établir leur siège social prennent en considération les répercussions fiscales sur leur entreprise et sur eux-mêmes, en tant qu'individus, puisqu'ils résident généralement dans le pays où se trouve leur siège social.

Bref, la suggestion du gouvernement, selon laquelle ces modifications visant des lois sur les sociétés et les coopératives feront du Canada un endroit de choix pour les sièges sociaux de sociétés internationales, est irréaliste puisqu'elle ne tient pas compte du fait que les impôts au Canada sont tout simplement trop élevé. Il reste des obstacles à éliminer pour que le Canada devienne plus concurrentiel. Par exemple, au sein du G-7, le Canada se classe à l'avant-dernier rang pour ce qui est du taux de financement de la R-D par rapport à son économie.

Dans son dernier budget, le gouvernement peut bien faire des déclarations retentissantes sur les fonds qu'il affecte à la recherche sur le génome et aux chaires de recherche, par exemple, mais cet argent sera réparti sur plusieurs années et représente peu quand on pense à l'écart considérable qui sépare le Canada de ses concurrents en matière de R-D. À eux seuls, ces fonds publics ne combleront pas l'écart tant que le risque sera mieux récompensé ailleurs.

Un autre obstacle à vaincre pour que le Canada devienne plus concurrentiel réside dans les barrières commerciales qui existent à l'intérieur même du pays. Il est plus facile de vendre des biens et des services à l'étranger que dans une autre province. Il est inutile de fragmenter davantage notre petit marché intérieur en levant des obstacles au commerce au moyen de lois sur la couleur de la margarine.

Si une entreprise de la Saskatchewan a un différend avec une entreprise américaine, elle peut s'adresser à un groupe spécial prévu aux termes de l'ALENA ou à l'OMC. Si son problème est en Ontario ou en Alberta, elle n'a vraiment pas de chance. Notre accord sur le commerce intérieur n'a pas de dent, pas de mécanisme d'exécution. Mon collègue, le sénateur Kelleher, qui possède des connaissances spécialisées en ce qui concerne l'OMC, ferait certainement écho à mes paroles.

Un troisième obstacle est la réglementation. La plupart des PME vous diraient que la manière dont le gouvernement impose des règlements représente un problème nettement plus gros que la Loi canadienne sur les sociétés par actions, même si les modifications qui éliminent le dédoublement sont un pas dans le bonne direction.

Honorables sénateurs, un milieu qui assujettit les entreprises à des règlements seulement là où il le faut et quand il le faut est essentiel à une économie vigoureuse et concurrentielle. Le gouvernement opte beaucoup trop vite pour la réglementation alors que d'autres solutions pourraient être mises en oeuvre, telles que l'observation négociée des lois, et l'adoption de règlements s'accompagne rarement d'une analyse coûts-avantages, soit avant ou après l'entrée en vigueur desdits règlements.

Cela m'amène à mes deuxième et troisième points, à savoir qu'il est nécessaire d'avoir un mécanisme d'examen parlementaire et que la délégation des pouvoirs parlementaires par le recours aux règlements plutôt qu'à la loi pour réguler les entreprises m'inquiète.

Le comité sénatorial de banques est en faveur d'étendre la portée des règlements pour faciliter l'accès des entreprises à des réponses rapides et de mettre en place des règlements qui clarifient et simplifient les règles qui régissent les entreprises. Toutefois, le comité n'a jamais recommandé que ces règlements ne soient pas examinés par le Parlement. Tout règlement devrait faire l'objet d'un examen obligatoire et régulier afin de déterminer si une mesure doit être abrogée ou si un ajustement est nécessaire pour que le règlement en question soit efficace.

Beaucoup de règlements sont rédigés dans des termes tellement complexes qu'il faut être un avocat de Bay Street pour les comprendre. Trop souvent, les petites entreprises ne sont même pas au courant des règlements jusqu'au moment où elles les enfreignent. Les petits entrepreneurs n'ont pas l'habitude de lire la Gazette du Canada en buvant leur café le matin.

Je demanderai aux intéressés pourquoi, en même temps qu'ils affichent des règlements compliqués sur Internet, ils ne les déposent pas devant le Parlement. Nous devons mettre en place un mécanisme prévoyant le dépôt des règlements dans les deux Chambres, disons 30 jours avant leur entrée en vigueur. Au besoin, les règlements pourraient être examinés en comité, et ceux qui feraient l'objet d'amendements n'entreraient pas en vigueur et devraient être retirés jusqu'à ce qu'ils soient acceptables.

Le fait que nous abandonnions lentement le Parlement est un sujet qui me préoccupe depuis longtemps. Contrairement à celui qui avait été adopté en 1974 ou 1975, ce projet de loi ne prévoit pas d'examen par le Parlement.

(1530)

De plus en plus souvent, notre économie est régie par des règlements, qui ne nécessitent pas l'approbation du Parlement, et cela me préoccupe. C'est peut-être juste la façon dont fonctionne ce gouvernement. Un exemple de cet état de fait est ce qui s'est passé aujourd'hui. Nous allons étudier un projet de loi pour lequel la clôture sera invoquée mercredi si nous ne nous dépêchons pas de l'adopter avant, alors qu'il ne semble absolument pas nécessaire de l'adopter. Son adoption peut attendre jusqu'au 3 mai, ou jusqu'au 10 mai ou encore jusqu'au 15 mai. Il n'y a aucune urgence nationale.

Honorables sénateurs, nous nous faisons court-circuiter par l'édifice Langevin. Ce petit problème au sujet des règlements est symbolique des gros problèmes comme le projet de loi C-9 que nous venons juste de commencer à débattre. On nous dit qu'il doit être adopté d'ici mercredi. Il faut donc que nous siégeons pendants des heures et des journées supplémentaires parce que, soi-disant, nous ne pouvons pas débattre ce projet de loi en mai. On ne nous donne cependant aucune bonne raison justifiant qu'il doive être adopté mercredi. Cela devrait nous inquiéter tous.

Il y a une quatrième chose qui m'inquiète au sujet du projet de loi S-9, à savoir, pour paraphraser un document du gouvernement, qu'il rendra civilement responsable les personnes qui divulgueront des renseignements confidentiels non publiés, qu'il y ait eu ou non transaction, si ces personnes sont des initiés, bien sûr. Je ne suis pas juriste, aussi quand je lis le projet de loi, je ne comprends pas pourquoi la communication des renseignements pose un problème lorsqu'il n'y a pas eu de transaction. Est-ce que cela causera des problèmes si des administrateurs ou des initiés divulguent par inadvertance des renseignements qui pourraient être communiqués par un tiers, les exposant à des poursuites civiles même s'ils n'ont fait aucun bénéfice et que cela n'a pas servi leurs intérêts?

Afin que les dispositions du projet de loi puissent s'appliquer, à l'égard de l'amendement qui me préoccupe, il faut que quelqu'un déclare que des renseignements ont été communiqués. Ce gouvernement qui n'a pas encore tenu sa promesse d'adopter une mesure législative protégeant les dénonciateurs encourage maintenant cette pratique dans le secteur privée. Comment faire autrement pour savoir qui a parlé à qui? Peut-être que les fonctionnaires qui comparaîtront devant le comité pourront dissiper mes craintes, mais j'ai bien peur que cette disposition ne fasse hésiter bien des personnes songeant à assumer des responsabilités dans une société, une situation que nous voulons éviter.

Honorables sénateurs, je voudrais réaffirmer ce que j'ai dit auparavant sur le rôle des comités sénatoriaux en parlant des résultats obtenus grâce à la structure des comités, car ces résultats ont eu un impact profond sur les actions du pouvoir exécutif. Le projet de loi S-19 témoigne de ce fait. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a entrepris des études sur la régie des entreprises et des investisseurs institutionnels, de son propre chef sous la direction de l'ancien président, le sénateur Kirby, et dans le cadre de l'étude de projets de loi tels que le C-2, Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, et le C-78, Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public.

Il est clair que le gouvernement a choisi d'inclure bon nombre de nos recommandations, les plus fondamentales comme les plus minimes, dans le projet de loi S-19 et surtout celles qui portaient sur la responsabilité conjointe, les droits des actionnaires et les exigences concernant la résidence des administrateurs. Il est réconfortant de voir que le projet de loi S-19 reflète le travail fait à l'égard du secteur privé.

Cependant, le gouvernement n'a pas tenu compte de nos recommandations par rapport à l'établissement des sociétés du secteur public. C'était évident d'après les difficultés rencontrées en cette Chambre par les projets de loi C-2 et C-78 concernant les institutions du gouvernement qui gèrent l'argent des contribuables. On adopte de bonnes pratiques de gouvernement d'entreprise, et de bonnes lois favorables aux intérêts des entreprises et des actionnaires, pour protéger ceux qui participent à l'essor d'une entreprise en y travaillant ou en y investissant contre ceux qui voudraient exploiter le système et commettre des fraudes sur la personne, l'entreprise ou le régime de retraite, ou qui voudraient dévier des pratiques commerciales justes et honnêtes.

Il est clair qu'un gouvernement obtient son argent par la force du droit et, dans le cas du Canada, cette force est pénalisante. Le gouvernement, y compris les gens d'en face, a jugé bon de ne pas tenir compte de bon nombre des recommandations du Comité des banques relativement à la nécessité de nommer, au conseil d'administration, des experts en investissement des fonds de retraite et à la nécessité de voir à ce que le vérificateur général surveille les institutions gouvernementales.

Bref, j'ai bien hâte d'étudier cette mesure législative en comité. Déjà, je crois que ce projet de loi est valable et qu'il contribuera grandement à améliorer la LCSA et la LCC. Espérons que, une fois les travaux du comité terminés, nous retournerons à cette Chambre un projet de loi dont les sénateurs des deux côtés seront fiers.

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je dois informer le Sénat que, si le sénateur Kirby prend la parole maintenant, son discours aura pour effet de clore le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-19.

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, je ne compte pas prononcer de discours, mais simplement remercier le sénateur Tkachuk pour le sien et surtout pour avoir rappelé au Sénat le travail accompli par le Comité des banques sur la question de la régie des institutions publiques. Espérons que, en maintenant la pression sur le gouvernement, nous réussirons à l'amener à adopter notre point de vue sur la régie des institutions publiques, comme nous l'avons fait dans le cas des institutions du secteur privé.

Je remercie également le sénateur Wilson, qui n'est pas des nôtres aujourd'hui, mais qui a présenté un discours intéressant il y a quelques jours de cela, proposant un amendement possible au projet de loi. L'idée est fascinante, et j'espère que le comité l'examinera sérieusement.

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kirby, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

Projet de loi sur l'Accord définitif nisga'a

Troisième lecture-motion d'amendement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Gill, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur St. Germain, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit lu une troisième fois d'ici six mois.

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Le sénateur Austin n'est pas à sa place. Il a l'habitude de répondre aux questions soulevées dans le cadre du débat. Hier, j'ai posé des questions au sujet des droits des femmes autochtones. Le gouvernement va-t-il y répondre aujourd'hui?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais signaler que le sénateur Austin sera absent aujourd'hui et demain. Il sera de retour la semaine prochaine. S'il continue la pratique suivie plus tôt cette semaine, il répondra à son retour aux questions auxquelles il n'a pas déjà répondu.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, le sénateur Sibbeston va poursuivre son discours d'hier.

L'honorable Nick G. Sibbeston: Honorables sénateurs, j'ai été interrompu hier à mi-chemin dans mon discours. Je vais simplement résumer brièvement ce que j'ai dit.

Le projet de loi sur l'Accord définitif nisga'a dont nous sommes saisis est le résultat d'une évolution des points de vue de la cour et du gouvernement fédéral sur les droits autochtones. La décision de la Cour suprême en 1973 dans l'affaire Calder a contribué à changer la politique gouvernementale. Depuis, divers organismes parlementaires et gouvernementaux - et le comité Penner en est un - ont étudié la question et chacun à leur façon ont avancé la notion de droits autochtones et précisé ce que cela signifiait au Canada.

Je veux qu'on discute de ce projet de loi, qu'on l'adopte et qu'on le mette en oeuvre rapidement. Je ne suis pas en faveur de l'amendement tendant à reporter l'étude de six mois. Les Nisga'as ont attendu longtemps. Même si je comprends que l'amendement est destiné à donner du temps pour régler les questions de chevauchement des territoires revendiqués, je doute fort que ce délai serve à quoi que ce soit. La question du chevauchement est une question interne qui touche les Nisga'as et les Premières nations voisines, et je suis persuadé que, grâce à la négociation et à de la bonne volonté, avec le temps, on finira par régler ces questions. Ce projet de loi est trop important pour le bien général des Nisga'as et des autochtones de notre pays pour qu'on tarde davantage à l'adopter.

(1540)

Honorables sénateurs, en 1986, à la suite du rapport d'un groupe de travail fédéral intitulé «Traités en vigueur», ententes durables, le gouvernement conservateur a manifesté son désir de discuter avec chacune des Premières nations de propositions législatives visant à remplacer la Loi sur les Indiens par des dispositions locales d'autonomie gouvernementale. Toutefois, la politique fédérale n'a pas permis de s'écarter sensiblement du modèle du gouvernement municipal. Elle a plutôt mis l'accent sur des pouvoirs municipaux renforcés et sur le développement économique.

Or, les peuples autochtones ne se sont jamais satisfaits d'une délégation de pouvoirs. Les peuples autochtones ont besoin des mêmes pouvoirs que les autres gouvernements pour s'autodéterminer et exercer leur suprématie sur leurs terres et leurs ressources. Je crois qu'il y a eu un mouvement progressif vers ce type de pouvoirs que nous voyons dans l'accord nisga'a.

En mars 1992, un rapport parlementaire conjoint recommandait que le pouvoir inhérent d'autonomie gouvernementale soit inscrit dans la Constitution, mais en tenant compte que l'article 35 pourrait déjà reconnaître le droit. En juillet 1992, un accord politique en conséquence fut conclu entre les dirigeants autochtones et les premiers ministres provinciaux. Les Canadiens ont rejeté l'Entente de Charlottetown lors d'un référendum national. Nous ne savons pas exactement quelles sont les dispositions de l'accord que les électeurs ont rejetées. Quoi qu'il en soit, cela prouve que la réflexion du gouvernement et l'appui en faveur de l'autonomie gouvernementale des autochtones ont évolué au fil des ans.

Le gouvernement libéral fédéral a adopté vis-à-vis les questions touchant l'autonomie gouvernementale autochtone une approche progressiste et très différente de celle de ses prédécesseurs. Dans leur livre rouge, les libéraux s'engageaient à agir en partant du principe que l'article 35 reconnaît et affirme le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Il s'engageait à apporter les changements qu'autorisaient les lois en vigueur, toujours en partant du principe que le droit inhérent est protégé par l'article 35.

Ce point de vue est conforté par la jurisprudence qui a cours concernant les droits conférés par l'article 35. En 1996, dans l'affaire Van der Peet, la Cour suprême du Canada a déclaré que le but qui sous-tend le paragraphe 35(1) était:

... la protection et la conciliation des intérêts découlant du fait que, avant l'arrivée des Européens en Amérique du Nord, les peuples autochtones vivaient en sociétés distinctives, possédant leurs propres coutumes, pratiques et traditions.

Dans l'affaire R. c. Pamajewon, le tribunal a estimé que «les revendications d'autonomie gouvernementale présentées en vertu du par. 35(1) ne diffèrent pas des autres prétentions à la jouissance de droits ancestraux». Dans l'affaire clé Delgamuukw, le tribunal a préconisé la résolution de ces questions difficiles et complexes par des règlements négociés en toute bonne foi et avec des concessions réciproques de façon à atteindre l'objectif fondamental du paragraphe 35(1), soit «concilier la préexistence des sociétés autochtones et la souveraineté de Sa Majesté».

Nous sommes ici, aujourd'hui, honorables sénateurs, parce que les changements dans la politique générale du gouvernement fédéral en matière de revendications globales reconnaissent un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, ainsi que l'évolution de la compréhension des droits des autochtones dans la jurisprudence canadienne. Le traité nisga'a est le point culminant de ce processus. Il représente un accord en bonne et due forme sur les terres et les ressources caractérisé par l'autonomie gouvernementale ou, comme l'a dit Pierre Trudeau, la transformation des droits autochtones mal définis en droits clairement établis et justifiables.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a eu un certain nombre d'accords sur des revendications territoriales - les Inuvialuit en 1984, les Gwich'in en 1992, le Sahtu en 1994 et les Inuits de l'Arctique de l'Est lors de la création du Nunavut en 1999. Ces accords sur des revendications territoriales ont été positifs et ont conduit à ce que les autochtones obtiennent le droit de propriété des terres et des ressources et la maîtrise de l'exploitation des ressources, de l'environnement et de la faune par le biais de divers conseils de gestion. Les accords en sont à diverses étapes d'application et de développement.

J'aimerais parler brièvement des Inuvialuit qui occupent le delta, la partie ouest des Territoires du Nord-Ouest. Depuis leur revendication en 1984, ils ont réussi à gérer avec succès leurs terres et leurs ressources. Ils ont utilisé leur argent pour des investissements et des possibilités commerciales appropriés. Ils constituent aujourd'hui une force motrice dans la région du delta et dans l'ouest des Territoires du Nord-Ouest. Ils ont élargi leurs investissements dans tout l'ouest du Canada. Ils ont investi dans toutes sortes de projets et d'entreprises. Ils possèdent des immeubles de bureaux. Ils ont une compagnie d'exploration de gaz et de pétrole, des compagnies aériennes régionales, des compagnies de transport routier et maritime et une multitude d'entreprises qui fournissent des emplois à leurs membres et à d'autres. En juin 1999, les Inuvialuit ont terminé la construction d'un pipeline de gaz naturel de 30 milles entre un champ de gaz se trouvant sur leurs terres et Inuvik; ce pipeline fournit maintenant du gaz pour le chauffage et la production d'électricité.

J'ai remarqué dans un article paru récemment dans un magazine que les Inuvialuit ont offert, par un processus de soumission, des terres pour l'exploration pétrolière et gazière. En 1999, ils ont signé pour 180 millions de dollars de contrats d'exploration sur leurs terres. Le rapport annuel de 1998 de la Société régionale inuvialuit, le dernier que nous ayons, fait état du succès remporté par toutes les différentes sociétés, évaluant leurs bénéfices à 8 millions de dollars.

Sauf dans le cas des Inuits de l'Arctique de l'Est, l'autonomie gouvernementale ne faisait pas partie des revendications territoriales dont j'ai parlé, mais nous avons eu de la chance dans les Territoires du Nord-Ouest parce que nous avons une assemblée législative à laquelle tous les peuples du Nord, notamment les peuples autochtones, peuvent participer. Aujourd'hui, le premier ministre, Stephen Kakfwi, un Déné du Sahtu, et d'autres autochtones forment la majorité des députés élus.

Je sais d'expérience ce qu'est l'autonomie gouvernementale. J'ai été député provincial pendant 16 ans, membre du Cabinet pendant 6 ans et chef du gouvernement pendant deux de ces six années.

Le processus d'obtention de l'autonomie gouvernementale par les autochtones ne diffère pas du processus d'obtention du gouvernement responsable dans les Territoires du Nord-Ouest. L'histoire du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest depuis 1970 a été marquée par la lutte pour le gouvernement responsable. Cette lutte ne diffère pas de ce qui s'est passé dans l'ouest du pays, où l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba se sont battus pour le gouvernement responsable. Ces provinces ont dû se battre pour arracher ce pouvoir au gouvernement fédéral. Rien n'est donné. On doit se battre pour obtenir le gouvernement responsable. Ce sera la même chose pour les peuples autochtones du Canada.

Quand je suis entré en politique en 1970, l'exécutif du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest n'était formé que de personnes non élues nommées par le gouvernement fédéral. Il se composait de commissaires, de commissaires adjoints et d'un commissaire délégué. Le conseil territorial, dont je suis devenu membre, comprenait neuf élus et cinq membres nommés par le gouvernement fédéral. Au fil des ans, l'assemblée législative est devenue complètement élue, tout comme le Cabinet exécutif. J'ai eu l'honneur de reprendre des mains du commissaire le dernier portefeuille qu'il a détenu en 1986.

Son Honneur le Président: Je regrette de vous interrompre de nouveau, sénateur Sibbeston. Votre période de 15 minutes est maintenant écoulée. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Hays: Je me demande si je puis proposer qu'on lui accorde une autre période de 15 minutes?

Le sénateur Lynch-Staunton: Aucune limite. Le débat est trop important.

Le sénateur Sibbeston: J'ai encore deux pages.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): J'invoque le Règlement. Je voudrais savoir quel article du Règlement du Sénat justifie une telle motion. La permission est accordée ou elle ne l'est pas. Le leader adjoint peut-il nous dire où il est question de dix ou 15 minutes? Nulle part, je crois.

(1550)

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je crois qu'aucun article ne prévoit autre chose qu'accorder la permission mais, une fois que la permission est accordée, elle peut l'être pour un certain temps. Il est important de ne pas l'oublier lorsqu'il s'agit d'assurer le bon ordre de nos travaux. Je crois que, lorsque la permission est accordée, il serait bon que ce soit pour un certain temps plutôt que pour une période illimitée. Le Règlement prévoit une période de 15 minutes. Il est logique que, lorsqu'on accorde la permission, on précise la période pour laquelle la permission est accordée.

En outre, cela dépend du point à l'ordre du jour dont il est question. S'il s'agit des déclarations des sénateurs, qui ne doivent pas excéder trois minutes, une petite prolongation s'impose. S'il s'agit d'une allocution, il sera opportun de doubler le temps prévu par le Règlement.

J'estime qu'il est parfaitement opportun d'accorder la permission pour un temps bien précis.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je ne me soucie pas vraiment du temps que parlera le bon sénateur. Ce que je veux faire valoir, c'est que le leader adjoint nous a dit qu'il allait avoir recours à l'attribution de temps la semaine prochaine, alors qu'il est prêt à prolonger de 15 minutes le temps réservé aux allocutions. Nous pourrions l'étendre à une heure par consentement unanime. On limite le temps d'intervention de l'opposition alors qu'on prolonge celui des sénateurs du côté ministériel.

Aurons-nous tous une demi-heure pour parler? Si on nous accorde une prolongation, est-ce que ce sera 45 minutes ou cinq minutes? C'est très irrégulier. Je ne m'opposerais pas si nous n'étions pas sous la menace d'une clôture. Chaque minute supplémentaire accordée à un sénateur du côté ministériel rogne le temps accordé à l'opposition. Si nous avions tous une heure, ce serait très bien.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, le Règlement permet l'attribution de temps, et j'ai dit qu'une motion en ce sens serait probablement présentée la semaine prochaine. Il se pourrait très bien qu'elle soit défaite. Cela dépendra de la volonté du Sénat, ce dont je ne peux pas préjuger. Je suppose que notre côté l'emportera, mais ce n'est pas certain.

Le Règlement ne prévoit aucune limite de temps aux discours des chefs du gouvernement et de l'opposition. Il prévoit aussi 45 minutes pour les parrains des projets de loi. Je crois que cela s'applique également aux discours sur les sujets qui nous sont renvoyés par un comité. Cependant, le Règlement n'accorde que 15 minutes aux autres intervenants. Je crois que c'est trop peu. Ces règles nous ont été imposées au moment de la modification de notre Règlement, lorsque le comité des privilèges et du Règlement était présidé par le sénateur Robertson. Je crois qu'il est très injuste de dire que nous grugeons le temps des sénateurs de l'opposition. Vous m'avez vu approuver les demandes de prolongation présentées par mes vis-à-vis, et j'entends bien continuer d'approuver ces demandes.

Ce dont nous parlons, c'est de savoir si, lorsque nous accordons à un sénateur la permission de continuer de parler, nous lui accordons un temps illimité ou une période de temps raisonnable. Je crois que le Sénat a le droit d'accorder aussi bien un temps illimité qu'un temps limité à une période raisonnable. J'ai proposé que nous accordions 15 minutes, ce qui doublerait le temps dont le sénateur Sibbeston disposerait, et j'appuierais pareille prolongation pour mes vis-à-vis aussi.

Je ne pense pas que nous devrions accorder des prolongations illimitées. Nous devons garder un certain contrôle sur la durée des discours pour ne pas perturber le bon déroulement de nos travaux.

L'honorable Herbert O. Sparrow: Nous avons consacré beaucoup de temps à cette discussion. Il suffit de demander à l'honorable sénateur combien de minutes il lui faut. Je crois qu'il ne demanderait que trois ou quatre minutes parce qu'il a dit qu'il ne lui restait que deux pages de son discours.

Je ne pense pas que nous ayons abusé des demandes de prolongation. S'il n'y a pas d'abus, pourquoi faire un drame? Je crois que 15 minutes, c'est trop court et que le Règlement devrait être modifié. Pourquoi en faire toute une histoire? Laissons parler le sénateur Sibbeston. C'est un sujet important. Revenons-y.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'appuie les remarques du sénateur Sparrow, particulièrement étant donné que le sénateur Sibbeston apporte à ce débat une perspective unique. Il était là à ce moment-là et a joué un rôle particulier dans le processus. Je suis très intéressé de savoir ce qu'il pense de notre préoccupation à l'égard de la constitutionnalité de l'article 35. Il a lu des extraits de certains rapports, et cela m'a beaucoup intéressé. Sa contribution m'apporte beaucoup et à bien d'autres aussi. Je crois que ce serait une erreur que de l'interrompre simplement parce que le Règlement prévoit une certaine limite de temps ou parce que c'est ce que veut le leader adjoint. Ces remarques s'appliquent à tous les sénateurs, mais, dans ce cas particulier, le sénateur a une contribution spéciale à apporter.

Donnons-lui la permission de prendre tout le temps nécessaire pour terminer son discours et donnons-nous la permission de prendre tout le temps nécessaire pour en apprendre davantage sur ce sujet en posant des questions et en faisant des observations.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je suis évidemment d'accord avec le chef de l'opposition sur ce qu'il vient de dire, mais je désire simplement signaler que le Règlement prévoit une limite de 15 minutes. On demande la permission de ne pas respecter le Règlement. Nous ne pouvons pas décider de donner cinq minutes de plus au sénateur A et dix minutes de plus au sénateur B. On demande la permission de ne pas tenir compte du Règlement, qui prévoit une limite de 15 minutes. Tout ce qu'on fait, c'est dire que la règle des 15 minutes ne s'applique pas. On ne peut pas transformer cela en un énoncé positif et dire que ce sera 25 minutes ou 35 minutes. C'est simple, on respecte la règle ou on ne la respecte pas.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, il y a des jours où je ne comprends pas les porte-parole de l'opposition officielle. Pourquoi ont-ils établi cette règle des 15 minutes au départ? C'était pour prévenir les abus. C'était pour ne pas perdre le contrôle de la Chambre dans les situations tendues. Je peux sentir la tension qui monte. Cette règle a été imposée au Sénat par les gens qui siègent maintenant de l'autre côté. Nous devrions être conséquents dans nos actes. Je trouve cela tout à fait raisonnable que, si nous prolongeons la période de 15 minutes, nous imposions quand même une limite et non que nous donnions à l'orateur un temps de parole illimité. Autrement, nous nous retrouverons dans la situation que ceux qui sont maintenant de l'autre côté voulaient éviter lorsque cette règle a été imposée. Soyons logiques.

(1600)

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, 15 minutes pour un discours important, ce n'est tout simplement pas suffisant. Lorsque les sénateurs de l'autre côté étaient de ce côté-ci, ils ont établi cette règle. J'ai une certaine confiance et un certain respect à l'égard de certains des sénateurs d'en face et, à mon avis, le Sénat devrait agir le plus tôt possible pour changer cette ridicule règle des 15 minutes afin que les sénateurs puissent exprimer sans entrave leurs opinions et leurs points de vue pour que nous puissions tous en tenir compte.

J'ai particulièrement hâte d'entendre ce que le sénateur Sibbeston a à ajouter, car c'est quelqu'un de très important.

Le sénateur Hays: Si je puis terminer là-dessus, je suis moi aussi impatient d'entendre les observations du sénateur Sibbeston, et je regrette que cet échange ait interrompu son discours.

Honorables sénateurs, je suis quelqu'un de sérieux et je pense que je l'ai prouvé dans l'exercice de mes fonctions de leader adjoint à cet endroit. Je pense que je n'ai jamais refusé, ne serait-ce qu'une seule fois, d'accorder une prolongation de temps lorsque les sénateurs d'en face en ont fait la demande. Je prends de plus en plus l'habitude de dire que le temps accordé doit être défini et raisonnable. Le fait de doubler le temps prévu dans le Règlement me semble raisonnable.

Je ne comprends pas la logique du sénateur Kinsella. Il prétend que, si la limite de vitesse n'est pas de 50 milles à l'heure, alors elle est de 1 000 milles à l'heure. Je ne comprends pas ce raisonnement.

Comme le sénateur Cools, je pense que nous devrions modifier le Règlement. Le plus tôt nous le ferons, le mieux ce sera. En fait, une suggestion en ce sens a été faite à un comité consultatif sur le Règlement dont le Président fait partie. Lorsque ce comité aura examiné toutes les questions inscrites à son ordre du jour, il est à souhaiter qu'il examine cette question sans tarder.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis vraiment étonné et ravi que le sénateur Hays, pour qui j'ai le plus grand respect, prenne en considération la proposition du sénateur Cools, qui suggère d'étudier la possibilité de modifier le Règlement. Le leader adjoint lance un débat intéressant au sujet de la révision du Règlement. Il pensait peut-être que j'avais perdu mon énergie. Cela aurait pu être possible. S'il décide de revoir le Règlement, pourrait-il examiner une autre question très importante, le rôle des sénateurs indépendants? Certains d'entre nous sont tenaces. Nous avions tout simplement décidé de garder nos munitions en réserve, si vous me passez l'expression, jusqu'à ce qu'un jour nous en ayons assez.

Le sénateur Wilson m'a dit un jour: «Ne parlez pas au nom des indépendants», alors je n'oserais pas le faire. Toutefois, je n'ai pas d'objection à ce qu'ils le fassent s'il s'agit d'une bonne cause.

En temps et lieu, au mois de mai peut-être, nous devrions tenter de voir ce qu'un sénateur indépendant peut faire pour aider à sauver notre pays et produire ce que la Chambre ne peut produire. J'ai toutes sortes de suggestions à faire. Toutefois, puisque le débat ne porte pas sur les indépendants à l'heure actuelle, je mettrai fin à mon intervention. Toutefois, le leader adjoint a ouvert la porte. Lorsqu'une invitation m'est lancée, je n'ai pas besoin d'un discours préparé d'avance. Il ne faudrait pas que vous ouvriez trop de portes, cela pourrait devenir intéressant. Je conseille au sénateur de ne pas répondre puisque cela lancerait le débat.

L'honorable Francis William Mahovlich: Je n'ai pas fait beaucoup de recommandations depuis mon arrivée au Sénat il y a un an et demi, mais j'aimerais reprendre ici les paroles de mon épouse, qui dit que la qualité vaut mieux que la quantité.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorable sénateur Sibbeston, demandez-vous la permission de continuer votre discours?

Le sénateur Sibbeston: Oui.

Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Sibbeston: Je remercie...

Le sénateur Lynch-Staunton: Une petite minute. Le sénateur Hays a-t-il accordé l'autorisation avec ou sans condition?

Le sénateur Hays: Je suis désolé que cette question ait été soulevée pendant le discours du sénateur Sibbeston dans ce débat important. Toutefois, j'aimerais que l'on adopte l'habitude des deux côtés du Sénat, lorsque nous accordons une autorisation, et je suis d'avis que nous devons le faire, d'autoriser l'orateur à prolonger son intervention de 15 minutes. Si nous voulons obtenir une décision sur le bien-fondé de cette mesure, nous pouvons en demander une. Toutefois, je ne voudrais pas que cela entrave le droit des sénateurs de débattre de cette importante question, même si cela revient aux sénateurs d'en face.

Le sénateur Kinsella: Les sénateurs d'en face sont d'accord pour permettre au sénateur Sibbeston de continuer.

S'il s'agissait d'une permission avec condition, il n'en serait pas question.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, dans ce cas, je demande à la présidence de décider si le Règlement permet d'accorder cette autorisation.

Le sénateur Lynch-Staunton: En ce qui concerne le recours au Règlement, nous ne pouvons pas établir les règles au fur et à mesure. Laissons au sénateur Sibbeston la chance de terminer ce qu'il a à dire. C'est le moins que nous puissions faire. Autant que je sache, il ignorait, lorsqu'il est arrivé ici, qu'il serait limité dans le temps s'il demandait une prolongation. Il lui suffit peut-être seulement de cinq minutes de plus. Nous avons déjà perdu une demi-heure à discuter de cela. Nous aurions eu le temps de l'entendre et de commencer à entendre un autre orateur.

Le sénateur Hays: Le sénateur Lynch-Staunton a dit «nous». La position que je défends est éminemment raisonnable et permet de poursuivre les travaux de cette Chambre de façon ordonnée. Je constate cependant une position intenable. Je caractériserai l'octroi de mon autorisation dans les termes suivants: elle ne préjuge aucunement de ma capacité, une fois le discours du sénateur Sibbeston terminé, d'invoquer le Règlement pour demander au Président de se prononcer sur la question.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, en ce qui concerne ce recours au Règlement, on me dit qu'il doit y avoir consentement unanime pour accorder la permission. Je ne vois pas qu'il y ait consentement unanime. Je pose de nouveau la question: y a-t-il consentement unanime pour accorder la permission?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Hays: Je ne vais pas me répéter. On pourra lire le compte rendu une fois la question réglée.

Le sénateur Sibbeston: Merci, honorables sénateurs. Je regrette de vous avoir causé ce retard.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons appliqué un processus d'instauration du gouvernement responsable. Nous avons combattu pour cette cause, et les Territoires du Nord-Ouest ont fini par obtenir un gouvernement pleinement responsable.

Je voudrais maintenant parler des Nisga'as, qui auront eux aussi un gouvernement responsable en vertu des dispositions pertinentes de l'accord. Ce gouvernement responsable s'appliquera dans divers domaines de leur vie, qui sont de toute évidence importants pour eux. Ainsi, les Nisga'as pourront définir leur citoyenneté et exercer un contrôle sur l'éducation, la santé, les services sociaux, les services de police et le système judiciaire. Ce sont tous des domaines d'intérêt très local. J'applaudis les Nisga'as et j'ai bon espoir qu'ils sauront utiliser sagement leurs pouvoirs, pour créer des débouchés économiques et une société dynamique. D'après mon expérience des Territoires du Nord-Ouest, il semble que lorsque des débouchés s'offrent à eux, ses habitants savent les saisir et agir de façon responsable. Je n'ai aucun doute que les Nisga'as sauront en faire autant.

L'exemple du gazoduc dans le Nord illustre bien comment les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale peuvent constituer une force positive dans la vie des autochtones du Nord. J'ai abordé ce sujet au début février lorsque j'ai pris la parole au Sénat pour la première fois. J'ai dit aux honorables sénateurs qu'il y avait une nouvelle attitude, une nouvelle force et un nouveau sentiment d'optimisme chez les autochtones du Nord depuis qu'ils ont commencé à régler leurs revendications territoriales et à instaurer des gouvernements responsables. Il y a 20 ans, bien des autochtones du Nord s'opposaient à des projets comme la construction d'un gazoduc. C'est parce qu'ils ne pensaient pas avoir le contrôle des terres et des ressources nécessaires à la gestion d'un projet de cette envergure. Maintenant, 20 ans plus tard, ils sont prêts. C'est bien de voir les habitants du Nord appuyer un grand projet comme la construction d'un important pipeline dans l'Arctique. C'est en partie le résultat des revendications territoriales et de l'autonomie gouvernementale.

(1610)

J'explique cela pour montrer que, lorsque des revendications territoriales sont formulées et que des ententes en matière d'autonomie gouvernementale sont conclues, les autochtones s'épanouissent et leurs idées se concrétisent. Je ne peux faire autrement que de penser aux habitants de l'Arctique de l'Est qui se sont dotés d'un gouvernement autonome responsable. Ils éprouvent des problèmes, car c'est une région du pays difficile à gouverner. Ils n'ont pas d'arbres ni de ressources. Pourtant, ils sont optimistes et ils ont un bon moral. Leur culture s'éveille, tout comme leur langue. Les gens sont fiers de ce qui a été réalisé chez eux.

Je ne suis pas d'accord avec certains des témoins qui se sont présentés devant le comité et qui ont dit que le projet de loi est anticonstitutionnel parce qu'il créera un troisième palier de gouvernement. Je crois en la notion du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Je crois que l'article 35 de la Constitution renferme ce droit. Le projet de loi sur les Nisga'as décrit en détail et précisément ce droit.

J'estime que les autochtones du Canada sont le mieux en mesure d'atteindre leurs objectifs et de créer une société forte et indépendante s'ils ont un gouvernement pleinement responsable. Quant à la délégation des pouvoirs, les dispositions actuellement prévues à cette fin dans la Loi sur les Indiens ne fonctionnent pas. Le statu quo ne fonctionne pas. Il ne convient tout simplement pas. Il faut que les autochtones aient un gouvernement pleinement responsable.

Honorables sénateurs, en dernière analyse, après que nous aurons débattu ce projet de loi pendant le temps qu'il faudra et que nous aurons mené à terme toutes les discussions constitutionnelles et tous les arguments de forme, la chose importante à faire sera de déterminer si ce projet de loi améliorera la vie non seulement d'un grand nombre de Nisga'as, mais également celle des autres autochtones de notre pays. J'ai entendu beaucoup de gens dire que les antécédents des Canadiens dans leurs relations avec les autochtones laissaient à désirer. Le projet de loi sur les Nisga'as est une mesure positive. Il a été négocié par les Nisga'as, avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Par conséquent, il fonctionnera sûrement, car il est le fruit de nombreuses années de discussions et de négociations.

Si je me fie à mes connaissances et à mon expérience, les Nisga'as s'en trouveront mieux. Pour m'en convaincre, il me suffit de songer à ce qui s'est passé avec les autochtones du Nord et de l'Arctique de l'Est. Je connais un peu les Navajo, aux États-Unis. Ils ont leur propre gouvernement autonome et la mainmise sur de nombreux aspects de leur société. J'ai examiné leur système de justice lorsque je travaillais dans ce secteur. J'ai vu comment, au fil des ans, ils ont rétabli leurs propres lois et leur propre système de justice. Ce système commence à prendre de l'ampleur.

Honorables sénateurs, j'étais présent à la Chambre des communes lors du vote sur le projet de loi C-9. J'ai été fier de voir notre gouvernement et les représentants de la plupart des partis appuyer le projet de loi. C'était un moment dont le Canada peut être fier. Il pourra être fier lorsque les sénateurs donneront également leur appui à ce projet de loi. Je suis fier de l'appuyer aujourd'hui. J'espère que tous les sénateurs en feront autant.

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, j'ai écouté le sénateur Sibbeston et j'ai été fière de l'entendre parler avec un tel sentiment de fierté et d'idéal. Il s'est beaucoup occupé de la question. Je me rappelle une visite très agréable dans les Territoires du Nord-Ouest, où j'ai été son invitée à un stade de mon voyage. Je suis très heureuse d'entendre ce qui se passe.

J'ai participé à l'élaboration du projet de loi C-31, qui portait sur les femmes autochtones et leurs droits. Nous partageons tous les terres de nos peuples autochtones. Notre Charte canadienne des droits et libertés prévoit la notion d'égalité et d'équité pour les hommes et les femmes de ce pays. Est-ce qu'on a accordé la même importance aux droits des femmes au moment d'étudier ce projet de loi? Étant donné les documents qui ont été signés, est-ce que notre Charte s'applique?

Le sénateur Sibbeston: Je comprends la question posée par le sénateur Finestone. Le sort des femmes des Territoires du Nord-Ouest s'est amélioré au fil des ans alors que notre société a changé et que les autochtones ont accru leur participation. Dans les Territoires du Nord-Ouest, aux termes de nos accords sur les revendications territoriales et dans le cadre de l'autonomie gouvernementale, les femmes ont pris une place égale dans la société.

En ce qui concerne l'accord nisga'a, je sais qu'on y dit que les femmes seront traitées sur le même pied que les hommes. L'article 25 de la Charte va s'appliquer. À part cela, il revient aux Nisga'as de décider comment les femmes s'en sortent. Je suis persuadé que les femmes auront une bonne vie et pourront profiter de l'égalité aux termes de l'accord.

Le sénateur Pat Carney: Honorables sénateurs, je voudrais féliciter le sénateur Sibbeston pour son discours.

Je voudrais revenir à nouveau sur une question soulevée hier par Wendy Lockhart Lundberg, qui est membre de la bande de Squamish. J'ai fait allusion à elle hier dans mon discours et je lui ai parlé depuis. Elle veut savoir où on parle de cette question dans le projet de loi C-9. Elle veut savoir comment les droits de propriété s'appliqueront aux femmes autochtones aux termes de la loi nisga'a, en ce qui concerne les successions et les litiges matrimoniaux. Il n'y a aucune mention de cela dans le traité. Les femmes autochtones ont été incapables d'établir ces droits sur une bonne partie des terres des bandes jusqu'à maintenant.

Le sénateur Sibbeston: Honorables sénateurs, je ne veux certes pas induire qui que ce soit en erreur, mais si je ne m'abuse, l'accord nisga'a prévoit que, en ce qui concerne les biens matrimoniaux et des choses de ce genre, la législation en matière de biens matrimoniaux de la Colombie-Britannique s'appliquera. Je sais que c'est un aspect de la société auquel la loi provinciale s'appliquera.

Je comprends que, dans toute société, il y a toujours des gens qui sont oubliés ou qui sont insatisfaits. Je suppose que, dans le cas des Nisga'as, il y a des gens, y compris des femmes, qui sont insatisfaits et qui expriment leurs points de vue. On espère que le gouvernement nisga'a et la société nisga'a traiteront tous ces gens équitablement.

C'est un fait qu'on ne peut, semble-t-il, parvenir à satisfaire tout le monde. Même dans notre société, il y a des gens qui sont laissés pour compte, des gens qui vivent dans la rue et qui ne semblent pas pouvoir s'intégrer à la société. La société autochtone n'est pas différente.

(1620)

Le sénateur Carney: Je suis certaine que mon ami et estimé collègue, le sénateur Sibbeston, ne veut pas laisser entendre que les femmes autochtones représentent un segment de la société qui est laissé pour compte. Ce serait déplorable si nous inscrivions ce concept dans la loi.

Premièrement, où exactement dans le projet de loi est-il dit que la B.C. Family Relations Act déterminera la façon dont seront partagés les biens matrimoniaux en vertu de la loi nisga'a?

Deuxièmement, si actuellement les femmes autochtones n'ont pas le droit d'hériter et ne peuvent prendre possession de leur héritage, Wendy Lockart Lundberg veut savoir à quoi cela sert que la loi de la Colombie-Britannique s'applique en fin de compte? Si on n'a pas de biens, qu'on ne peut pas en avoir, comment peut-on les diviser?

Le sénateur Sibbeston: Honorables sénateurs, je n'ai pas laissé entendre que les femmes en tant que groupe seront laissées pour compte par le gouvernement nisga'a. J'ai dit qu'il y a toujours des personnes qui ont du mal à se faire une place dans n'importe quelle société.

Je n'ai pas l'accord sous les yeux, mais d'après ce que j'ai compris, les choses comme les biens matrimoniaux et autres choses de ce genre relèveront du gouvernement nisga'a. Je n'ai aucun doute qu'il aura l'autorité pour ce faire et qu'il sera capable de traiter de ces questions. Toutefois, je sais que l'accord contient une disposition prévoyant que la loi provinciale régissant les biens matrimoniaux s'appliquera.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je remercie le sénateur de son exposé que j'ai trouvé très utile, comme je l'ai dit plus tôt. Toutefois, malgré son éloquence, je ne suis toujours pas convaincu que l'article 35 permette de faire ce qu'on nous demande de faire. Je ne vais pas aborder l'argument que je présenterai demain ou la semaine prochaine sur ce sujet. J'aimerais demander au sénateur s'il est d'accord avec moi. Il ne l'est probablement pas, mais permettez-moi de lui faire part de mes réflexions.

Un gouvernement que j'appuyais a fait valoir le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Le sénateur comprend donc mon point de vue sur ce sujet. C'est notre gouvernement qui a réussi à faire l'unanimité auprès de tous les premiers ministres et tous les gouvernements du pays à l'égard de l'Entente de Charlottetown; c'est lui aussi qui, le premier, a déploré le rejet de l'accord par voie de référendum. Comme le sénateur Carney l'a fait remarquer hier, l'Entente de Charlottetown a été rejetée par une majorité importante dans 30 des 31 circonscriptions de la Colombie-Britannique.

Si le gouvernement de l'époque a conclu l'Entente de Charlottetown, avec tous les risques politiques que cela comportait, c'est parce qu'il sentait que c'était uniquement au moyen d'une modification constitutionnelle que l'on pouvait confirmer le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et y donner suite. Si ce droit inhérent était inscrit dans la Constitution aujourd'hui, nous n'aurions pas cette discussion au sujet de la constitutionnalité. L'existence de ce droit serait claire, mais il n'est pas inscrit dans la Constitution. À l'époque, tous les partis s'entendaient pour dire que le droit à l'autonomie gouvernementale devrait être inscrit dans la Constitution.

Compte tenu de cela, le sénateur Sibbeston ne convient-il pas qu'il faut clarifier cette situation ambiguë? Des deux côtés, les arguments sont très mauvais. J'ai lu le témoignage de M. Molloy. J'ai lu la déclaration sur les revendications territoriales présentée par le Parti libéral de la Colombie-Britannique. J'ai lu le témoignage de M. Estey. J'ai été influencé par les deux derniers, parce que je les ai trouvés plus détaillés. Toutefois, les gens d'en face ont eux aussi une argumentation solide.

Ne pouvons-nous pas convenir qu'un renvoi à la Cour suprême visant à permettre de régler la question avant la signature de l'accord éliminerait énormément d'incertitude et de frustration et que les audiences d'un tribunal seraient préférables à l'approbation de cet accord à ce moment-ci, sachant que le projet de loi sera contesté? Adopter cet accord sans clarifier la question de constitutionnalité aurait pour effet de reporter, peut-être même indéfiniment, les négociations avec plus de 50 Premières nations de la Colombie-Britannique qui attendent un accord similaire. Aucun gouvernement n'acceptera d'être partie à un autre accord du genre tant que l'incertitude planera.

Si la question pouvait être résolue, que cela prenne un an ou deux, l'attente en vaudrait la peine pour toutes les parties intéressées. Si le gouvernement était prêt à renvoyer une cause hypothétique à la Cour suprême, il devrait l'être encore davantage pour renvoyer la cause réelle d'un traité établissant un précédent à la cour en demandant à cette dernière d'en clarifier la constitutionnalité, afin que les autres nations qui attendent un traitement similaire bénéficient de la même considération. Je crains qu'en approuvant la mesure proposée en dépit de cette incertitude, nous ne causions plus de difficultés en ce qui concerne non seulement cet accord, mais aussi des accords éventuels.

Le sénateur Sibbeston: Dans un monde parfait, il serait utile d'obtenir des précisions de la Cour suprême du Canada. Je compte que le gouvernement fédéral s'assurera qu'il agit conformément à la Constitution en présentant à la Chambre des communes ce projet de loi qui a abouti au Sénat.

Des témoins des deux côtés ont comparu devant nous. J'ai tendance à croire que l'article 35 autorise les accords d'autonomie gouvernementale, comme il y en a déjà eu dans notre société. Il reste peut-être des points de détail ou des questions constitutionnelles à régler, mais si j'en juge par mon expérience de la vie, je ne doute pas du bien-fondé de l'autonomie gouvernementale des autochtones. J'ai séjourné pendant de longues périodes dans le Nord, où j'ai fait affaire avec des gouvernements autonomes et responsables, et je peux témoigner de leur réussite. Je suis donc convaincu que le gouvernement prend la bonne décision en accordant l'autonomie gouvernementale aux Nisga'as.

Une fois la poussière retombée, lorsque toutes les questions constitutionnelles et les contestations judiciaires seront réglées, on constatera, je crois, que le Canada est tout à fait en droit de légiférer de cette façon. Dans mon discours, j'ai cité bon nombre de décisions judiciaires qui, d'une part, statuent que l'autonomie gouvernementale est constitutionnelle et, d'autre part, nous réconfortent et nous assurent que les tribunaux vont finalement décréter que l'autonomie gouvernementale est visée par l'article 35.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le sénateur Sibbeston a fait valoir avec beaucoup d'éloquence la nécessité de reconnaître les droits inhérents. Comme le disait le sénateur Lynch-Staunton, on ne conteste pas ici la valeur d'un règlement négocié ni la nécessité de régler ces questions et de reconnaître des droits inhérents.

La dernière remarque du sénateur m'a troublée un peu. Les peuples autochtones que je connais ont toujours respecté la primauté du droit. Ils se sont toujours fiés là-dessus pour prouver qu'ils avaient ces droits.

Le sénateur ne croit-il pas qu'il est question ici non pas d'un point de détail, mais bien d'une question fondamentale? Nous voulons savoir si nous avons respecté la primauté du droit et la Constitution en reconnaissant ce droit inhérent. Si le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale respecte les limites constitutionnelles, il appartiendra aux peuples autochtones à tout jamais. Dans le cas contraire, nous devrons retourner à la table de négociation. C'est ce qui m'inquiète. Ce qui m'importe par-dessus tout, c'est la clarté et le respect de la primauté du droit que nous garantit la Constitution.

Le sénateur convient-il que, en cas d'échec du critère constitutionnel, nous rendrons un mauvais service aux peuples autochtones du pays?

(1630)

En guise d'entrée en matière, je dirai que, d'après moi, les Nisga'as ont fait ce qui était absolument nécessaire selon leur propre règle de droit, et personne ne l'a contesté. Ils ont suivi les règles de leur propre nation pour arriver à cet accord. Ce que nous disons, c'est ceci: avons-nous, pour notre part, suivi la règle du droit, c'est-à-dire la Constitution, pour faire en sorte que, de part et d'autre, nous respections dans cet accord entre nations les lois en vigueur?

Le sénateur Sibbeston: Je comprends la question de l'honorable sénateur. Si la Cour suprême décide en dernier ressort que l'article 35 ne prévoit pas le droit à l'autonomie gouvernementale, le gouvernement en place devra régler le problème. On peut espérer qu'il fera le nécessaire pour modifier la Constitution et préciser que l'article 35 prévoit l'autonomie gouvernementale. C'est là une question juridique que le gouvernement fédéral aurait à régler.

Cependant, si les auteurs de la contestation judiciaire en cours en Colombie-Britannique ont gain de cause, ce n'est pas l'ensemble du projet de loi qui sera annulé, mais seulement certaines dispositions. La vie continuera. Les Nisga'as continueront d'appliquer le traité le mieux possible. Les tribunaux pourraient juger certains éléments inconstitutionnels. Le gouvernement fédéral devra trouver une solution.

Je crois vraiment qu'on ne peut enlever aux peuples ni le droit à l'autonomie gouvernementale ni le droit au gouvernement responsable. Je ne conçois pas que les tribunaux ni le gouvernement puissent les en priver. Je fais confiance à la Chambre des communes et je crois au Sénat et en notre système parlementaire: ce que nous faisons est bien. J'ai hâte de me rendre chez les Nisga'as dans 5, 10 ou 20 ans pour voir les résultats de ce que nous faisons maintenant, pour voir comment leur société est devenue dynamique et a progressé par rapport à aujourd'hui.

Le sénateur Andreychuk: J'aimerais certainement partager l'optimisme du sénateur Sibbeston, mais je voudrais revenir sur un autre point. La Charte des droits et libertés s'applique en l'occurrence. La Charte renferme toute une série de protections, mais il est bien dit dans l'accord nisga'a «eu égard au caractère libre et démocratique du gouvernement nisga'a». Moi non plus, je n'ai pas l'accord devant moi, mais la Charte renferme des critères qui me posent une énigme. Je voudrais savoir si les droits des femmes sont protégés ou si les coutumes, les traditions et les systèmes de gouvernement des Nisga'as l'emporteront sur les droits des femmes. Des femmes autochtones m'ont dit: «Si vous revenez en arrière et reconnaissez les lois de notre nation, n'oubliez pas que nos droits ont été gelés quand vous avez commencé à nous gouverner. Va-t-il falloir que nous nous battions encore 100 ans pour retrouver nos droits?» On se préoccupe vraiment de la Charte des droits et libertés à cause de ce critère relatif au gouvernement des Premières nations. Les femmes autochtones ont peur que les articles portant sur les droits des femmes ne soient assujettis aux lois des Nisga'as, qui pourraient ne pas protéger les droits des Nisga'as.

Devant le comité, le docteur Gosnell a dit que tout dépendra de la volonté de la majorité de la nation nisga'a. J'ai trouvé cette réponse préoccupante parce que son auteur n'a pas répondu de façon catégorique: «Oui, les droits des femmes seront protégés.»

Le sénateur Sibbeston: Je ne puis faire mieux que répéter l'information qui a été fournie et ce que l'honorable sénateur a lu dans le projet de loi, soit que la Charte s'applique et, plus précisément, que les droits à l'égalité entre les hommes et les femmes s'appliquent.

Malheureusement, je ne connais pas la société nisga'a. Je ne l'ai jamais visitée pour connaître ses us et coutumes en ce qui concerne les femmes. Dans notre région du Nord, les femmes ont les mêmes droits que les hommes. Chez les Dénés, la femme est très respectée et joue un rôle important dans la société. Elle jouit d'un grand respect parce qu'elle donne la vie à la société. Les Nisga'as partagent sans doute certaines de ces croyances et de ces idées.

J'ignore tout à fait comment ces droits et libertés, qui sont clairement énoncés dans l'accord, seront appliqués dans la réalité. Cependant, il est certain que les Nisga'as seront observés de très près et que leur gouvernement veillera à ce que tous les segments de la société - et les femmes en sont une importante composante - soient traités de façon équitable.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je m'oppose à l'amendement des conservateurs qui propose le renvoi à six mois, parce que mes inquiétudes restent entières et que, au contraire, cela accroît l'incertitude en Colombie-Britannique et empêche tout redressement judiciaire.

Je ne répéterai pas les problèmes que j'ai fait valoir à l'étape de la deuxième lecture et qui n'ont pas été réglés de manière satisfaisante. Mes réserves quant à la constitutionnalité du projet de loi reposent sur la structure de pouvoir prévue dans les dispositions concernant le gouvernement et l'octroi de pouvoirs aux Nisga'as. À cause de ces réserves, je ne suis pas d'accord avec les défenseurs de cette mesure.

Les constitutionnalistes qui ont comparu devant le comité et qui se sont prononcés sur la portée de l'article 35 de la Charte, sur les répercussions du projet de loi sur l'exercice des pouvoirs fédéraux en conformité de l'article 91, ainsi que sur le maintien intégral des pouvoirs résiduels ou des pouvoirs visant «la paix, l'ordre et le bon gouvernement» par le gouvernement fédéral, étaient largement divisés. Dans quelle mesure, s'il en est, les pouvoirs exprès et résiduels ou les pouvoirs extraordinaires du Parlement sont-ils limités ou réduits par l'octroi de pouvoirs aux Nisga'as, et dans quelle mesure peuvent-ils être changés sans une modification constitutionnelle expresse? Que dire aussi du pouvoir de désaveu fédéral qui est prévu dans la Constitution et qui, de tout temps, a été une protection contre les lois provinciales injustes ou extrêmes?

Dans un autre ordre d'idées qui est néanmoins connexe, je voudrais demander au sénateur Austin, qui n'est pas ici aujourd'hui, mais qui s'est engagé à répondre aux questions soulevées, de répondre expressément aux préoccupations législatives que soulève le professeur Stephen A. Scott, de la faculté de droit de l'Université McGill. À la page 3 de son mémoire qu'il a présenté au comité et qui concerne la primauté du droit, le professeur s'inquiète de la disposition inadéquate concernant la préservation des archives législatives et administratives du gouvernement nisga'a et de l'apparente absence de dispositions exigeant la publication des mesures législatives et exécutives.

Le professeur Scott a ensuite reproché au gouvernement fédéral, à juste titre, je crois, de ne pas avoir annexé au projet de loi C-9 l'accord définitif ainsi que les instruments connexes au projet de loi, lesquels constituent le fondement du projet de loi. Comme le professeur Scott, je m'inquiète de la validité législative du projet de loi dont nous sommes saisis, étant donné que le tout ne sera pas rassemblé et publié dans un seul document des Lois du Canada.

Je soulève cette préoccupation parce qu'elle ne l'a pas déjà été et parce que je souhaite que les tenants de cette initiative ministérielle y répondent au cours du présent débat ou à l'étape de la troisième lecture.

Pour ce qui est du partage constitutionnel, il concerne surtout la répartition et l'exercice des pouvoirs conformément à la Constitution. Le gouvernement fédéral peut-il abdiquer des pouvoirs formels et abandonner son pouvoir résiduel en accordant des compétences simultanées à l'architecture gouvernementale nisga'a, dans laquelle 14 pouvoirs sont mis entre les mains du gouvernement nisga'a pour qu'il soit souverain? La question de savoir si le gouvernement fédéral peut, comme certains le prétendent, céder ou abroger ses pouvoirs sans modifier expressément la Constitution est au centre de l'argumentation que le professeur Scott, de McGill, l'ancien juge Willard Estey et deux anciens procureurs généraux de la Colombie-Britannique ou leurs représentants ont fait valoir devant le comité.

(1640)

Pour ma part, je crains bien de devoir partager ces préoccupations. Je me suis demandé si le gouvernement fédéral a le droit constitutionnel de céder ses pouvoirs résiduels, modernisés ou étendus de préséance pour préserver «la paix, l'ordre et le bon gouvernement».

Cela comprend la question de l'étendue future du pouvoir fédéral de combler les lacunes des pouvoirs législatifs que n'a pas vraiment résolue, à mon avis, notre collègue, le sénateur Austin. Ni d'ailleurs la question de l'article 96 de la Constitution, la disposition relative à l'indépendance des juges nommés par le gouvernement fédéral et le conflit apparent dans la nomination des juges conformément au paragraphe 37 du chapitre 12 du traité.

Je me permets de développer une question qui m'intrigue et à laquelle le sénateur Austin n'a pas vraiment répondu. Conformément au projet de loi C-9, le Parlement et le Cabinet fédéral seront-ils souverains et libres en cas d'urgence nationale, qu'il s'agisse d'hyperinflation, de pollution, de catastrophe économique ou même de guerre et peut-être de conscription? Le gouvernement fédéral sera-t-il en mesure d'exercer de façon prépondérante ces pouvoirs qu'on dits maintenant souverains entre les mains des Nisga'as sans violer ce traité prétendument protégé par la Constitution en vertu de l'article 35 de la Charte? L'intention originale de l'article 35 était-elle de protéger constitutionnellement le droit à l'autonomie gouvernementale au-delà des pouvoirs fédéraux et des revendications territoriales?

Je ne le pense pas. Je ne crois pas que l'intention originale de la Constitution de 1982 était d'accorder une protection constitutionnelle à l'autonomie gouvernementale exemptée de toute délégation. Je regrette, sénateur Sibbeston, mais je ne crois pas que ce soit le cas.

Je voudrais aborder une autre question de fond qui me préoccupe beaucoup. Sur le territoire nisga'a, il y a entre 90 et 100 habitants, peut-être même plus, qui ne sont pas des résidents nisga'as aux termes de la constitution nisga'a. Selon cette constitution, ils ont le droit d'être entendus sur les questions les concernant. Cette constitution ne contient aucune règle explicite permettant de croire qu'ils pourront un jour voter. Ils forment une minorité. Dans leur vie de tous les jours, ils sont soumis aux pouvoirs multiples et suprêmes du gouvernement nisga'a, mais ils n'ont pas le droit de voter. Comme je l'ai fait remarquer au ministre, puisque ces résidents ne possédant pas de terrains forment une minorité très petite et en changement constant, ils ne menacent en rien la culture et le mode de vie des Nisga'as.

À la page 36 des témoignages du comité, le 23 mars 2000, le ministre a répondu à mes préoccupations en concluant ainsi:

Je préfère d'un point de vue politique laisser les intéressés prendre ce genre de décision et considérer un non-autochtone comme un citoyen s'il est impliqué dans la culture et ne se contente pas d'être de passage. Est-ce qu'un enseignant ou une infirmière, par exemple, qui ne vont habiter sur place que pendant quelques années, doivent avoir les mêmes droits qu'un Nisga'a? Je réponds que non, que ce n'est pas le cas. Toutefois, si une personne y a passé toute son enfance ou toute sa vie adulte, je considère qu'il y a là possibilité de l'intégrer à la vie démocratique.

J'ai répliqué en disant que le Canada impose cinq ans de résidence. Je voulais évidemment dire que lorsqu'un immigrant vient s'installer au Canada, il sait qu'il devra attendre cinq ans. La règle est explicite.

À la page 63 des témoignages du comité du 23 mars, on trouve le discours de l'éloquent docteur Gosnell, qui parlait au nom des Nisga'as. Je dis «éloquent» parce que j'éprouve un profond respect pour le docteur Gosnell et pour ses pouvoirs extraordinaires ainsi que pour le chemin long et ardu qu'il a dû parcourir pour arriver où il est. Je suis donc d'autant plus désolé de ne pas être d'accord avec lui. Je vous cite son témoignage au complet:

Passons maintenant à la question des droits de la minorité. On a beaucoup parlé des droits de la minorité, c'est-à-dire d'un certain nombre de personnes qui continueront néanmoins à travailler au sein de nos communautés après la date d'entrée en vigueur. Lors de la dernière séance du comité, j'ai écouté ce que disait le sénateur Grafstein. Selon lui, il n'y avait pas lieu de craindre que la minorité l'emporte jamais sur la majorité. Cela permettait de poser la question des droits de la minorité.

Monsieur le président, je ne partage pas le point de vue du sénateur Grafstein. Les autochtones d'Amérique du Nord et d'Amérique du Sud sont instruits par l'histoire. Je crois savoir qu'il y a plusieurs siècles, c'est-à-dire il y a environ 500 ans, un groupe de soi-disant explorateurs, de soi-disant découvreurs de nos terres, arrivèrent par accident en Amérique du Nord et en Amérique du Sud et débarquèrent sur les rivages de notre grand pays.

Je crois pouvoir dire que les peuples autochtones de l'époque partageaient le point de vue exprimé par l'honorable sénateur: jamais les nouveaux arrivants ne parviendront à l'emporter sur nous. Pourtant, nous voici en l'an 2000, 500 ans après la découverte de l'Amérique, et nous avons été entièrement submergés. Est-il nécessaire de rappeler que, selon Statistique Canada, nous ne représentons que 2 p. 100 de la population? Nous avons été entièrement submergés sur notre propre territoire. Honorables sénateurs, voilà la crainte que nous inspire une éventuelle reconnaissance pleine et entière des droits de la minorité à l'intérieur de nos territoires.

Les peuples autochtones de l'Amérique du Nord et du Sud ont payé le prix fort pour ce qui apparaît aujourd'hui comme un progrès. Le coût pour nous a été très élevé.

Pourquoi, donc, ne pas faire un pas de plus, comme le demandait l'honorable sénateur? Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et accorder à tous ceux qui se trouvent sur nos territoires le droit de voter et de participer à notre gouvernement?

Je viens d'exprimer un de mes points de vue sur cette question. Mais, à titre de comparaison, permettez-moi de demander aux personnes ici présentes si vous permettriez à des étrangers ou à des personnes que vous avez provisoirement accueillies chez vous, de décider de la répartition des biens de votre famille. Le feriez-vous en fait? Voilà comment le problème se pose à nous: il y a des gens qui viennent s'installer chez nous un an, voire deux ou trois ans, et puis qui repartent. Devons-nous leur reconnaître les droits en question? Je vous pose la même question: à notre place, le feriez-vous? Leur confieriez-vous les avoirs de la famille? Je ne le pense pas.

M. Gosnell a dit encore ceci au sujet des droits des femmes et des minorités:

Honorables sénateurs, nous avons laissé sur ce point la décision au gouvernement qui pourra statuer, à l'avenir, après avoir examiné la situation, sur le cas de certains de nos citoyens qui ont épousé des non-Nisga'as; ils pourront alors voir si les non-Nisga'as se sont bien intégrés à notre société, s'ils ont respecté les lois de notre peuple et s'ils ont participé à notre vie culturelle. Le gouvernement aura la faculté d'accorder à l'avenir des droits à ces personnes. Je ne peux moi-même pas en décider. Ce n'est pas à moi qu'il appartient de le faire. Je vais maintenant aborder un autre sujet, tout en sachant qu'il peut y avoir d'autres questions sur ce point.

Honorables sénateurs, il m'a paru très important de citer les propos de M. Gosnell dans leur plein contexte. Je me permets humblement d'exprimer mon désaccord avec le ministre et avec M. Gosnell sur cette question cruciale. Le droit de voter et de choisir est le plus important de tous les droits politiques. Ce droit est au coeur même de tous les droits des minorités. Je crois respectueusement que M. Gosnell se trompe lorsqu'il dit: «Permettriez-vous à quelqu'un de gérer vos avoirs familiaux? Je pense que non.» Sauf le respect que je lui dois, il n'est pas question ici d'avoirs personnels ou d'avoirs familiaux, mais d'avoirs publics détenus en fiducie. Je parle ici du droit d'un citoyen de participer à part entière et de voter sur des questions touchant sa vie et le lieu de résidence qu'il choisit. Au Canada, nous avons adopté une règle transparente qui accorde la citoyenneté et le droit de vote après cinq ans. Le droit de voter est au coeur même du droit de participer à une société civile.

Dans ces circonstances, compte tenu de la nature de mes préoccupations, je n'ai malheureusement d'autre choix que de m'opposer aux amendements proposés par les conservateurs et de m'abstenir de voter sur le projet de loi C-9.

L'honorable Lowell Murray: Les préoccupations exprimées par l'honorable sénateur sont très sérieuses et concernent dans les deux cas la constitutionnalité du projet de loi. Or, il a commencé son discours en disant qu'il ne pourrait pas appuyer l'amendement proposé par le sénateur St. Germain. J'en prends note. Je suis sûr qu'il ne désire pas voter contre le projet de loi ou qu'il n'en souhaite pas le rejet, pas plus que moi ou quelque autre sénateur de ce côté-ci.

Les choses étant ce qu'elles sont, j'aimerais savoir quel conseil il donnerait au gouvernement? L'abstention, bien qu'elle soit permise par notre Règlement, ne règle rien. L'honorable sénateur est-il au courant des affaires dont des tribunaux inférieurs ont été saisis? Existe-t-il un lien direct entre ces affaires et les préoccupations qu'il a exprimées? Croit-il que cette situation est suffisamment exceptionnelle pour que le gouverneur en conseil exerce maintenant son droit de renvoi à la Cour suprême du Canada?

(1650)

Le sénateur Grafstein: L'honorable sénateur soulève bon nombre de questions. Permettez-moi de donner mon point de vue car j'ai retourné chacune d'entre elles dans ma tête depuis que j'ai commencé à lire à ce sujet. Je parlerai d'abord de l'amendement conservateur.

À mon avis, un renvoi à six mois ne donnera rien. On n'aura pas le temps d'apporter des correctifs. D'après ce que l'on a entendu, les contestations actuelles en vertu de la Constitution seront entravées pendant que ce dossier est en suspens. Ce n'est pas juste pour les Nisga'as ni pour les résidents de la Colombie-Britannique, et cela ne donne rien de bon pour la certitude.

À mon avis, et je sais que cela semble alambiqué, nous devrions laisser le Sénat se prononcer sur cette question plutôt que reporter de six mois le projet de loi. Puis s'il y en a qui choisissent de s'attaquer au projet de loi dans une perspective constitutionnelle, il en sera alors ainsi. Le projet de loi comprend des mesures de sécurité intégrées. Il sera dissociable. Le traité ne disparaîtra pas. Il sera peut-être modifié ou renégocié en partie si les tribunaux prennent cette décision.

Je suis insatisfait du projet de loi en raison d'un facteur que je n'ai pas mentionné dans mon discours. Les procureurs généraux ne permettent pas que le projet de loi soit abordé selon la Constitution. Ils ne peuvent participer à une infraction à la Constitution, mais ils peuvent l'interdire. Je laisse cela de côté. C'est regrettable, mais je laisse cela de côté.

Mon idée est faite à ce sujet. Les tribunaux de la Colombie-Britannique disent qu'ils ne se pencheront pas sur cette question tant qu'elle n'aura pas force de loi. Le plus tôt cette loi sera adoptée, le mieux ce sera.

L'ancien juge Willard Estey communique son point de vue au sujet de l'avis et l'honorable sénateur d'en face y fait écho. Je ne crois pas aux avis. Ils entrent fondamentalement en conflit avec la souveraineté du Parlement. Nous nous acquittons de nos tâches ici; nous légiférons ici. Il n'est pas juste de notre part de critiquer les tribunaux comme nous l'avons fait et de leur demander ensuite de se prononcer sur une question. C'est pourquoi je ne crois pas aux avis. Nous prenons nos responsabilités à la Chambre, et nous laissons les tribunaux dans leur indépendance prendre les leurs.

Je tiens à ajouter aux points soulevés par le sénateur Sibbeston et le sénateur Gill. Nous sommes devant une énigme. Les sénateurs ont récemment eu en main une analyse de toutes les affaires qui sont devant l'ensemble des tribunaux au Canada. Je cite les chiffres de mémoire et il se peut que je me trompe, mais de 20 à 30 rôles complets des tribunaux sont entravés par des revendications autochtones précisément en raison de ce qu'a dit le sénateur Sibbeston. Nous avons été incapables d'aboutir à une méthode de gouvernement efficace en vertu de la Constitution.

Honorables sénateurs, c'est là où lui et moi ne sommes absolument plus d'accord. Je crois que les modèles existants, qui semblent bien fonctionner dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, continueront de bien fonctionner sans abrogation du pouvoir fédéral. Alors quittons-nous.

J'ai également examiné de très près l'expérience Navajo aux États-Unis. Je crois que, dans le cadre de l'expérience Navajo, plein de pouvoirs ont été concédés, mais le Congrès n'a jamais décidé d'abroger ses responsabilités premières. C'est bien différent.

J'espère que, si j'ai tort, d'autres débattront ces questions à l'étape de la troisième lecture.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, la période des questions et observations est écoulée. Y a-t-il consentement unanime pour poursuivre?

Le sénateur Hays: Avant de passer à la question du consentement unanime, pourrais-je demander au sénateur Grafstein combien de temps, selon lui - et le sénateur Murray en l'occurrence - combien de temps, dis-je, durera cet échange?

Son Honneur le Président pro tempore: Il y a plusieurs sénateurs qui ont manifesté le désir de prendre la parole.

Le sénateur Murray: Je vais essayer d'être bref.

Son Honneur le Président pro tempore: Y a-t-il consentement unanime pour poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Murray: Je suis d'accord avec l'honorable sénateur, du moins en principe, en ce qui a trait aux renvois directs à la Cour suprême du Canada. Je ne souhaite pas davantage que lui faire de la Cour suprême du Canada une troisième Chambre du Parlement, mais tout bien réfléchi, il conviendra avec moi que c'est un pouvoir auquel nous avons recours que des circonstances vraiment extraordinaires. Je pense au projet de loi C-60, l'initiative pour rapatrier la Constitution, en 1978, et au renvoi sur la sécession dont nous sommes actuellement saisis dans le contexte du projet de loi C-20. Il s'agissait de renvois directs. Il s'agit de savoir si cette question est suffisamment extraordinaire pour justifier un renvoi.

L'honorable sénateur a dit: «Soit, adoptez le projet de loi, mais je m'abstiendrai». Avec tout le respect que je lui dois, voilà qui ne mène pas à grand-chose. Comment peut-il recommander aux autres d'adopter le projet de loi, alors qu'il entend s'abstenir? Ne devrait-il pas recommander à tout le monde de s'abstenir et de suivre son exemple, ce serait plus logique s'il croit avoir raison, non?

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je ne suis pas très satisfait de ma position. Je pense qu'il y a lieu de la nuancer. Je vais être franc. J'ai commencé mon exploration avec l'intention d'appuyer ce projet de loi. Telle était mon intention initiale. À vrai dire, je ne suis pas fier de m'abstenir. Je le concède. Ma position est à nuancer.

Je voudrais dire une chose au sénateur, et c'est que j'ai été le seul à m'être abstenu à l'étape de la deuxième lecture car j'avais de sérieuses réserves sur les principes du projet de loi. Du moins dans ce sens, ma position a été cohérente, au contraire de celle d'autres sénateurs.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, l'interprétation de l'article 35 est bien sûr au coeur du débat. Il a été dit à maintes reprises, de part et d'autre de cette Chambre, que l'interprétation n'est pas aussi claire qu'on l'aurait souhaité pour un passage de la Constitution foncièrement fondamental à ce débat.

Malgré tout le respect que je dois au sénateur, comment fait-il pour conclure que l'article 35, dans son libellé actuel, est contraire à l'interprétation prévue dans le projet de loi C-9? Sur quelle analyse de l'article 35, ou quel aspect de cet article, se fonde-t-il pour donner au projet de loi une interprétation qui serait contraire aux dispositions de l'article 35? Il l'affirme sans l'expliquer.

Le sénateur Grafstein: Le sénateur va m'avoir à l'usure, mais je vais répondre. J'ose espérer que tous ceux qui ont été directement impliqués dans les débats de 1982 voudront bien donner au Sénat le bénéfice de leur avis sur la question très sérieuse de l'intention originale du législateur.

Il existe dans la Constitution une doctrine dite de l'arbre. On y trouve aussi la doctrine de l'autorité de la chose jugée, mais la doctrine principale en matière d'interprétation constitutionnelle est celle des intentions originales du législateur. Quelles étaient les intentions des signataires de la Constitution à l'époque?

J'ai relu le compte rendu de ces débats. J'en ai lu une partie, pas l'intégralité. Après lecture de ces débats et des interventions des différents participants, j'en suis arrivé à la conclusion qu'une interrogation demeurait dans l'esprit du rédacteur. Il n'arrivait pas, à l'époque, à cerner l'étendue des droits inhérents des autochtones. Il a donc décidé à ce moment-là de restreindre la définition des droits des autochtones en disant que ces droits incluaient les droits reliées aux revendications territoriales.

(1700)

J'ai observé indirectement tous ces débats. Je me suis demandé pourquoi, si le sénateur Sibbeston a raison, on n'a pas ajouté l'autonomie gouvernementale à ce moment-là. Je crois savoir pourquoi. Cela n'aurait jamais été accepté.

Pourquoi ces questions ont-elles été présentées comme des amendements constitutionnels dans le cadre des discussions de Charlottetown et de Meech, avec lesquelles je n'étais d'ailleurs pas d'accord, et pourquoi les a-t-on traitées de la façon dont on les a traitées? Si je regarde les intentions originales et les mesures prises par le gouvernement depuis, selon l'écrasante prépondérance des probabilités et la preuve accablante, je ne peux en arriver à la conclusion que l'autonomie gouvernementale, la suprématie non entravée et non déléguée, aurait pu être accordée aux autochtones. Je ne crois pas qu'on aurait pu en arriver à cette conclusion.

D'un autre côté, que nous reste-t-il à dire relativement aux préoccupations du sénateur Sibbeston sur le gouvernement responsable? Je suis d'avis qu'il y a un gouvernement responsable au Nunavut et au Yukon, et je suis d'accord avec tout ce que le sénateur a dit. Toutefois, si vous regardez bien ces modèles d'administration, cela n'a aucunement restreint les pouvoirs du gouvernement fédéral.

Je suis entièrement d'accord avec tout ce qu'a dit le sénateur Sibbeston. Pourtant, selon moi, ce modèle va au-delà de l'intention originale de ceux qui l'ont rédigé. Écoutons ce qu'en disent d'autres. S'ils croient que l'intention originale était telle que le laissent entendre les défenseurs de ce projet de loi, qu'ils citent les discours. Le sénateur Sibbeston a été très juste. Il a dit qu'il s'agissait d'un élargissement des droits et de droits grandissants, mais s'agit-il des droits accordés à ce moment-là et était-ce là l'intention?

C'est là une question fondamentale. J'ai lu autant que je le pouvais sur la question et j'en ai malheureusement conclu que telle n'était pas l'intention originale.

Le sénateur Andreychuk: J'aimerais interroger le sénateur Grafstein sur l'amendement qu'il n'appuie pas. Je crois qu'il a absolument raison, que nous devons clarifier l'article 35. Contrairement à d'autres renvois pour lesquels on a demandé aux tribunaux de se prononcer sur la politique, on leur demanderait là d'interpréter l'article 35. Cela règlerait la question. Il semble y avoir de bonnes opinions des deux côtés. Tout le monde est d'accord pour dire que le tribunal doit décider, et je crois que le tribunal devrait définitivement statuer sur cette question.

S'ils ne renvoient pas la question devant les tribunaux, les gens devront combattre une position ou l'autre. Le Parti libéral de la Colombie-Britannique, les Gitxsan et les Gitanyow nous ont dit qu'il va y avoir des contestations judiciaires. Il y aura des gagnants et des perdants. J'ai pensé que personne ne contestait que la meilleure solution est un règlement négocié. Si tel est le cas, ne croyez-vous pas qu'un renvoi à six mois serait nécessaire pour permettre une clarification ou un renvoi au tribunal?

Le sénateur Grafstein: Je crois que le moyen le plus rapide d'être juste envers toutes les parties consiste à laisser ceux qui demandent réparation obtenir réparation. Je ne veux pas que la recherche de la perfection nous fasse oublier ce qui est bon. Comme l'ont dit le sénateur Sibbeston, M. Gosnell et le sénateur Gill, il ne s'agit pas d'un document parfait. C'est une énigme. J'aimerais donner au sénateur plus de consolation, mais je ne puis aller plus loin. Je me suis expliqué du mieux que je le pouvais.

Le sénateur Sparrow: Le sénateur Grafstein a essayé d'expliquer au sénateur Murray pourquoi il s'abstenait. Il a dit que le Sénat a une responsabilité. Je ne vois pas clairement en quoi consiste cette responsabilité à son avis. Si le projet de loi est adopté, il fera évidemment l'objet de contestations judiciaires.

Le sénateur Grafstein pense-t-il que, si la majorité des sénateurs estiment que le projet de loi est anticonstitutionnel, il devrait être rejeté ici? En réponse à la question du sénateur Murray, on a dit que nous devrions tous nous abstenir. Nous savons que cela peut ne pas fonctionner, bien que nous ayons tous le droit de nous abstenir en vertu de notre Règlement. Le sénateur Grafstein croit-il que le Sénat devrait accepter sa responsabilité et rejeter le projet de loi?

Le sénateur Grafstein: À l'étape de la deuxième lecture, le Sénat a dit qu'il approuverait le projet de loi, et je pars de cette prémisse.

Chaque sénateur doit répondre à sa propre conscience. Le mieux que je puisse faire pour ma conscience est d'exprimer clairement mes réserves. J'en ai fait part sous forme de préoccupations. Si j'étais entièrement satisfait de mon point de vue, j'irais jusqu'au bout. Toutefois, un fossé très profond sépare les points de vue constitutionnels. J'ai opté pour un côté de l'équation. Je ne me sens pas très à l'aise d'avoir pris la position plutôt indéfendable que j'ai prise.

Vous pouvez me lacérer tant que vous voudrez. Mon premier devoir était d'explorer entièrement toutes les questions, ce que j'ai essayé de faire en comité. Les audiences ont été excellentes. Personne, en Colombie-Britannique, ne peut dire que les audiences n'ont pas été équitables et suffisantes. J'espère que tous les sénateurs pourront exprimer leur point de vue pendant le débat afin que nous ayons un dossier complet sur la question. Après cela, honorables sénateurs, nous nous en remettons à la grâce de Dieu.

Le sénateur Sparrow: Honorables sénateurs, si je comprends bien, le sénateur Grafstein suggère que, puisque le Sénat a adopté le projet de loi en seconde lecture et l'a renvoyé à un comité, c'est un fait accompli, et nous n'aurons pas l'occasion de voter contre le projet de loi en troisième lecture. Je ne pense pas que ce soit exact. Il est déjà arrivé qu'un projet de loi soit adopté en principe à l'étape de la deuxième lecture, qu'il soit renvoyé au comité, qu'il en soit fait rapport au Sénat, et que ce dernier le rejette.

Ai-je mal compris ce que le sénateur a dit? A-t-il dit que, du fait que nous l'avons adopté en deuxième lecture, nous avons l'obligation de l'adopter en troisième lecture?

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, cela ne s'applique pas dans tous les cas, mais en l'occurrence, il s'agit d'un traité très détaillé. J'ai bien examiné ce traité. Il m'a fallu des semaines pour le lire et le comprendre. J'en suis venu à la conclusion que j'avais de sérieuses réserves à l'égard de ce traité. Ma position n'a pas changé depuis la deuxième lecture.

(1710)

Vous avez raison, honorables sénateurs. Je ne vous donnerai pas la réponse que vous attendez car je ne la connais pas.

Le sénateur Kinsella: Ayant fait partie à titre de conseiller de la délégation qui s'est rendue au Nouveau-Brunswick durant cette période, je me suis reporté aux notes que j'avais prises alors. J'ai trouvé une note avec la mention: «Nous parlons ici du gouvernement municipal.» Quand la cour examinera cette question, si elle examine les travaux préparatoires, je suis sûr qu'elle vous donnera raison.

J'ai un problème similaire à celui du sénateur Murray. Je partage votre préoccupation. Ma question est: existe-t-il d'autres moyens pour le Sénat de conseiller la Couronne? La Couronne nous demande notre consentement sur cette question.

Le sénateur Grafstein: Encore une fois, soyons réalistes. Soyons fonctionnels. Le gouvernement a dit clairement, sans équivoque, dans l'autre endroit et dans cette Chambre, qu'il n'est pas question de donner un avis. Il l'a dit. C'est un fait. Le gouvernement a dit qu'il n'admettra aucun amendement. Il l'a dit. Même s'il a permis un amendement, il l'a dit. Soyons pragmatiques. Soyons justes envers les Nisga'as et envers le processus. C'est ce qu'a dit le gouvernement.

Mon avis, c'est qu'au lieu de retarder encore les choses, si tel est le cas et si telle est la volonté de ceux qui appuient le gouvernement pour cette mesure, il vaudrait mieux laisser le soin aux tribunaux de trouver dans les meilleurs délais une solution pour une juste réparation. Je ne vois rien d'autre à faire dans cette situation regrettable dans laquelle je me trouve moi-même.

Le sénateur Kinsella: Je ne me rappelle pas très bien si le sénateur Grafstein était présent lorsque j'ai demandé au sénateur Austin son avis quant à la possibilité d'abroger ce projet de loi, mais je me demande s'il pourrait nous donner son avis à ce sujet.

Le sénateur Grafstein: Je n'ai pas réfléchi à cette question comme telle, mais je ne suis pas sûr d'être d'accord avec le sénateur Austin.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, l'intervention du sénateur Grafstein est très importante, à mon avis, et je suis largement d'accord avec lui en ce qui concerne le problème constitutionnel. Il en va autrement pour ce qui est de l'avis.

Pour les fins du compte rendu, et avant que ce projet de loi ne soit mis aux voix, je tiens à préciser que, selon moi, le Canada devrait reconnaître les droits des peuples et des nations autochtones. Les autochtones étaient au Canada bien avant que les Européens n'arrivent, et il est indéniable qu'ils possèdent des droits collectifs en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. En 1867, nous n'avons pas accordé suffisamment d'attention à leurs droits; je suis heureux de voir que l'article 35 a été ajouté à notre Constitution en 1982.

L'article 35 ne vise pas uniquement les droits déjà acquis, mais aussi les droits issus des traités et des accords à venir. Les sénateurs Murray, Joyal et d'autres on décrit ce qui s'est passé lorsque l'article 35 a été inscrit dans la Constitution, et je crois savoir que d'autres sénateurs traiteront aussi de l'article 35.

J'ai une seule réserve au sujet du projet de loi C-9 et elle vise un seul point, soit la prépondérance accordée aux peuples autochtones dans 14 domaines de pouvoirs concurrents. J'aimerais ajouter cet aspect du projet de loi C-9 aux questions qu'on abordera durant le débat sur le renvoi à six mois. Rien dans la fédération n'est plus central ou plus important que la répartition des compétences, et c'est ce point qui soulève un doute chez moi.

Il est question de pouvoirs. Nous savons déjà que, dans notre fédération, il y a des pouvoirs provinciaux et des pouvoirs fédéraux. Certains sont exclusifs, d'autres concurrents. Dans certains cas, ce sont les pouvoirs des provinces qui ont prépondérance, et dans d'autres cas ce sont les pouvoirs fédéraux. Pour la première fois, un texte de loi fait référence à des pouvoirs concurrents à l'égard desquels il accorde la prépondérance non pas au fédéral ou aux provinces, mais aux autochtones.

En mars, le comité a entendu des constitutionnalistes, dont certains étaient favorables au projet de loi. M. Dean Hogg et M. Monahan, qui ont comparu devant un autre comité, étaient de cet avis. Je respecte beaucoup leurs opinions. D'autres, comme M. Stephen Scott et l'honorable Bud Estey, ont soutenu que ces dispositions du projet de loi étaient inconstitutionnelles.

Le projet de loi est en grande partie irréprochable, sauf un aspect, et il est, pour cette raison, inconstitutionnel. Je reconnais cependant qu'il est divisible. Si jamais un tribunal jugeait le projet de loi inconstitutionnel, le reste de l'accord serait déclaré valide.

Des questions intéressantes ont été posées par des sénateurs des deux côtés du comité. Il s'agit d'une question de droit très difficile à résoudre. Il y a de fortes chances que le projet de loi soit contesté en justice, si ce n'est déjà fait.

La Cour suprême a déjà rendu plusieurs jugements sur l'article 35 et il y a eu plus d'une conférence fédérale-provinciale. La Cour suprême n'a pas encore statué qu'il existe, en vertu de l'article 35, un troisième niveau de gouvernement implicite. Je le regrette, mais la cour ne l'a pas encore dit. Elle le fera peut-être dans l'avenir, mais ce n'est pas encore fait. La Cour suprême a été généreuse envers les autochtones, et j'appuie entièrement sa décision, mais elle n'est pas allée jusqu'à dire qu'il existe un troisième niveau de gouvernement.

Évidemment, nous pourrions le faire en modifiant la Constitution. Nous pouvons modifier n'importe quel article de la Constitution par voie d'amendement constitutionnel. Toutefois, ce n'est pas ce qui nous intéresse pour l'instant; notre intérêt porte plutôt sur la loi et sur l'accord.

La Cour suprême a accompli un travail impressionnant. Contrairement à ce que disait le sénateur Grafstein à ce sujet, je suis en faveur des renvois. Je crois qu'ils sont très importants. Dans le cas du projet de loi C-20, nous avons déjà un renvoi à la Cour suprême. Je crois que les renvois sont utiles.

(1720)

Compte tenu de la difficulté de la présente question, les chances sont que la cour sera invitée à se prononcer de nouveau. Certains ont proposé un renvoi à la Cour suprême. Le gouvernement estime qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer la question aux tribunaux pour obtenir leur avis. Parfois, le gouvernement dira oui, parfois, il dira non. Dans le cas de cette décision, il a dit oui. Dans le cas des Nisga'as, il a dit non.

Le projet de loi C-9 constituera un précédent d'une importance vitale. Nombre d'autres accords seront conclus dans les années à venir. Par conséquent, nous devons faire preuve de prudence en tant que parlementaires et adopter les meilleures lois possibles.

Certains d'entre nous ont émis de sérieux doutes quant à la division des pouvoirs dans une partie du projet de loi C-9. Toutefois, comme je l'ai dit, dans une fédération, qu'y a-t-il de plus important que la division des pouvoirs?

Il est vrai que le Code criminel et la Charte des droits et libertés s'appliquent tous deux dans ce cas. J'en suis heureux. Je suis d'accord là-dessus. Cela n'a aucun effet sur la division des pouvoirs. Si on lit l'article 31 de la Charte, on apprend que celle-ci n'élargit pas les compétences législatives de quelque organisme que ce soit. Cela ne change pas la répartition des compétences. Il s'ensuit que la question de la primauté des 14 secteurs de compétence concurrents est toujours là.

Compte tenu de la décision de ne pas s'adresser à la Cour suprême, je pense qu'il convenait d'exprimer notre avis sur la question de la primauté des 14 secteurs de pouvoirs législatifs concurrents mentionnés dans cet accord. C'est une question fondamentale.

[Français]

L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, je me suis déjà prononcé au sujet de l'entente définitive avec la nation nisga'a. Depuis quelques semaines, j'ai écouté tant et tant de discours et d'opinions sur le sujet que je suis pour longtemps rassuré sur les vertus de notre démocratie, mais à l'étape où nous en sommes, je crois qu'il est de mon devoir d'intervenir une autre fois en soulignant quelques dimensions cruciales soulevées par ces débats.

Lorsque j'ai entendu, de la part des opposants à l'entente dans sa forme actuelle, que celle-ci constituait un dangereux précédent pour le pays en son entier, en ce qu'elle consacrait une attrition des pouvoirs souverains de la Couronne, et qu'une pareille chose était impensable, j'ai souri.

Lorsque j'ai entendu les opinions soutenant que cette entente historique ne pouvait se réaliser puisqu'elle comporte trop d'incertitudes, de zones grises et d'imperfections, j'ai souri.

Lorsque j'ai vu certains spécialistes du droit devenir tatillons et avocassiers, jouant délibérément sur les mots et les concepts, et soulevant un vent d'abstractions qui aurait obscurci n'importe quel horizon, j'ai encore souri.

Vous me direz que j'ai beaucoup souri au lieu de pleurer et vous aurez raison. Le sourire est sage et il ne sert à rien de s'emporter. Apprenez aussi que le «sourire est doux au coeur de l'Indien». Trop souvent dans l'histoire, c'est tout ce qu'il nous restait.

Sur l'abandon des pouvoirs souverains, devrais-je rappeler que les Premières nations sont les premières «spécialistes» de la question? À l'origine, nous avons abandonné des pouvoirs souverains afin de partager avec le nouvel arrivant un monde qui, jusque-là, était exclusivement le nôtre. Notre réalisme historique, notre souplesse et notre créativité ont été royalement floués car les traités canadiens n'ont pas été respectés, nous le savons tous. Nous n'avons pas à recevoir de leçons sur la souveraineté bafouée, mais nous pourrions en donner à quelques-uns sur nos rêves de partage.

Une fois pour toutes, affirmons que le droit et la raison commune ne peuvent danser sur deux tambours à la fois. Nos droits dits inhérents sont antérieurs à la Constitution canadienne, et la Constitution canadienne reconnaît l'authenticité de nos droits.

[Traduction]

Ce fameux troisième ordre de gouvernement a toujours existé au Canada, sauf que, jusqu'ici, il avait été réprimé et négligé. L'idée d'un gouvernement autochtone responsable n'est pas de celles qui présentent un danger ou qu'il faut démontrer. Elle ne fait que rétablir, confirmer et moderniser une mesure législative.

[Français]

Une opinion forte qui se présente comme conciliante - mais qui ne l'est pas du tout - voudrait que les nouveaux pouvoirs des Premières nations se limitent au cadre politique de municipalités régionales dont les juridictions ne toucheraient en rien le pouvoir absolu de la Couronne. Ils voudraient une simple délégation de pouvoirs, sans plus. Que ces gens s'informent. Cette étape a été franchie en 1975 dans la province de Québec. La Convention de la baie de James et du Nord québécois en fut le premier exemple au Canada. Cette entente célébrera ses 25 ans cette année.

Si nous pouvions tirer une leçon de la Convention de la Baie de James, elle porterait sur les grandeurs et les misères de l'autonomie souhaitée. Le niveau municipal est largement insuffisant et place les Premières nations dans une situation d'impuissance chronique sur le plan politique.

Les Cris, et surtout les Inuits dans le Nord du Québec, s'orientent désormais vers la création de gouvernements responsables et autonomes. Le municipal, fut-il territorial, a peut-être représenté une étape nécessaire dans l'histoire récente de nos revendications politiques, mais ces étapes sont désormais franchies. Nous devons passer à autre chose. L'accord nisga'a représente pour l'instant cette autre chose.

L'histoire de la Colombie-Britannique est courte. Jusqu'en 1970, les positions de la province quant aux terres et aux droits des Premières nations furent très dures et forcément iniques. Les Nisga'as, entre autres nations, ont été humiliés, nommément rabroués à l'occasion de rencontres devenues tristement célèbres. L'accès au parlement provincial leur fut refusé jadis, leurs demandes furent ridiculisées, ils furent traités publiquement de «primitifs». La province a longtemps résisté à l'idée même des traités et elle a historiquement «chipoté» sur chaque acre de terre «concédé» aux Indiens dans le cadre des réserves fédérales prévues dans la Loi sur les Indiens.

Le pas que nous pourrions franchir maintenant est donc énorme et entièrement à l'honneur de la Colombie-Britannique. Il corrige une lacune de l'histoire, il est rempli de dimensions historiques. Mais l'histoire n'est pas notre fort, notre société a plus de droits que de mémoire. Certains invoquent l'incertitude tout en craignant l'irréparable pour nos petits-enfants, qui auront à vivre avec ces changements fondamentaux.

J'ai entendu cela. Je le disais, cela m'a fait sourire. Ne sommes-nous pas les petits-enfants de ceux qui ont rédigé la Loi sur les Indiens? Ne sommes-nous pas les petits-enfants de ceux qui nous ont légué ce déshonneur national qu'est la situation des Premières nations en ce pays?

Qui sont-ils pour réclamer une entente parfaite et pure, blindée, une convention certaine, une loi sans failles ni ombrage, sans risques ni zones grises? Croyez-vous que les pères de la Confédération ont été purs et parfaits dans la conception du Canada en 1867? Le Canada binational, souvenez-vous.

La première Confédération avait ce petit défaut d'enterrer les Premières nations. Était-ce une loi parfaite?

(1730)

Où prenez-vous l'idée que notre système politique canadien est sans failles? Plus encore, on voudrait que les Premières nations n'aient aucun droit à l'erreur. Je veux bien que l'entente soit imparfaite et ne réponde pas à toutes les questions ni à tous les problèmes situés en aval de l'histoire, mais ce n'est pas une raison pour la déchirer. Avancer comporte des risques, et la recherche de la perfection immédiate est un argument de mauvaise foi qui ne fait que paralyser ou interdire toute action visant à améliorer notre situation. La recherche du mieux est un processus évolutif.

Prenons l'exemple des chevauchements dans la délimitation du territoire ancestral nisga'a. Faudrait-il, sous le prétexte de cette difficulté, mettre en péril la conclusion de l'entente? D'aucuns le souhaitent et en font une grosse histoire. Cependant, les Gitanyow eux-mêmes, qui se disent lésés, ne tiennent pas à bloquer le traité nisga'a. La résolution de ce conflit est importante, mais elle devrait se trouver dans un autre cadre. Les chevauchements territoriaux sont fréquents et nous en retrouvons partout dans le Canada des Premières nations. Nous en retrouvons aussi entre les provinces et à l'intérieur des provinces. Au Québec, des Innus en ont avec les Cris. Dans les Territoires du Nord-Ouest, les Dénés en ont avec les Inuits. À partir du moment où se négocie une entente avec une nation, vous verrez les nations voisines préciser leurs frontières. C'est normal, pourquoi nous surprendre? À force de nous éparpiller et de nous isoler dans des enclaves minuscules, certaines limites territoriales ont été laissées en friche et se sont embrouillées.

D'une manière ou d'une autre, pourquoi n'aurions-nous pas, nous, les Premières nations, des problèmes bien à nous? Nous les avons réglés dans le passé, nous pouvons le faire dans l'avenir. Nous remettons à jour une cartographie ancestrale. Laissons aux Premières nations le soin de clarifier ces choses. Donnons du temps au temps.

Surtout, cessons d'utiliser tous les prétextes pour divertir et retarder un processus historique de la plus grande importance pour le Canada. Oui, le traité nisga'a constitue un précédent: il fait renaître la fierté collective. Oui, il y aura d'autres ententes et elles seront meilleures pour le bénéfice de tous. Nous ne pouvons pas nous attendre à trouver la formule idéale pour concrétiser des principes reconnus depuis des lunes.

Parler est important, la démocratie l'exige. Les mots comptent, nous le savons. L'écrit fonde nos relations, nous le savons aussi. Voilà pourquoi nous avons des forums, des comités, des parlements et des commissions. Nous signons des ententes et des traités, des lois et des contrats sociaux. La Charte des droits et libertés nous protège. Nous disposons d'un contrat fondateur, la Constitution, mais il vient un temps où il faut aborder la question concrète des applications de nos dires, où il est nécessaire d'évaluer nos gestes par rapport à nos paroles. À parole sacrée, geste sacré. Il faut bien finir par faire ce que l'on dit.

Depuis toujours, les gouvernements ont enrobé nos droits sous le couvert des paroles et des pressions. Nous devrions nous souvenir. Nous devrions nous dire et nous redire que la parole doit s'appliquer. Vers 1830, dans le cadre de la dispute entre la confédération cherokee et l'État de Géorgie aux États-Unis, le juge Marshall statuait que les Cherokees constituaient, à l'instar de toutes les autres Premières nations identifiées, une nation intérieure avec laquelle il fallait négocier un ou des traités de type international.

Dans ce même pays, sous la présidence de Jackson et de Monroe, il fut sérieusement envisagé de créer une confédération d'États «aborigènes» à l'intérieur de la nation américaine. Ces belles intentions et ces beaux principes étaient à peine exprimés que les Cherokees, avec les Creeks-Seminoles, les Choctaw et les Chickasaw, furent chassés de leurs terres ancestrales en Géorgie pour être refoulés dans des conditions inhumaines vers ce qui allait devenir le très honteux Oklahoma. Ces belles paroles étant dites, vers 1830, les Américains allaient pendant 60 ans se lancer dans les guerres, les fraudes et toutes les exactions afin d'effacer l'existence des Premières nations sur le territoire désormais américain.

[Traduction]

Le Canada a certainement été moins marqué par la violence dans son histoire. Toutefois, ses politiques à notre endroit n'ont que très rarement, sinon jamais, reflété ses principes. C'est pourquoi nous avons toujours été trahis. Le temps est venu de passer à l'action et de faire preuve de générosité. Si nos droits existent, le pouvoir doit être partagé, et c'est en tant que Première nation fondatrice que nous avons notre place au Canada.

[Français]

Cette réalité qui se découvre à partir de droits qui ont toujours existé, c'est bien celle où il devient possible d'être Nisga'a, au sein d'une province appelée Colombie-Britannique, dans une Confédération qui s'appelle le Canada. En toute bonne foi, cela est possible malgré toutes les difficultés que nous aurons à résoudre ensemble, car des difficultés, il y en aura, mais il est des difficultés intéressantes à résoudre. Il en est d'autres qui sont caduques. Ne nous maintenez plus par avocasserie et mauvaise foi dans des culs-de-sac insupportables. L'entente nisga'a, certainement imparfaite, représente un espoir dont il faut reconnaître l'importance. Il vaut mieux travailler à la rendre meilleure que d'avoir à négocier son avortement. Nous sommes une société de droit; nous devons nous en réjouir. Nous sommes une société de justice, nous devons la célébrer. Avons-nous résolu tous les problèmes, relevé tous les défis d'une société moderne, complexe et évolutive? Bien sûr que non. Nous disposons du droit pour avancer, non pas pour reculer. Nous disposons de la justice pour la poursuivre toujours plus, pas pour nous en éloigner. Les droits inhérents des Premières nations représentent le rattrapage de la justice. Ce ne sont pas de nouveaux droits inventés dans les circonstances de l'actualité. Ils ne relèvent pas de l'opportunité politique du moment. Nous parlons d'une mise à jour de droits anciens et depuis longtemps brimés. Comment pouvons-nous alors invoquer la Constitution pour ensuite nier ce que la Constitution affirme?

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Hays, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat sur cette importante question.

Peu de questions sont aussi importantes que la préservation de l'unité canadienne et le maintien d'une fédération forte et vivante qui comprend le Québec. En présentant le projet de loi C-20 et en l'adoptant à la Chambre des communes le 15 mars 2000, le gouvernement fédéral prétend promouvoir la cause de l'unité canadienne en respectant l'avis donné par la Cour suprême du Canada relativement au Renvoi sur la sécession du Québec. En particulier, le gouvernement prétend donner plus de clarté aux conditions préalables à l'obligation de négocier la sécession, soit une majorité claire lors d'un vote sur une question claire. Le gouvernement prétend aussi faire participer l'ensemble des Canadiens en confiant à la Chambre des communes le rôle législatif de déterminer ce qui constitue une question claire et une majorité claire.

Honorables sénateurs, c'est peut-être un signe que le projet de loi C-20 ait été adopté à la Chambre des communes à l'étape de la troisième lecture le 15 mars 2000 - les ides de mars. Comme le devin dans Jules César, il incombe au Sénat de dire aux Canadiens de prendre garde aux ides de mars et au projet de loi C-20 qui les accompagne. À l'instar des assassins de Jules César qui prétendaient être ses amis, le projet de loi C-20 n'est pas ce qu'il prétend être. Il sème la confusion au nom de la clarté et aboutit à l'exclusion au nom de l'inclusion. Qui plus est, au lieu de donner corps à l'avis de la Cour suprême du Canada, il l'interprète et l'applique d'une façon qui ne respecte pas l'esprit de prise de décision rationnelle et de négociation de bonne foi dont est empreint l'excellent Renvoi sur la sécession du Québec.

(1740)

Il convient également de se rappeler que le projet de loi C-20 a trait au droit de n'importe quelle province, pas seulement le Québec, de quitter la fédération. En ma qualité de sénateur représentant la Nouvelle-Écosse, je rappelle aux honorables sénateurs que la première tentative de sécession est venue de ma province, quand le premier ministre Joseph Howe, après avoir solidement défait sir Charles Tupper lors de l'élection provinciale suivant la Confédération, s'est rendu à Londres pour demander au secrétaire aux Colonies d'autoriser la Nouvelle-Écosse à quitter la fédération qui avait moins d'un an. La demande a été rejetée en raison des nouveaux liens politiques et économiques qui unissaient les membres de la fédération. Bien que le Canada n'ait plus à aller quémander de permission à Londres, nous devrions néanmoins prendre un instant pour nous demander si la structure centrée sur la Chambre des communes qui est proposée dans le projet de loi C-20 est assez inclusive pour refléter la société libre et démocratique que notre Constitution prétend être.

Comme dans toute décision rendue à l'égard d'un renvoi, ce que la Cour suprême du Canada a dit au sujet du Renvoi sur la sécession du Québec constitue un avis consultatif et, à ce titre, n'est pas immédiatement exécutoire. Il s'agit cependant d'une distinction théorique puisque les gouvernements modernes accordent la même valeur aux décisions à l'égard d'un renvoi qu'à toute autre décision judiciaire. Qui plus est, la sagesse dont a fait preuve la Cour suprême du Canada dans cette affaire devrait être imitée. Il est important de noter que la Cour n'a rien fait ou dit qui clarifie les conditions préalables à l'obligation de négociation faite par la Constitution.

Beaucoup d'analystes de la scène politique et d'universitaires ont analysé la décision importante et impressionnante de la Cour suprême du Canada dans cette affaire et je limiterai mes brefs commentaires d'aujourd'hui aux éléments clés du projet de loi C-20. Dans le mesure du possible, je citerai de larges passages de la décision. Le manque de temps et d'espace m'empêchent de procéder à une analyse approfondie de ce que la Cour suprême du Canada a dit sur la constitutionnalité d'une sécession. Elle a conclu que cela ne devait pas être une décision unilatérale d'une province, mais une question à résoudre dans le cadre de négociations de bonne foi entre tous les acteurs politiques touchés, tant au niveau fédéral que provincial.

Honorables sénateurs, une des contributions importantes de la cour a été la définition des rôles des tribunaux et des acteurs politiques dans le processus de sécession. Le rôle de la cour est de fournir un cadre juridique large, mais les détails sur ce qui constitue une question et une majorité claires ainsi que sur la conduite des négociations ont été, à juste titre, laissés aux acteurs politiques. En définissant ces détails, les acteurs politiques doivent s'inspirer des principes qui sous-tendent la Constitution: le fédéralisme démocratique, le constitutionnalisme, la règle de droit et finalement, mais pas le moins important, la protection des minorités. Je voudrais aborder brièvement chacun de ces quatre éléments.

Mary Dawson, avocate du côté fédéral dans le Renvoi sur la sécession du Québec, a félicité la cour pour sa retenue judiciaire sur les aspects politiques du processus dans ce passage de son article sur cette affaire:

La cour explique ensuite les motifs de sa retenue sur ces questions. Elle souligne que: «Seuls les acteurs politiques auraient l'information et l'expertise pour juger .... La cour reconnaît que, si des négociations sur les détails de la sécession devaient avoir lieu, la conciliation des divers intérêts constitutionnels légitimes appartiendrait aux acteurs politiques «précisément parce que cette conciliation ne peut être réalisée que par le "donnant, donnant" du processus de négociation.»

La cour nous a rendu grand service en énonçant ces considérations d'ordre pratique si directement, clairement et précisément.

Compte tenu de ses égards pour les acteurs politiques, à qui elle laisse le soin de régler les détails du cadre juridique, on ne s'étonnera pas que la cour en ait dit moins que plus. Elle ne s'est pas prononcée sur ce qui constituerait une majorité claire ou une question claire. La cour n'a ni décrit ni proscrit le processus de négociation; elle n'a pas non plus déclaré quand les acteurs politiques devaient définir les conditions préalables à des négociations constitutionnelles ni qui devait participer au processus de clarification.

La décision de la Cour suprême ne rend pas obligatoire une mesure législative formulée comme le projet de loi C-20 ou autrement; elle recommande tout au plus une action politique, laquelle peut revêtir de nombreuses formes, outre celle d'une mesure législative, comme bien d'autres sénateurs l'ont déjà souligné. Cet argument a notamment été soulevé par le sénateur Nolin, comme nous pouvons le lire par exemple dans les Débats du Sénat du 23 mars 2000, et le sénateur Boudreau, leader du gouvernement au Sénat, y a répondu plutôt évasivement, sans rien apporter d'utile. La Cour suprême du Canada n'a donc pas donné au gouvernement le mandat d'élaborer un projet de loi sur la clarté, et le gouvernement ne remplit pas un mandat de la cour, mais fait lui-même un choix politique sur la façon de procéder sur cette question. En présentant une mesure législative, le gouvernement risque même de ramener la cour sur la scène politique, ce qu'il voulait éviter.

Un des éléments remarquables du projet de loi C-20, c'est qu'il met au premier plan les députés de la Chambre des communes en tant que représentants élus démocratiquement des Canadiens, presque à l'exclusion des autres acteurs politiques comme le Sénat du Canada et les autres ordres de gouvernement. Dans son passage crucial sur l'établissement des conditions préalables au devoir constitutionnel de négocier, la cour a souligné le principe sous-jacent de la démocratie, lorsqu'elle a fait référence aux parties qui devraient se charger du processus de modification de la constitution. Elle a déclaré:

Le principe du fédéralisme, joint au principe démocratique, exige que la répudiation claire de l'ordre constitutionnel existant et l'expression claire par la population d'une province du désir de réaliser la sécession donnent naissance à une obligation réciproque pour toutes les parties formant la Confédération de négocier des modifications constitutionnelles en vue de répondre au désir exprimé.

Il n'est fait aucune mention expresse de la Chambre des communes dans le passage que je viens de citer, lequel renvoie, ce qui est plus logique, aux paliers exécutifs de gouvernement qui lanceraient normalement le processus de négociation de toute modification constitutionnelle, y compris d'une sécession. Cet exercice du pouvoir exécutif n'a habituellement pas été entravé par des directives du pouvoir législatif de l'État, sous quelque forme que ce soit, législative ou non. Les membres du Cabinet, aux niveaux fédéral et provincial, qui participeraient normalement à l'élaboration d'une modification constitutionnelle seraient indirectement les «représentants démocratiquement élus des participants à la Confédération» dont on parle dans le passage du Renvoi sur la sécession du Québec. Ce passage n'étaye pas l'accent mis sur la Chambre des communes à l'exclusion du Sénat et des autres acteurs politiques.

Le gouvernement semble appliquer une version simplifiée du principe de démocratie en concentrant le pouvoir à la Chambre des communes et en excluant les autres acteurs politiques. La Cour suprême du Canada préconise une version plus nuancée de la démocratie, une version tempérée par d'autres principes comme le constitutionnalisme et la règle du droit. Ce point a été souligné plusieurs fois dans le Renvoi sur la sécession du Québec, notamment dans le passage qui dit ce qui suit:

Les Canadiens n'ont jamais admis que notre système est entièrement régi par la seule règle de la simple majorité. Notre principe de la démocratie, en corrélation avec les autres principes constitutionnels mentionnés plus haut, est plus riche. Un gouvernement constitutionnel est nécessairement fondé sur l'idée que les représentants politiques du peuple d'une province ont la possibilité et le pouvoir de prendre, au nom de la province, l'engagement pour l'avenir de respecter les règles constitutionnelles qui sont adoptées. Ces règles les «lient» non pas en ce qu'elles font échec à la volonté de la majorité dans une province, mais plutôt en ce qu'elles définissent la majorité qui doit être consultée afin de modifier l'équilibre fondamental en matière de partage du pouvoir politique (y compris les sphères d'autonomie garanties par le principe du fédéralisme), de droits de la personne et de droits des minorités dans notre société.

(1750)

L'assentiment des gouvernés est une valeur fondamentale dans notre conception d'une société libre et démocratique. Cependant, la démocratie au vrai sens du terme ne peut exister sans le principe de la primauté du droit. C'est la loi qui crée le cadre dans lequel la «volonté souveraine» doit être déterminée et mise en oeuvre. Pour être légitimes, les institutions démocratiques doivent reposer en définitive sur des fondations juridiques. Cela signifie qu'elles doivent permettre la participation du peuple et la responsabilité devant le peuple par l'intermédiaire d'institutions publiques créées en vertu de la Constitution.

Je répète:

... par l'intermédiaire d'institutions publiques créées en vertu de la Constitution.

Dans le dernier passage que j'ai cité, les «institutions publiques créées en vertu de la Constitution» comprennent le Sénat et la Chambre des communes au niveau fédéral.

Dans sa tâche délicate consistant à délimiter les rôles respectifs des niveaux judiciaire et politique dans tout processus de sécession, la Cour suprême ne parle pas de «représentants élus» mais utilise plutôt un terme plus large et plus inclusif en parlant des «acteurs politiques». Le passage suivant, tiré de la décision, appuie ce point:

Le rôle de notre Cour dans ce renvoi se limite à identifier les aspects pertinents de la Constitution, dans leur sens le plus large. Nous avons interprété les questions comme se rapportant au cadre constitutionnel dans lequel des décisions politiques peuvent, en dernière analyse, être prises. À l'intérieur de ce cadre, les rouages du processus politique sont complexes et ne peuvent être déterminés que par le moyen de jugements et d'évaluations d'ordre politique. La Cour n'a aucun rôle de surveillance à jouer sur les aspects politiques des négociations constitutionnelles. De même, l'incitation initiale à la négociation, à savoir une majorité claire en faveur de la sécession en réponse à une question claire, n'est assujettie qu'à une évaluation d'ordre politique, et ce à juste titre. Le droit et l'obligation correspondante de négocier ne peuvent reposer sur une présumée expression de volonté démocratique si cette expression est elle-même chargée d'ambiguïtés. Seuls les acteurs politiques auraient l'information et l'expertise pour juger du moment où ces ambiguïtés seraient résolues dans un sens ou dans l'autre, ainsi que des circonstances dans lesquelles elles le seraient.

La cour poursuit plus loin:

La tâche de la Cour était de clarifier le cadre juridique dans lequel des décisions politiques doivent être prises «en vertu de la Constitution», et non d'usurper les prérogatives des forces politiques qui agissent à l'intérieur de ce cadre. Les obligations que nous avons dégagées sont des obligations impératives en vertu de la Constitution du Canada. Toutefois, il reviendra aux acteurs politiques de déterminer en quoi consiste «une majorité claire en réponse à une question claire», suivant les circonstances dans lesquelles un futur référendum pourrait être tenu. De même, si un appui majoritaire était exprimé en faveur de la sécession du Québec, il incomberait aux acteurs politiques de déterminer le contenu des négociations et le processus à suivre.

Ainsi, l'un des effets du projet de loi C-20 est d'empêcher que le Sénat et divers autres acteurs politiques ne puissent participer au processus de clarification des conditions préliminaires aux négociations constitutionnelles sur la sécession. Non seulement cette exclusion des «acteurs politiques» n'est pas prévue par le Renvoi sur la sécession du Québec, mais elle va à l'encontre de l'esprit de la décision qui met l'accent sur l'inclusion politique. Les principes du constitutionnalisme et la primauté du droit permettent de croire que toutes les institutions gouvernementales existantes, et pas simplement la Chambre des communes, devraient participer au processus de clarification.

Je vais maintenant parler de la protection des minorités et du rôle du Sénat. L'un des principes constitutionnels sous-jacents sur lequel a insisté la Cour suprême du Canada dans le Renvoi sur la sécession du Québec est la protection des minorités, qui incluent non seulement les minorités religieuses et linguistiques sur lesquelles se sont penchés les pères de la Confédération, mais aussi les minorités autochtones et ethniques dans un contexte plus moderne. La Cour suprême reconnaît aussi ce principe comme étant une influence modératrice sur le rôle de la majorité en démocratie en tant que principe constitutionnel.

La cour a dit:

Comme nous l'avons souligné, on ne peut invoquer le principe de la démocratie pour écarter les principes du fédéralisme et de la primauté du droit, les droits de la personne et des minorités, non plus que le fonctionnement de la démocratie dans les autres provinces ou dans l'ensemble du Canada.

Le Sénat, comme vous le savez tous, a toujours été perçu comme une institution chargée de la protection des intérêts des minorités en vertu de la Constitution. Cette responsabilité a été soulignée par la Cour suprême dans un renvoi concernant la Chambre haute, dans lequel la cour conclut que le Sénat ne peut être modifié que par un processus auquel prendraient part les provinces et le gouvernement fédéral.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Oliver, je regrette de vous interrompre, mais vos 15 minutes sont écoulées. Demandez-vous la permission de continuer?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, puis-je demander auparavant au sénateur Oliver pendant combien de temps il pense continuer?

Le sénateur Oliver: Pendant huit ou neuf minutes.

Sénateur Hays: Honorables sénateurs, je remarque qu'il est six heures moins cinq. Le sénateur Oliver dépassera 18 heures. Peut-être pourrions-nous décider dès maintenant, pour ne pas interrompre de nouveau l'honorable sénateur, si nous allons tenir compte de l'heure ou non.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs que le Président ne tienne pas compte de l'heure, à 18 heures?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: La permission de continuer est-elle accordée à l'honorable sénateur Oliver?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Oliver: L'extrait suivant est tiré du renvoi de 1980 sur la compétence du Parlement:

Il convient, croyons-nous, d'examiner la situation historique qui a suscité les dispositions de l'Acte pour l'institution du Sénat comme partie du système législatif fédéral. Pendant les débats de la conférence de Québec en 1864, beaucoup de temps a été consacré à la discussion des dispositions relatives au Sénat. Son but important est énoncé dans les passages suivants de discours prononcés au cours des débats sur la Confédération dans le parlement de la province du Canada.

Sir Johh A. Macdonald:

Afin de protéger les intérêts locaux de chaque province, nous avons jugé nécessaire de donner aux trois grandes divisions de l'Amérique Britannique du Nord une représentation égale dans la chambre haute, car chacune de ces divisions aura des intérêts différents [...]. À la chambre haute sera confié le soin de protéger les intérêts de section; il en résulte que les trois grandes divisions seront également représentées pour défendre leurs propres intérêts contre toutes combinaisons de majorités dans l'Assemblée.

George Brown a aussi fait une citation semblable aux pages 35 et 38.

Or, l'essence de notre convention est que l'union sera fédérale et nullement législative. Nos amis du Bas-Canada ne nous ont concédé la représentation d'après la population qu'à la condition expresse qu'ils auraient l'égalité dans le conseil législatif. Ce sont là les seuls termes possibles d'arrangement et, pour ma part, je les ai aceptés de bonne volonté. Du moment que l'on conserve les limites actuelles des provinces et que l'on donne à des corps locaux l'administration des affaires locales, on reconnaît jusqu'à un certain point une diversité d'intérêts et la raison pour les provinces moins populeuses de demander la protection de leurs intérêts par l'égalité de représentation dans la chambre haute.

Compte tenu du contexte historique de la création du Sénat dans le cadre du processus législatif fédéral, les propos de lord Sankey [...] sont pertinents:

Dans la mesure où l'Acte renferme un compromis en vertu duquel les provinces primitives consentaient à se fédérer, il est important de ne pas perdre de vue que le maintien des droits des minorités était une des conditions auxquelles ces minorités consentaient à entrer dans la fédération et qu'il constituait la base sur laquelle toute la structure allait par la suite être érigée. La façon dont on l'interprète d'année en année ne doit pas faire perdre de vue ou modifier les dispositions du contrat initial qui prévoyait l'établissement de la fédération; il n'est pas juste non plus qu'une interprétation judiciaire des dispositions des articles 91 et 92 impose aux membres de la fédération un contrat nouveau et différent.

Le rôle décrit ci-dessus n'est pas simplement un anachronisme historique, le professeur Patrick J. Monahan soutenant que le rôle plus indépendant du Sénat dans les années 90 peut s'expliquer par rapport au rôle du Sénat comme protecteur des minorités. Voici ce que dit le professeur Monahan à la page 85 de son livre intitulé: Essentials of Canadian Law: Constitutional Law, Toronto, 1997:

Le Sénat a justifié l'indépendance de sa position à l'égard de ces questions en s'appuyant sur le fait qu'il protégeait les droits constitutionnels d'individus ou de minorités. Dans le débat sur la loi concernant l'aéroport Pearson, par exemple, les sénateurs conservateurs ont souligné le fait qu'ils n'étaient pas préoccupés tant par la politique officielle voulant que soient annulés certains contrats, que par le droit des entrepreneurs de demander réparation pour le préjudice subi par suite de l'annulation de leurs contrats respectifs. Un comité sénatorial a organisé des audiences exhaustives sur la question de savoir si l'accès aux tribunaux était garanti dans la Constitution, la majorité des universitaires consultés ayant déclaré que cet accès était implicite dans toute constitution fondée sur la primauté du droit.

(1800)

Dans la modification concernant les écoles de Terre-Neuve, les sénateurs se sont opposés à la proposition qui, selon eux, dénaturait les droits de la minorité catholique romaine prévus dans la Constitution, sans avoir consulté cette minorité. Ces précédents de date récente portent à croire que le Sénat chercherait à se donner pour rôle celui de protecteur légitime des droits constitutionnels d'individus ou de minorités.

Au vu de la diversité des intérêts des minorités, susceptibles d'être touchés par tout processus de sécession, notamment les intérêts provinciaux, régionaux, ethniques et autochtones, il semblerait qu'il soit contraire aux principes de la protection des minorités, énoncés par la Cour suprême dans le Renvoi sur la sécession du Québec, d'exclure le Sénat du processus de clarification des conditions préalables à toute négociation constitutionnelle.

Je trouve paradoxal que le projet de loi dit de la clarté, le projet de loi C-20, risque de susciter davantage de confusion que de clarté pour ce qui concerne le processus politique approprié à retenir pour déterminer les conditions préalables à la négociation constitutionnelle de la sécession. La chose a été signalée par de nombreux opposants du projet de loi C-20, notamment le chef du Parti progressiste-conservateur, M. Joe Clark. Au mieux, le projet de loi offre un cadre de travail plutôt que des réponses précises aux questions primordiales soulevées par la Cour suprême du Canada.

Dans le Renvoi sur la sécession du Québec, par exemple, la cour est délibérément restée silencieuse sur la manière dont les acteurs politiques devraient clarifier les conditions préalables à la négociation ou sur le moment où ils devraient le faire. Dans l'article que j'ai cité au début de mon discours, Mary Dawson souligne ce point lorsqu'elle dit:

La cour nous guide très peu sur ce que serait une question claire. Il semblerait que la question posée doive être exempte de toute ambiguïté et qu'elle doive être directement liée à ce qui doit faire l'objet d'une négociation. Si une question est posée, des négociations ne seraient pas menées pour une autre question. Ce qui semblerait être d'une grande importance serait que la clarté de la question soit largement acceptée.

Le projet de loi C-20 pose des problèmes pour ce qu'il dit, comme pour ce qu'il ne dit pas. Il établit une limite de temps déterminée pour la réponse à une question portant sur la sécession une fois que celle-là a été présentée. Il restreint ainsi la flexibilité du gouvernement fédéral pour répondre à la situation, si elle venait à se présenter.

Le professeur Monahan, dans une étude réalisée pour le compte de l'Institut C.D. Howe, affirme que le projet de loi C-20 devrait fournir plus d'indications sur ce qui constitue une majorité claire. En revanche, il laisse entendre que le projet de loi va au-delà du mandat de la Cour suprême en estimant que toute question référendaire qui inclut des références à des arrangements économiques et politiques «n'est pas claire». Selon lui, de telles références devraient être prises en compte, et non pas écartées à l'avance.

Le projet de loi C-20 présente de nombreux autres problèmes qui pourraient être examinés, mais le temps ne nous permet pas d'aller dans les détails.

En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi C-20, aussi bien intentionné soit-il, constitue une tentative imparfaite de suivre les conseils qu'a donnés la Cour suprême du Canada dans la décision qu'elle a rendue. Non seulement elle sème la confusion plutôt que de clarifier les choses, mais, en excluant le Sénat et d'autres acteurs politiques reconnus par la Constitution, elle va à l'encontre des principes constitutionnels sous-jacents du constitutionnalisme et de la protection des minorités énoncée dans la décision même de la Cour suprême, que le projet de loi C-20 prétend appliquer. Le projet de loi doit tout au moins être amendé s'il doit concorder avec la lettre et l'esprit du Renvoi sur la sécession du Québec.

[Français]

L'honorable Marie P.-Poulin: Honorables sénateurs, comme chacun d'entre vous, j'ai longuement étudié le projet de loi C-20 sur la clarté. Comme certains d'entre vous, je me suis questionnée sur le rôle qu'on réservait au Sénat.

J'ai donc suivi attentivement nos débats sur les incidences éventuelles du projet de loi et je suis reconnaissante des observations perspicaces auxquelles ils ont donné lieu.

Après maintes discussions et après sérieuse réflexion, je tiens à dire que je suis tout à fait d'accord avec les principes du projet de loi C-20. Ce projet de loi nous offre la possibilité de définir notre rôle dans le cadre, hélas, d'un référendum.

J'espère sincèrement, comme vous, que cette situation ne se présentera pas de nouveau, parce que, comme la plupart des Canadiens et des Canadiennes, je m'inquiète du peu de cas que les séparatistes font du processus démocratique.

Par deux fois, ils ont organisé un référendum au Québec, et les deux fois, une majorité de Québécois et de Québécoises a choisi de demeurer une partie intégrante de notre fédération canadienne. Comme vous, j'ai poussé un profond soupir de soulagement parce que le Québec joue un rôle unique, essentiel au sein de cette fédération canadienne. Honorables sénateurs, combien de fois faudra-t-il que les Québécois disent non aux séparatistes?

Cela me rappelle mes jours d'écolière. Il y avait toujours quelqu'un qui voulait changer les règles du jeu aux billes quand il perdait. Maintenant, grâce au projet de loi C-20 sur la clarté, tous les Canadiens, y compris les séparatistes, connaîtront les règles du jeu.

Dans l'ensemble, les Canadiens et les Canadiennes souhaitent cet encadrement constitutionnel et législatif en matière de sécession. Les référendums de 1980 et de 1995 au Québec ont profondément ébranlé nos certitudes et ce, à plus d'un égard: nous avons dû notamment reconnaître que la sécession d'une province était une possibilité que l'on ne pouvait plus continuer de nier.

Ces deux référendums auront été aussi pour tous les Canadiens l'occasion de constater l'opportunisme politique dont savent faire preuve les forces sécessionnistes. Celles-ci ont su, en effet, profiter avec habileté de l'absence de règles constitutionnelles et de législation fédérale pour s'ériger en maîtres absolus du processus de sécession. Ai-je besoin de souligner que ce processus péquiste, qui est en grande partie fondé sur le principe voulant que la fin justifie les moyens, fait fi des partenaires du Québec dans la fédération canadienne?

Dans un tel contexte, le gouvernement du Canada ne pouvait plus continuer de naviguer sans balises dans ces eaux troubles que sont les velléités de sécession, et même, de sécession unilatérale, au sein de notre fédération. Le gouvernement fédéral se devait de prendre des mesures concrètes et d'indiquer clairement aux Canadiens et Canadiennes la démarche qu'il adopterait si une province invitait ses citoyens à se prononcer sur un projet de sécession.

Les mesures que le gouvernement du Canada a prises font preuve d'une grande sagesse politique. Il a d'abord sollicité un avis du plus haut tribunal de la nation. Puis, fort de l'assurance de la légitimité du rôle des acteurs politiques, tel que confirmé par la Cour suprême, il a ensuite déposé un projet de loi qui donne effet à cet avis.

[Traduction]

La Cour suprême du Canada a confié au Parlement la responsabilité de définir les règles. C'est ce que fait le projet de loi C-20. Dans l'éventualité regrettable d'un référendum, des motions seraient proposées à l'autre endroit sur la clarté de la question et sur la majorité requise. Le Sénat ne se prononcerait pas sur ces motions dont l'autre endroit serait saisi. Toutefois, nous ne serions pas écartés, car on s'attendrait à ce que nous conseillions vivement l'autre endroit. Au Sénat, quelque chose de très fort nous lie tous, libéraux, conservateurs et indépendants, et c'est notre foi dans la force d'un Canada uni, de la force d'une fédération de dix provinces et de trois territoires dans ce nouveau monde sans frontières.

Je suis persuadée que personne ici ne veut encourager le moindrement les gens qui veulent la sécession de notre pays. Il y en a assez comme cela qui s'en occupent à l'autre endroit. Nous devrions leur faire savoir clairement et sans réserves quelle est notre position en temps opportun. En tant que sénateurs, nous serions en mesure d'influencer sérieusement l'opinion publique et partant, les provinces.

Nous devrions commencer à songer à user de façon constructive de l'autorité de notre poste en profitant de l'occasion que nous offre ce projet de loi sur la clarté, soit l'occasion de faire connaître notre position au gouvernement et au peuple canadiens.

Le gouvernement s'est engagé à tenir compte de notre opinion. Nous devrions donc faire l'impossible pour qu'elle soit aussi précieuse et fiable que possible. Le réel défi du Sénat consiste donc à cerner les mécanismes qui seraient immédiatement activés au Sénat en cas de référendum. C'est là-dessus que nous devrions concentrer nos efforts.

Nous devons concilier l'impression que nous n'aurions rien à faire si ce projet de loi était jamais invoqué. Je suis d'un avis tout à fait contraire. Non seulement le projet de loi sur la clarté dit que le gouvernement prendra note des déclarations ou résolutions du Sénat à l'égard de la clarté de la question référendaire - je vous renvoie au paragraphe 1(5) - mais il étend cette responsabilité à la question de savoir ce qui constitue une majorité - je vous renvoie au paragraphe 2(3).

Honorables sénateurs, je me demande et je vous demande ceci: quels mécanismes adopterons-nous pour nous assurer que la Chambre haute du Parlement canadien ait son propre plan clair pour ce qui est de remplir son rôle de conseiller clé sur les motions qui pourront être proposées à l'autre endroit s'il y avait malheureusement un jour un référendum?

(1810)

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, dans le débat sur le projet de loi C-20, nous sommes confrontés à la question capitale des mesures à prendre pour assurer le maintien de l'unité canadienne. Nous sommes également confrontés à la réduction du rôle du Sénat, laquelle aura des répercussions profondes sur le fonctionnement futur du Parlement du Canada.

Ce sont deux aspects du projet de loi C-20 qui sont litigieux. Le projet de loi aura des répercussions non seulement sur l'avenir du Canada, mais aussi sur celui du Sénat.

En tant que parlementaire canadien - car c'est ce que je suis - je suis déchiré. D'un côté, je veux appuyer le projet de loi; de l'autre, je veux le rejeter. Que dois-je faire?

Évidemment, j'ai étudié les discours éloquents du leader du gouvernement ainsi que du chef et du chef adjoint de l'opposition. Les opinions divergentes sont tellement bien présentées, et chaque camp présente des arguments tellement solides, qu'on est tenté de se faire discret. À titre de sénateur indépendant, je ne peux toutefois pas me cacher. Au bout du compte, je devrai me prononcer en faveur du projet de loi ou contre celui-ci en utilisant, que Dieu me vienne en aide, mes propres ressources intellectuelles.

Pour moi, la seule façon d'aborder ce projet de loi de manière ordonnée, c'est de séparer pour l'instant les deux questions: l'exigence de clarté et le rôle du Sénat.

Par rapport à l'exigence de clarté, je me suis tout d'abord posé une question clé: le Canada est-il divisible? Ceux qui prétendent qu'il est indivisible disent que le projet de loi va à l'encontre de la Constitution. Ils disent que le gouvernement n'a pas le droit de présenter une mesure législative qui légaliserait la sécession. Par conséquent, ils s'opposent au principe même du projet de loi.

Je crois toutefois qu'il n'est nulle part dit dans notre Constitution que le Canada est indivisible. En théorie, tous les États sont inviolables, mais depuis une trentaine d'années, l'idée de séparation a acquis, dans les faits, une certaine légitimité. Tout le débat au Québec a tourné autour du fait que, si les Québécois veulent sérieusement la sécession, ils ont légalement le droit d'y accéder par le biais d'une modification constitutionnelle. C'est ce que la Cour suprême a dit. Je reconnais donc la légitimité de l'objectif du projet de loi.

Honorables sénateurs, il incombe au gouvernement du Canada de régler toute question de sécession d'une manière responsable: avant que cela ne se produise, au lieu d'essayer simplement de ramasser les pots cassés de son mieux, comme cela se serait produit si, en 1995, la faible majorité des suffrages exprimés par les Québécois avait été dans l'autre sens.

Mettons tout de suite de côté l'idée fausse selon laquelle le Canada a besoin d'un plan A ou d'un plan B pour retenir le Québec dans la Confédération, comme s'ils s'excluaient mutuellement. Le Canada a besoin d'un plan A, qui montre les avantages que procure ce beau pays à tous les habitants de toutes les provinces; il a également besoin d'un plan B, qui établit les règles fondamentales à suivre si jamais une province décide de négocier son départ.

Ce qui transcende le projet de loi C-20, c'est la reconnaissance que, dans le référendum tenu au Québec en 1995, quelque chose est allé de travers. À l'époque, on a cru à tort qu'un vote pour le OUI mènerait simplement à des négociations entre le Québec et Ottawa. On a cru à tort qu'un vote majoritaire pour le OUI servirait uniquement de grosse monnaie d'échange pour le Québec dans les futures négociations constitutionnelles canadiennes.

Ces illusions dangereuses ont passé près de créer la plus grave crise constitutionnelle de l'histoire du Canada. Nous avons découvert plus tard que, selon le gouvernement sécessionniste du Québec, le référendum devait réellement mener à une déclaration unilatérale d'indépendance. La question posée au référendum était vraiment ambiguë, tant par son libellé que par son objet. Les sondages ont montré que les Québécois se sont prononcés sans comprendre vraiment qu'il s'agissait d'une des décisions les plus importantes de leur existence.

En conséquence, il y a eu un changement radical dans l'attitude des Québécois envers leurs politiciens. Leur confiance en eux a chuté. Les fédéralistes surtout, tant anglophones et autochtones qu'allophones, ont eu l'impression que leurs droits constitutionnels n'avaient pas été défendus par leurs représentants élus. Il revient au gouvernement du Canada de défendre les droits des citoyens, en vertu des principes du fédéralisme, de la démocratie, de la Constitution et de la règle de droit, et de protéger les minorités. C'est ce qu'il fait aux termes des nouvelles lignes directrices fédérales que le projet de loi C-20 inscrirait dans la loi.

Honorables sénateurs, dans le projet de loi C-20, le gouvernement s'acquitte de sa responsabilité qui est de reconnaître les demandes visant à mettre en place un cadre législatif clair garantissant les droits constitutionnels des habitants du Québec et des autres provinces, comme la Cour suprême l'a déclaré. Ce projet de loi donnera effet à l'avis rendu par la Cour suprême sur le Renvoi sur la sécession du Québec, le 20 août 1998. La Cour suprême avait alors jugé que la sécession du Québec du Canada, légalement et constitutionnellement, devrait être fondée sur l'expression démocratique claire de la volonté des Québécois en réponse à une question claire qui leur serait posée dans le cadre d'un référendum.

Le projet de loi C-20 énonce les circonstances dans lesquelles le gouvernement fédéral pourrait être forcé d'engager des négociations sur la sécession possible d'une province canadienne. Le projet de loi n'établit pas un cadre pour la tenue d'un référendum. Il établit plutôt un cadre pour les négociations que devrait engager le gouvernement fédéral. Le projet de loi requiert des décisions politiques sur deux questions essentielles: la clarté de la question et la clarté du résultat de tout référendum.

Aucune province ne peut faire sécession unilatéralement; une modification à la Constitution serait nécessaire. Le gouvernement fédéral ne peut introduire pareille modification tant qu'une série de négociations, allant de la répartition de l'actif et du passif à la modification des frontières, des revendications territoriales des autochtones aux droits des minorités, ne soient terminées et acceptées.

(1820)

Bref, en éliminant les incertitudes, le projet de loi C-20 rend service à la population du Québec et à tous les autres Canadiens en ce sens qu'il rétablit la primauté du droit dans tout processus référendaire à venir.

Les adversaires du projet de loi prétendent qu'il est antidémocratique, qu'il garde le Québec dans une camisole de force, qu'il s'agit d'une solution légaliste à un problème foncièrement politique. Je ne partage pas leur avis. Nous devrions souscrire au principe du projet de loi C-20 parce qu'il garantit que le droit, comme il se doit, informe et façonne le débat politique - en l'occurrence l'unité du Canada.

Honorables sénateurs, il est difficile de soutenir l'argument voulant que le projet de loi empêche la population du Québec de choisir librement sa destinée. Le projet de loi n'est rien de tout cela, son principe ne s'appliquant qu'au gouvernement fédéral. Toute province peut tenir un référendum quand elle veut, sur le sujet de son choix, selon les règles qu'elle s'est donnée, mais le gouvernement fédéral ne saurait engager des négociations sur la base du résultat obtenu, sauf dans les conditions énoncées par la Cour suprême et promulguées dans le projet de loi C-20.

La seule restriction imposée dans cette mesure législative à une province sécessioniste, c'est que la sécession doit être négociée. Il est difficile d'accepter l'idée que le gouvernement fédéral agit de façon antidémocratique en insistant pour que des négociations aussi monumentales que celles-ci, si elles devaient avoir lieu, se fassent dans les limites du droit.

Ce n'est pas seulement aux séparatistes de décider des conditions du débat sur l'unité. Tous les Canadiens ont un intérêt dans l'avenir du pays. Leurs représentants à Ottawa doivent faire valoir leurs intérêts.

Honorables sénateurs, j'en viens maintenant au rôle du Sénat. Sur ce plan, le gouvernement a fait une grave erreur, une erreur que le Sénat se doit de corriger lui-même.

De la façon dont le projet de loi C-20 est formulé, en ce qui concerne la question de décider si la question est claire et si la majorité est claire, le Sénat peut seulement donner son avis à la Chambre des communes. Certes, la Chambre des communes «tiendra compte» de son avis. Toutefois, ce sera finalement la Chambre des communes qui décidera. Par conséquent, seule la Chambre des communes aura la capacité de permettre ou d'interdire légalement au gouvernement du Canada d'entamer des négociations sur la sécession d'une province.

Je ne trouve pas, en tant qu'ancien député, que ce soit une bonne idée. Restreindre une Chambre dans sa capacité de décider si la majorité est claire quand il s'agit d'une question d'une importance aussi monumentale pour le pays, c'est court-circuiter l'intérêt national. Par ailleurs, opposer une Chambre à une autre dans un système bicaméral, c'est aller à l'encontre de la Constitution en vertu de laquelle le Sénat fait partie à part entière du Parlement.

On a fait grand cas de la mention par la Cour suprême des «représentants élus» qui doivent déterminer le déroulement des négociations en cas de séparation sous le régime de la Constitution, mais la Cour suprême n'a pas exclu le Sénat d'une pleine participation à la détermination de ce qu'est la clarté, question qui doit être tranchée avant ces négociations.

En utilisant l'expression «acteurs politiques» comme synonyme de l'expression «représentants élus», le projet de loi est trop astucieux. L'obscurcissement pratiqué par les rédacteurs du projet de loi qui cherchent à prétendre que seulement la Chambre des communes devrait jouer un rôle déterminant, le Sénat étant relégué à un rôle de consultation, empoisonne la mesure législative. La structure constitutionnelle de direction du pays est affaiblie par le projet de loi, dont l'objectif est de sauver le pays. La Cour suprême veut des acteurs politiques qui possèdent l'information et les compétences pour poser des jugements appropriés. Eh bien, le Sénat est un acteur politique tirant sa légitimité de la Constitution.

Entendons-nous bien sur ce que le Sénat peut et ne peut pas faire. Au même titre que pour toute autre mesure législative, le Sénat joue un rôle déterminant dans l'évaluation des questions politiques. Déterminer si une question et un vote majoritaire sont clairs relèvera d'un jugement politique. Le Sénat doit être inextricablement mêlé à ce genre de décision politique. Toutefois, le Sénat ne peut exercer un veto permanent sur les questions constitutionnelles. Il incombe à la Chambre des communes, constituée de représentants élus, de superviser les négociations constitutionnelles concernant la sécession.

Par conséquent, faisons la distinction entre l'action nécessaire du Sénat en ce qui concerne la détermination de la clarté sur le plan politique et l'inaptitude du Sénat à opposer en permanence son veto au changement constitutionnel. Le gouvernement doit cesser de confondre la détermination juridique de la clarté et le déroulement des négociations constitutionnelles.

Le projet de loi doit être modifié afin de préciser clairement que le Sénat et la Chambre des communes sont égaux sur le plan de la détermination de la clarté. C'est la seule façon dont ce projet de loi peut être épargné avec le moindrement d'intégrité.

Je propose respectueusement que la détermination de la clarté soit confiée à un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat. Ce comité spécial, composé de représentants des deux Chambres du Parlement, rendrait la décision sur la clarté qui, bien sûr, serait transmise à la Chambre des communes et au Sénat pour ratification.

Que l'on ne nous dise pas que ce projet de loi ne peut être amendé parce que le gouvernement ne veut pas rouvrir le débat à la Chambre des communes. Que l'on ne nous dise pas que les sénateurs qui ont des inquiétudes réelles fondées sur leur expérience et leur expertise ne pourront les exprimer et se prononcer sur celles-ci. Que l'on ne nous dise pas que les leaders du gouvernement au Sénat sont indifférents à cette lacune du projet de loi C-20, une lacune si grave qu'elle ouvrira la porte à une diminution continue du rôle du Sénat.

Afin de donner à ce projet de loi toute l'attention qu'une mesure législative aussi extraordinaire exige, je propose aussi que, après la deuxième lecture, le projet de loi soit renvoyé au comité plénier du Sénat pour qu'il entende des témoins et fasse rapport. Au comité plénier, tous les sénateurs auront l'occasion d'évaluer ensemble le projet de loi C-20. Ce geste ferait ressortir le fait que le Sénat du Canada a un rôle important et indispensable à jouer dans la prise des décisions qui touchent directement l'avenir du Canada.

J'ai partagé avec les sénateurs les espoirs et les craintes que le projet de loi C-20 a fait naître chez moi. Je ne recule pas devant le devoir que j'ai, en tant que sénateur, d'aider à rendre plus clair tout référendum futur sur la sécession. Je ne recule pas non plus devant le devoir que j'ai de respecter le rôle constitutionnel du Sénat. Nous devons rapprocher nos processus politiques au Canada et, pour ce faire, toutes les composantes du Parlement du Canada doivent travailler ensemble.

Le besoin de clarté est primordial. Les conséquences de l'incertitude persistante quant au statut du Québec advenant une victoire du oui dans tout référendum futur ont beaucoup nui à la province et au Canada tout entier. L'incertitude politique a entraîné un déclin économique, un ralentissement des investissements, le déplacement de nombreuses entreprises et le fractionnement des familles.

Le chroniqueur québécois Alain Dubuc a insisté sur le fait qu'on devait profiter du début du XXIe siècle pour «tourner la page» et changer les priorités et les traditions politiques dans la province. Il a dit qu'il fallait ouvrir un nouveau chapitre dans l'histoire du Québec pour se libérer du cercle vicieux des querelles fédérales-provinciales et des tiraillements constitutionnels.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Roche, je regrette mais je dois vous informer que vos 15 minutes sont écoulées.

Le sénateur Roche: J'en suis à la dernière page de mon discours, honorables sénateurs.

Le sénateur Hays: Puis-je demander au sénateur Roche de combien de temps il pense avoir besoin encore?

Le sénateur Kinsella: Il vient de nous dire qu'il lui reste une page.

Son Honneur le Président: Le sénateur Roche nous a dit qu'il en était à sa dernière page.

La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Roche: Alain Dubuc a dit qu'il fallait ouvrir un nouveau chapitre dans l'histoire du Québec pour se libérer du cercle vicieux des querelles fédérales-provinciales et des tiraillements constitutionnels. Je veux que ce sentiment se répande dans tout le pays. Un Canada uni, avec ses précieuses ressources naturelles et physiques, sera idéalement placé pour travailler à l'édification d'un monde humanitaire, juste et pacifique.

[Français]

(1830)

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, étant donné l'importance de ce projet de loi, je voudrais vous faire part des quelques éléments de réflexion assez simples que m'inspire cette législation.

Je conviens volontiers que le gouvernement canadien puisse et même doive exprimer son opinion sur la clarté de la question référendaire et sur la majorité requise. Il peut aussi déterminer la façon dont il va le faire avec la Chambre des communes et le Sénat. J'espère que le gouvernement est conscient du fait que le Sénat doit être autre chose qu'un groupe de pression en ce qui a trait à une question aussi importante.

Cette démarche inacceptable du gouvernement canadien trompe la population canadienne. Plusieurs sénateurs se sont exprimés dans le même sens. Ce projet de loi donnerait la garantie aux Canadiens et aux Québécois que le prochain référendum porterait nécessairement et exclusivement sur la sécession ou la constitution d'un Québec indépendant.

Tout le monde doit bien comprendre que peu importe l'existence ou non de ce projet de loi, qu'on le veuille ou non, qu'on l'adopte ou non, s'il y a un prochain référendum au Québec - et je ne le souhaite pas - il portera sur l'article 1 du programme du Parti québécois, qui porte sur la souveraineté du Québec assortie d'une association et d'un partenariat avec le Canada.

Or, ce projet de loi dit aux Canadiens qu'il ne peut être question de partenariat parce que la question ne serait pas claire. Les Canadiens, les Québécois, le Parlement du Canada, le Sénat et toute la population devront faire face à cette réalité malgré l'adoption éventuelle du projet de loi. S'il y a un référendum à un moment donné, il portera là-dessus.

Que se passera-t-il dans l'opinion publique canadienne? Les Canadiens ont reçu du gouvernement le message que le projet de loi C-20 n'était pas compliqué et que, s'il y a un prochain référendum, il ne portera que sur la séparation. Les Canadiens répondront: «M. Chrétien nous a dit que, s'il y avait un référendum, il porterait sur la séparation. Il y a un référendum, mais il porte sur le programme du Parti québécois; M. Chrétien nous a trompés.» Vous devriez réfléchir à la crédibilité que les Canadiens accorderont au premier ministre du Canada, qui les aura induits en erreur.

Un membre de cette Chambre peut-il me garantir que la question résultant de ce projet de loi pourrait être: «Voulez-vous, oui ou non, que le Québec devienne un pays indépendant?» Si oui, je voterai en faveur de ce projet de loi. Cependant, vous êtes incapables de fournir cet élément de preuve. Pourtant, les Canadiens ont compris cela, et on peut le voir dans les sondages.

C'est la politique constitutionnelle du gouvernement canadien actuel à ce sujet, et elle n'a pas de sens. Vous devriez réfléchir à ce que le premier ministre a dit à l'ensemble des Canadiens avant le référendum de 1995: il n'y avait plus aucun problème, on ne parlerait plus de Constitution. Vous vous rappellerez ce qu'il avait dit lors de la campagne électorale de 1993. Les Canadiens l'ont cru parce que le premier ministre du Canada est un homme de bonne foi. Ils ont voté pour lui et ils se sont retrouvés avec un référendum à quasi-égalité! Le même premier ministre leur dit qu'il a un projet historique qui indiquera que la prochaine question sera claire et portera sur l'indépendance. C'est faux, le prochain référendum portera sur le programme du Parti québécois. Personne, au Sénat ou à la Chambre des communes, ne peut me dire qu'il y a un Québécois qui va accepter que Jean Chrétien ou Stéphane Dion réécrive l'article 1 du programme du Parti québécois. Oubliez cela, cela ne se fera pas! Cette expression même de la politique du gouvernement canadien à l'égard du problème de l'unité nationale me met en rogne. Ce problème grave n'est pas le fait de trois ou quatre farfelus, de Lucien Bouchard ou de Jacques Parizeau, mais celui de deux ou trois millions de Québécois votant pour la souveraineté sur une question qui, paraît-il, n'est pas claire. Ils ne font pas cela accidentellement parce qu'ils n'auraient pas compris la question. Ces mêmes deux ou trois millions de Québécois élisent un gouvernement séparatiste et ils l'ont fait à quelques reprises. Pourquoi? Parce que l'enjeu électoral ne serait pas clair?

Le problème de l'unité nationale posé par la présence des souverainistes au Québec n'a rien à voir avec la clarté de la question. On peut faire tous les procès d'intention et tenter de savoir pourquoi ce projet de loi aussi artificiel et inutile a été proposé avant le congrès du Parti libéral du Canada, alors que le leadership du premier ministre était contesté.

Je suis assez indifférent au fait que bien des Québécois font ressortir le fait que ce projet de loi empiète sur les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Je crois que non, parce que l'Assemblée nationale peut continuer à faire librement ce qu'elle veut. D'ailleurs, le ministre Dion l'a dit, et je pense qu'il a raison. Les souverainistes poseront une question sur la souveraineté-association et la souveraineté-partenariat, soyez-en sûrs.

M. Dion est ministre des Affaires intergouvernementales, et il est très sympathique, très académique et très intéressant. Cependant, la seule chose qu'il fait, du point de vue du Québec, c'est qu'il pourchasse les péquistes. C'est sa politique, il réplique aux péquistes. C'est intéressant et toujours très bien documenté, mais cela ne fait pas avancer la cause du fédéralisme au Québec.

Au Canada, d'un point de vue historique, ce n'est pas un problème que l'on va régler de sitôt. Tous les premiers ministres, de Macdonald à Laurier, ont toujours parlé d'unité nationale. Il est difficile de maintenir l'unité nationale au Canada: ce pays a une histoire, deux peuples, deux nations, les nations autochtones, et c'est un pays qui est géographiquement très grand. Ce sera une donnée constante de la réalité canadienne. Pour unifier ce pays, il faut de l'écoute, de la compréhension, de l'ouverture, de la générosité envers toutes les régions et toutes les nations qui composent le Canada.

(1840)

Ce ne sont pas des interdictions éphémères et aussi inutiles que ce projet de loi qui favoriseront l'unité canadienne. Regardez les gestes posés par les derniers premiers ministres quand le problème a commencé à se poser. M. Pearson a créé la commission Laurendeau-Dunton. Il a convoqué la conférence Canada Tomorrow. Il a fait adopter le drapeau canadien. Il a suivi une politique sur l'unité nationale. M. Trudeau, pour convaincre les Québécois et les francophones qu'ils avaient leur place, a fait des réformes dans la fonction publique. Il a dit aux Québécois qu'ils pouvaient jouer un rôle important dans les décisions de ce pays, un rôle à la mesure de l'importance qu'ils avaient. M. Mulroney a donné aux Acadiens et aux Québécois, dans le cadre de la mondialisation, les coudées franches dans le domaine de la Francophonie internationale. C'était une solidarité nécessaire. Il a proposé l'Accord du lac Meech, qui a été déterminant. Ceux qui l'ont sabordé ont commis une erreur historique et catastrophique. Ils ne sont pas de ce côté de la Chambre.

Peu importe si ces politiques n'ont pas complètement réglé le problème de l'unité canadienne. C'est un problème quasi permanent dans la structure même du pays. Ces premiers ministres, quoi que l'on en pense, avaient une politique d'unité nationale. Je ne veux pas dire que le premier ministre n'est pas convaincu de l'importance de l'unité nationale, car c'est sa passion. Je le respecte éminemment à ce sujet. Cependant, sa politique n'est pas à la hauteur de ses convictions et des gadgets qui, comme ce projet de loi inutile, vont tromper la population canadienne. Il va lui donner des garanties qu'il ne sera pas en mesure de livrer. Cela aura un effet boomerang sur sa crédibilité et sur celle du gouvernement canadien.

Les modalités d'application de ce projet de loi ne sont pas géniales. La question portera sur la souveraineté-association. Est-ce que les ministres fédéraux, comme je le disais au porte-parole du gouvernement, vont participer à la campagne référendaire? Les partis politiques fédéraux, dont font partie des Québécois, vont-ils participer? Non, parce que leur Parlement aura décidé que la question n'est pas claire et que ce n'est pas convenable à l'égard de la loi qu'il aura adoptée. Vous affaiblissez ainsi les forces fédéralistes au Québec.

Ensuite, le gouvernement va dire qu'il ne négociera pas, qu'il fermera les livres. Supposons que la question porte sur la souveraineté-association, comme ce sera le cas, c'est un fait, que vous le vouliez ou non, et que 60 p. 100 ou 65 p. 100 des Québécois votent en sa faveur. Vous direz que la question n'est pas claire, que vous ne négocierez pas et que c'est terminé. Très bien, c'est ce que dit le projet de loi. Qu'avez-vous réglé? Les trois ou quatre millions de personnes qui auront voté vont demeurer au même endroit. Vous ne pourrez pas les disperser avec du poivre de cayenne!

Je réprouve profondément ce projet de loi, qui paraît s'inscrire dans la sauvegarde de l'unité nationale. Je ne veux pas que ce projet de loi soit appliqué. Je ne veux pas de référendum, comme tout le monde au Sénat. Mais si on est obligé de l'appliquer, il va créer des problèmes destructeurs pour l'unité nationale. Il aura l'effet contraire. Aujourd'hui, personne n'a cure de ce projet de loi. Il ne soulève pas la passion des foules. C'est encore la preuve que l'effet de ce projet de loi sera mauvais au moment de son application. Personne ne s'intéresse à ce projet de loi au Québec et dans le reste du Canada. Il arrive inopinément.

Si le Parti québécois tenait un référendum, c'est comme si ce projet de loi n'avait pas existé. Il y aura un référendum. Personne ne le souhaite. Il portera sur la souveraineté-association. On prétendra qu'il est confus et que la question n'est pas claire. Bien sûr, on peut exprimer cet avis. Ce projet de loi ne nous aide en aucune façon. Il ne fera pas changer un vote du OUI vers le NON. Il ne changera strictement rien. Cela aura beau être écrit dans le projet de loi, le Parlement du Canada aura beau dire que la question n'est pas claire, le Parti québécois dira qu'il fera la souveraineté et ensuite, l'association. Il gardera exactement le même discours. Ce projet de loi ne modifie en rien le discours du Parti québécois. L'impact sur l'électeur sera exactement le même, la compréhension des enjeux par les électeurs sera la même. Les électeurs vont écouter les discours et la publicité à la télévision, tout ce qui fait un débat démocratique. Le Parti québécois vendra sa salade et on va se retrouver encore gros Jean comme devant. C'est un projet de loi inutile.

Je vais voter contre ce projet de loi, qui trompe l'opinion publique canadienne et, ce qui est plus dommageable encore, qui induit les Canadiens en erreur. Ce n'est sans doute pas volontaire, mais c'est un fait. Le premier ministre du Canada a dit, au congrès du Parti libéral, que c'était le projet de loi le plus important de sa carrière car ainsi, il était certain que l'on aurait une question claire. Ce n'est pas vrai. La question sera celle que le Parti québécois aura décidée, peu importe ce projet de loi, qui trompe les Canadiens.

Une institution comme le Sénat devrait être en mesure de dire à l'ensemble des Canadiens que ce projet de loi est une erreur: personne ne peut me contredire à ce sujet. Si j'ai raison, les sénateurs conscients de leurs responsabilités devraient dire au gouvernement et à l'ensemble des Canadiens de faire attention, car ce projet de loi n'atteindra pas les objectifs qu'il vise. Ce projet de loi passe à côté de la question de fond, soit les rapports entre les sociétés québécoise et canadienne. Il n'apporte strictement rien, sauf du «chamaillage» entre les péquistes et le ministre des Affaires intergouvernementales.

En tant que sénateur québécois et canadien, je vais voter contre ce projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Robichaud (L'Acadie-Acadia), le débat est ajourné.)

[Traduction]

(1850)

La Loi sur le divorce

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Chalifoux, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-12, Loi modifiant la Loi sur le divorce (enfant à charge).-(L'honorable sénateur Cools).

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'interviens pour parler du projet de loi S-12, Loi modifiant la Loi sur le divorce. Ce projet de loi porte sur l'obligation juridique que la Loi sur le divorce impose aux parents divorcés de subvenir aux besoins de leurs enfants majeurs qui sont, en fait, considérés comme des adultes aux termes de la loi. Le projet de loi S-12 va se pencher sur la catégorie de personnes qu'on appelle maintenant, de façon tout à fait inappropriée, des enfants adultes. Le terme «enfants adultes» est une notion juridique schizoïde qui n'est possible qu'en droit familial.

Honorables sénateurs, je dédie mon projet de loi à notre collègue à la retraite, le sénateur Duncan Jessiman, qui a lutté pour la cause des enfants d'un divorce et pour qu'on parvienne à un certain équilibre et à une certaine équité dans la législation sur le divorce.

En 1997, dans le cadre du projet de loi C-41, qui a donné lieu à la célèbre lutte du Sénat relativement à la Loi sur le divorce, on a dit que les sénateurs Jessiman et moi-même étions une multitude. Au Sénat, nous avons amendé le projet de loi C-41 pour essayer d'éviter une bonne partie des terribles problèmes sociaux et familiaux causés par les lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants ainsi que par la notion juridique répréhensible et fausse que représente l'expression «enfants adultes». Cette expression appelle sa propre condamnation juridique. Le projet de loi S-12 va supprimer le mot «notamment» dans la définition de la Loi sur le divorce d'un «enfant à charge». C'est le mot qui a troublé le sénateur Jessiman et que les juges ont utilisé à l'encontre des intentions du Parlement. Cette suppression va clarifier les obligations économiques aux termes de la loi des époux divorcés à l'égard de leurs descendants et, plus particulièrement, elle va clarifier les relations économiques entre les conjoints divorcés relativement à leurs descendants adultes aux termes de la Loi sur le divorce.

Honorables sénateurs, je devrais vous faire l'historique des interventions du sénateur Jessiman, d'autres sénateurs et de moi-même en 1997 relativement à ce projet de loi vraiment imparfait qu'était le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada.

Le projet de loi C-41 avait pour objet de modifier la Loi de 1986 sur le divorce dont l'objet premier était de mettre en place des lignes directrices en matière de pension alimentaire pour enfants à charge. Une réglementation a été élaborée, ce qu'il est convenu d'appeler «législation par délégation». L'article 11 du projet de loi C-41 a engendré le paragraphe 26.1 de l'actuelle Loi sur le divorce, laquelle a donné lieu à la mise en place d'une réglementation afférente, composée d'une série de tableaux indiquant des montants à verser, pour guider les tribunaux et les magistrats.

Cette réglementation a été appelée «Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants». Cette méthode retenue pour donner des instructions aux magistrats, par voie de réglementation, de législation par délégation, était sans précédent et non parlementaire et était tout aussi contestable à l'époque qu'elle l'est aujourd'hui. Ces lignes directrices ont permis de mettre en place dans le droit familial un nouveau régime juridique et financier concernant les pensions alimentaires. Des montants ont été calculés sans tenir compte des revenus du conjoint ayant la garde, des femmes dans la plupart des cas, et devaient être déterminés en fonction des revenus du conjoint n'ayant pas la garde et versés par ce dernier, des hommes dans la plupart des cas.

Pour ce faire, le projet de loi C-41, à l'article 2 et au paragraphe 5(5), a proposé, en vain par la faute du Sénat, d'abroger ces dispositions de la Loi de 1986 sur le divorce, à savoir les paragraphes 15(8) et 17(8), qui reconnaissaient aux enfants à charge de conjoints divorcés le droit à une pension alimentaire versée par les deux parents, aussi bien la mère que le père, en fonction de leurs moyens. Ces dispositions étaient importantes, non seulement aux fins de la Loi sur le divorce, mais aussi du fait qu'il n'existe que deux lois fédérales reconnaissant aux enfants le droit à pension.

Les dispositions proposées mais rejetées, le paragraphe 15(8) et son semblable, le paragraphe 17(8), se lisaient ainsi:

L'ordonnance alimentaire pour enfant à charge rendue en vertu du présent article devrait:

a) tenir compte de l'obligation financière commune des époux de subvenir aux besoins de l'enfant;

b) répartir cette obligation entre eux en proportion de leurs ressources.

Je le répète, le projet de loi C-41 aurait fait table rase de l'obligation commune faite aux époux de subvenir aux besoins matériels de leurs enfants, et aurait instauré en lieu et place un régime imposant le fardeau de cette obligation à un seul des parents, celui n'ayant pas reçu la garde de l'enfant, le père dans la plupart des cas.

Honorables sénateurs, ces dispositions de la Loi sur le divorce visaient à établir l'égalité des conjoints et à garantir l'indépendance et l'autonomie financière des femmes. Elles faisaient partie des réformes apportées au droit familial vers la fin des années 1970, le début des années 1980, en vertu desquelles le mariage et le divorce devaient être fondés sur l'égalité des époux sur le plan de leur actif, de leur passif et des enfants.

Le projet de loi C-41 rejetait l'égalité entre les hommes et les femmes et créait les lignes directrices en annulant l'obligation des deux parents, père et mère, de subvenir aux besoins financiers de leurs enfants. Dans cette mesure régressive, on proposait que le paiement d'une pension alimentaire soit la responsabilité du parent n'ayant pas la garde, le parent payeur, généralement le père.

Je me rappelle très bien la détresse du sénateur Jessiman, en tant qu'avocat et sénateur, lorsque je lui ai appris cela. Ce qui est intéressant, également, c'est le fait que le projet de loi C-41 omettait, et non par hasard, d'aborder la question de la relation entre le parent n'ayant pas la garde, le parent payeur, généralement le père, avec ses enfants. Il laissait intentionnellement de côté la question de la garde et de l'accès.

Le sénateur Jessiman et moi avons estimé que le projet de loi C-41 et ses lignes directrices sur la pension alimentaire pour enfants présentaient d'énormes imperfections. Nous avons confirmé la nécessité d'une équité et d'un équilibre dans la loi sur le divorce et la famille. La plupart des Canadiens lui doivent beaucoup ainsi qu'aux sénateurs qui nous ont appuyés. L'appui du public pour le Sénat dans ces actions a été inégalé, auparavant et par la suite.

Honorables sénateurs, j'affirme que le modèle économétrique sur lequel reposaient les lignes directrices en matière de pension alimentaire faisait disparaître, spécifiquement et délibérément, l'équité et le centrage sur l'enfant. Le projet de loi C-41 était une tentative flagrante d'élever le niveau des paiements faits par les parents payeurs, généralement les pères, pour subvenir aux besoins des parents receveurs, généralement les mères.

Les lignes directrices du projet de loi C-41 concernant la pension alimentaire pour enfants ont été construites à partir d'un modèle économétrique de Statistique Canada que le ministère lui-même a par la suite décrit comme étant arbitraire et inadéquat, dans sa publication d'août 1999 intitulée «Les mesures de faibles revenus, les faibles revenus après impôt et les mesures de faibles revenus après impôt».

Le modèle de dépenses lui-même était inadéquat. Au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, ni le ministre libéral de la Justice de l'époque, Allan Rock, ni les fonctionnaires de son ministère n'ont fourni suffisamment d'informations, d'explications et de justifications sur le modèle lui-même.

Les preuves montrent que les lignes directrices en matière de pension alimentaire pour enfants n'ont jamais consisté à servir les meilleurs intérêts des enfants, mais consistaient en un transfert de richesses des parents payant une pension alimentaire, généralement les pères, aux parents recevant une pension alimentaire, généralement les mères, sous la forme d'une pension alimentaire pour enfants.

Les lignes directrices en matière de pension alimentaire pour enfants utilisaient un modèle destiné à punir les parents payant une pension alimentaire et à faire sortir les parents n'ayant pas la garde, généralement les pères, de la vie de leurs enfants, qui renforçait la cassure des relations entre les enfants et les parents divorcés.

Les lignes directrices en matière de pensions alimentaires pour enfants constituaient une mauvaise politique économique, une mauvaise politique gouvernementale et une mauvaise application du droit de la famille. Qu'une théorie idéologique purement féministe sur les relations hommes-femmes soit intégrée dans une loi, la Loi sur le divorce, sous le couvert et le titre de pensions alimentaires pour enfants, est une question sérieuse qui mérite d'être étudiée.

Honorables sénateurs, avant que le Sénat n'examine le projet de loi C-41, un professeur de droit de l'Université Queen's, Nicholas Bala, a écrit en 1996 un article sur les lignes directrices intitulé «Ottawa's New Child Support Regime: A Guide to the Guidelines». À la page 311, il écrit:

L'un des aspects les plus controversés des lignes directrices est que le montant de la pension alimentaire est évalué en fonction uniquement du revenu du payeur... En se basant seulement sur le revenu du payeur et en faisant abstraction de celui du parent qui a la garde de l'enfant, il semble qu'on va à l'encontre de l'objectif visé, c'est-à-dire que l'enfant bénéficie des moyens financiers des deux parents.

Une bonne politique gouvernementale et les intérêts de l'enfant auraient exigé que le ministère utilise un modèle économétrique qui tient compte des revenus du père et de la mère et de la taille du foyer. Le ministère aurait dû utiliser un modèle fondé sur la proportion des revenus.

Comme les sénateurs le savent, nous avons amendé l'article 11 du projet de loi C-41 et réintégré dans la Loi sur le divorce cet important principe que le projet de loi proposait de supprimer, c'est-à-dire qu'un enfant d'un couple divorcé a droit au soutien financier de sa mère et de son père.

Le résultat de cet amendement est que la disposition actuelle de la Loi sur le divorce qui établit les lignes directrices, le paragraphe 26.1(2), va maintenant comme suit:

Les lignes directrices doivent être fondées sur le principe que l'obligation financière de subvenir aux besoins des enfants à charge est commune aux époux et qu'elle est répartie entre eux selon leurs ressources respectives permettant de remplir cette obligation.

(1900)

Honorables sénateurs, les enfants sont de petites personnes qui ont besoin du soutien financier de leurs deux parents. Les parents doivent entretenir des liens véritables avec leurs enfants et jouer un rôle vraiment utile dans leur vie.

Je vais maintenant parler du projet de loi S-12, qui concerne les enfants à charge majeurs, une question à laquelle le sénateur Jessiman porte un grand intérêt. La question porte sur l'âge légal jusqu'auquel les parents sont obligés, de par la loi, notamment la Loi sur le divorce, de soutenir financièrement leurs enfants. Entre 1968 et 1997, cet âge était de 16 ans. En 1997, le projet de loi C-41 a porté l'âge légal de 16 ans à l'âge de la majorité pour la plupart des enfants à charge, et au-delà de l'âge de la majorité pour les enfants malades et handicapés. Le projet de loi contenait également une proposition, qui n'a cependant pas été adoptée, concernant le soutien des enfants à charge majeurs qui effectuaient des études. Je signale en passant qu'en vertu de la Loi sur le divorce, l'âge de la majorité est l'âge fixé par les lois de la province où l'enfant réside ordinairement. S'il réside à l'extérieur du Canada, cet âge est de 18 ans.

Honorables sénateurs, le soutien ou l'entretien d'enfants à charge majeurs mérite discussion. Beaucoup parmi nous croient qu'après que les enfants atteignent l'âge de la majorité, les parents qui ont des ressources ont l'obligation morale, mais non légale de pourvoir aux besoins de leurs enfants majeurs qui vivent dans le besoin ou qui sont en difficulté. Par ailleurs, les enfants majeurs nécessiteux, qui sont mentalement et physiquement aptes, ont l'obligation morale de négocier l'aide financière dont ils ont besoin avec leurs parents dans un esprit de coopération ou à tout le moins sans hostilité.

Ces négociations, ce soutien mutuel constituent un élément important de la plupart des familles, et à juste titre, puisque le rôle des familles est d'assurer un soutien à ses membres qui en ont besoin. Le soutien réciproque, les relations réciproques et la coopération constituent l'essence des rapports entre membres adultes d'une famille, en particulier en ce qui a trait aux aspects financiers et économiques. Les questions financières qui surviennent dans les relations entre personnes adultes et aptes sont normalement réglées par un accord réciproque. L'accord réciproque est la règle naturelle qui régit l'échange d'argent et les relations économiques entre les êtres humains. C'est particulièrement vrai dans le cas des familles. L'échange d'argent et l'aide financière entre membres adultes d'une famille est toujours une question délicate, surtout dans les familles dont les parents sont divorcés.

Ces échanges financiers au sein des familles sont très dépendants des facteurs humains et des besoins humains particuliers, notamment les considérations et interactions humaines et le dialogue humain. L'échange financier est une fonction des rapports entre humains.

Examinons ce que dit la Loi sur le divorce au sujet des enfants adultes de parents divorcés, adultes qui sont issus du mariage, et de leur relation pécuniaire avec leurs parents divorcés.

Honorables sénateurs, j'ai expliqué l'évolution de la définition juridique du terme «enfant à charge» de 1968 à aujourd'hui aux fins de l'ordonnance de soutien alimentaire du tribunal. Comme la loi de 1968, la Loi sur le divorce de 1986, au paragraphe 2(1), définit le terme «enfant à charge» de la façon suivante:

Enfant des deux époux ou ex-époux qui, à l'époque considérée, se trouve dans une des situations suivantes:

a) il est âgé de moins de seize ans;

b) il est âgé de seize ans ou plus et est à leur charge, mais ne peut, à cause de maladie ou d'invalidité ou pour une autre cause, cesser d'être à leur charge ou se procurer de lui-même les nécessités de la vie.

La définition d'enfant à charge du projet de loi C-41 a fait passer l'âge légal pour le soutien parental de 16 ans à l'âge de la majorité et a proposé de l'élargir de façon artificielle pour qu'il aille au-delà de l'âge de la majorité pour comprendre les étudiants universitaires. Il l'a fait en incluant les mots «ou parce qu'il poursuit des études raisonnables» après les mots «pour cause notamment de maladie ou d'invalidité», mettant dans le même bain les études universitaires et une grave invalidité incontrôlable, proposant ainsi de redéfinir l'enfant adulte poursuivant des études universitaires comme étant un enfant à charge.

Le paragraphe 1(2) du projet de loi C-41 donne la définition suivante d'un enfant à charge:

a) il n'est pas majeur et est à leur charge;

b) il est majeur et est à leur charge, sans pouvoir, pour cause notamment de maladie ou d'invalidité, ou parce qu'il poursuit des études raisonnables, cesser d'être à leur charge ou subvenir à ses propres besoins.

Le Sénat a amendé le projet de loi C-41 en supprimant les mots «ou parce qu'il poursuit des études raisonnables», de sorte que le paragraphe 2(1) de la Loi sur le divorce se lit exactement de la même façon que dans le projet de loi C-41, ces mots-là en moins.

Honorables sénateurs, le 13 février 1997, à la troisième lecture du projet de loi C-41, le sénateur Jessiman a expliqué la suppression des mots «ou parce qu'il poursuit des études raisonnables» de la définition d'enfant à charge. Il a également expliqué le problème de l'interprétation des mots «pour une autre cause» par les tribunaux, en disant, à la page 1539 des Débats du Sénat:

Une autre partie du projet de loi qui ne nous satisfaisait pas concernait une proposition de modification à la Loi sur le divorce visant à codifier ce que les tribunaux ont déterminé comme étant la loi actuelle [...] c'est-à-dire le fait que la poursuite d'études raisonnables est, dans certains cas, une raison permettant d'obliger un époux divorcé et qui n'a pas la garde de l'enfant à continuer de verser une pension alimentaire pour l'enfant même si celui-ci est majeur et qu'il peut parfois être à la fin de la vingtaine.

Le sénateur Jessiman nous a dit que les juges avaient utilisé les termes «ou toute autre cause» pour créer une obligation parentale de verser une pension alimentaire à un ex-conjoint pour un enfant adulte qui étudie à l'université. Il a continué en disant:

Ce sont les mots «toute autre cause» qui, selon les tribunaux, permettent cette interprétation, celle selon laquelle la poursuite d'études raisonnables s'inscrit dans ces autres causes. Les tribunaux ont soutenu que la règle ejusdim generis ou du même genre ne s'applique pas parce que les mots «maladie et invalidité» ont une portée globale et que «toute autre cause» serait redondant et n'aurait aucun sens si les tribunaux appliquaient la règle. Les tribunaux ont établi que le Parlement avait certainement l'intention de donner un sens à ces mots.

Les sénateurs siégeant de ce côté-ci du Sénat étaient d'avis que les tribunaux étaient ou ont été dans l'erreur.

Honorables sénateurs, le sénateur Jessiman a clairement démontré que l'interprétation des tribunaux était fausse parce que cela signifierait que l'enfant d'un couple divorcé aurait davantage de droits que celui d'un couple non divorcé. Cette question fondamentale a été posée par les juges Tallis, Cameron et Gerwing dans la cause Bradley c. Zaba entendue en 1996 par la Cour d'appel de la Saskatchewan. Ils ont dit au paragraphe 10, du volume 1, quatrième série des Reports of Family Law:

Il faut également se demander si l'enfant aurait raisonnablement pu s'attendre à ce que ses parents, ou l'un d'entre eux, auraient continué à lui offrir une aide s'ils n'avaient pas divorcé.

Le point important ici a trait au processus par lequel les parents divorcés ont acquis une obligation statutaire que les parents non divorcés n'ont pas, et par conséquent, au processus qui a permis aux enfants de parents divorcés d'obtenir davantage de droits face à l'instruction universitaire que les enfants de familles intactes. Il porte sur la différence entre des obligations légales et des obligations morales et sur la façon dont les tribunaux ont transformé l'obligation morale des parents divorcés de fournir une aide financière à leurs enfants adultes pendant leurs études universitaires en une obligation légale par l'utilisation des mots «ou toute autre cause». Le sénateur Jessiman nous a dit que ces obligations et responsabilités n'existent que pour les parents divorcés et non pour ceux dont la famille est intacte.

Honorables sénateurs, si on examine la Loi de l'impôt sur le revenu et le traitement qu'elle réserve aux pensions alimentaires ainsi que le projet de loi C-93 de 1997 modifiant cette loi, on se rend compte de la vraie nature des pensions alimentaires pour enfant dans le cas d'adultes - pensions versées par le parent n'ayant pas la garde à celui qui l'a aux termes de la définition législative des enfants adultes comme étant des enfants du mariage à la charge du parent qui a la garde.

(1910)

Le titre long du projet de loi C-93 était le suivant: Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu et une loi liée à la Loi de l'impôt sur le revenu. Ce projet de loi allait de pair avec le projet de loi C-41. De 1942 jusqu'à 1997, la Loi de l'impôt sur le revenu a traité les pensions alimentaires pour enfant, accordées après un divorce ou en vertu d'ordonnances des tribunaux, comme une déduction fiscale pour le parent qui les versait. Cela permettait de payer l'impôt au taux réduit de celui qui avait les revenus les moins élevés. On cherchait par là à aider les femmes, car elles recevaient l'argent de leur ex-mari et pouvaient payer peu d'impôt ou en tout cas un impôt moins élevé. Cela avantageait donc les femmes et maximisait les pensions pour les enfants. Les familles divorcées, et surtout les femmes, pouvaient garder une plus grande partie de leur argent.

En 1997, le projet de loi C-97, inspiré de la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 1995 dans l'affaire opposant la reine à Thibodeau, a modifié la Loi de l'impôt sur le revenu pour mettre fin à ce régime. Il en est résulté de nouvelles recettes fiscales pour l'État et une perte pour les familles divorcées, et surtout pour les femmes à faible revenu. Le 12 décembre 1996, le ministre de la Justice d'alors, M. Rock, a dit au comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, que ces nouvelles recettes fiscales s'élèveraient à environ 1 milliard de dollars sur les cinq années suivantes.

Honorables sénateurs, de 1942 à 1997, le seul intérêt pour le parent qui n'a pas la garde de verser, par une entente, au parent qui a la garde une pension alimentaire pour un enfant adulte à l'université a été ce traitement fiscal avantageux. En vertu de la Loi sur le divorce, à propos du soutien financier pour un enfant adulte à l'université, le problème principal a toujours été de savoir qui devrait recevoir cet argent, le parent qui a la garde ou l'enfant adulte. La plupart des enfants adultes veulent que cet argent leur soit versé directement. La plupart des parents qui n'ont pas la garde veulent verser cet argent directement à leur enfant. Le seul intérêt depuis 1942 pour les parents payeurs, surtout des pères, de verser aux parents receveurs, surtout des mères, une pension alimentaire pour l'enfant adulte à l'université plutôt que directement à ce dernier, résidait dans le traitement fiscal de ces paiements.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-93 a éliminé ce traitement fiscal, la déduction d'impôt. Elle a supprimé la seule raison, le seul incitatif qui ait jamais existé pour un conjoint divorcé de verser à son ex-conjoint une pension alimentaire pour un enfant adulte qui faisait des études postsecondaires. Le projet de loi C-93 a eu pour conséquence de faire émerger les véritables intérêts de l'enfant adulte et les désirs des parents qui n'ont pas la garde. Ces intérêts et ces désirs auraient dû l'emporter pour permettre à l'enfant adulte de devenir le bénéficiaire direct de cet argent pour son entretien et ses études de la part du parent qui n'a pas la garde, surtout des pères. De plus, les contributions faites à ce même enfant adulte par le parent qui en a la garde, surtout des mères, pouvaient être identifiées clairement. Il n'en a pas été ainsi, cependant. Cette conséquence naturelle, légale, économique et familiale, c'est-à-dire le versement direct, la plupart du temps par un père, à son enfant adulte, ne s'est pas produite. En fait, ce résultat naturel a été bloqué volontairement par le projet de loi C-41. Le résultat naturel a été empêché et à sa place, le projet de loi C-41, au moyen de la définition de «enfant à charge» qu'elle faisait entrer dans la Loi sur le divorce, a réussi à obliger ce parent, surtout des pères, à subordonner les intérêts financiers de son enfant adulte à l'université aux intérêts financiers de son ex-conjoint. Elle a de ce fait donné aux ex-conjoints un intérêt financier nouveau et plus grand qu'il n'en donnait à l'enfant adulte. Le détournement délibéré de cet argent, de cette pension alimentaire de l'enfant adulte à l'ex-conjoint, révèle la véritable nature du projet de loi C-41. Il montre clairement que la prétendue pension alimentaire pour enfant adulte est en réalité une pension alimentaire pour l'ex-conjoint. Les besoins financiers de l'enfant adulte ont été et sont subordonnés et secondaires aux intérêts financiers premiers de l'ex-conjoint. Voilà ce que le projet de loi C-41 de 1997 a fait en proposant d'insérer «il poursuit des études raisonnables» dans la définition de «enfant à charge», et en définissant «enfant adulte» par «enfant encore à la charge du parent qui en a la garde». Imaginez un parent ayant à sa charge un jeune homme ou une jeune femme de 25 ans sains de corps et d'esprit.

Honorables sénateurs, l'avantage financier réel pour l'enfant adulte est souvent minime car, comme on le sait trop bien, rien ne garantit au parent qui paie que l'enfant adulte profitera de l'argent versé et, comme c'est trop souvent le cas, le parent qui paie ne sait pas quelle institution fréquente l'enfant ou à quels cours il est inscrit. Dans la plupart des cas, le parent exerce peu ou pas d'influence sur le choix de l'université ou des cours. Il n'existe aucune obligation de rendre des comptes. Pour corriger la situation, le parent qui paie, le plus souvent le père, se trouve dans la situation ridicule où il essaie de faire modifier les règles de la garde en demandant une nouvelle ordonnance de garde. Imaginez-vous, honorables sénateurs, un parent n'ayant pas la garde de son enfant qui se présente devant le tribunal pour faire modifier l'ordonnance de garde d'un enfant de 25 ans confié à sa mère. Cette situation est encore plus ridicule que celle du parent qui a effectivement la garde de ce jeune adulte de 25 ans. Le retard est manifeste. Subvenir aux besoins d'un enfant adulte est une question de conscience pour les parents, tant dans les familles intactes que dans les familles éclatées. L'aide financière des parents pour un enfant adulte fréquentant l'université est une question de conscience. Ce n'est pas une question d'obligation juridique.

Honorables sénateurs, voici quelques exemples tirés de la jurisprudence. Dans la cause Garrow c. Garrow, présentée à la Cour suprême de la Colombie-Britannique en 1997, un enfant de 24 ans avait déjà reçu de son père plus de 50 000 $, en 1994 et 1995, pour son éducation et d'autres nécessités. La mère demandait une somme additionnelle de 42 000 $, soi-disant pour défrayer les coûts de l'éducation de cette jeune personne de 24 ans. Le juge Curtis lui a accordé 15 000 $ seulement en disant, au paragraphe 22 dans la version du système informatique de recherche documentaire juridique:

Ce que la générosité ou l'affection pousse un parent à verser en pension alimentaire pour son enfant est une chose; ce que la loi devrait l'obliger à verser en est une autre.

Honorables sénateurs, dans la cause de Crook c. Crook, dont la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a été saisie en 1992, l'ex-conjointe demandait une pension alimentaire de 2 000 $ par mois pour elle-même, plus une pension alimentaire pour ses deux enfants de 22 et 23 ans qui possédaient déjà tous deux un diplôme universitaire. Elle demandait un acte déclaratoire affirmant que ces deux enfants adultes était issus du mariage et confiés à sa garde. Le juste Goodfellow a déclaré, au paragraphe 24, volume 115, deuxième série, des Recueils de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse:

Cependant les tribunaux ont interprété les mots de la Loi sur le divorce disant «il est majeur et est à leur charge, sans pouvoir, pour cause notamment de maladie ou d'invalidité, cesser d'être à leur charge ou subvenir à ses propres besoins» comme une phrase qui transformait en obligation juridique l'obligation morale d'assurer une éducation à ses enfants.

Le juge Goodfellow a statué que ces deux enfants adultes n'étaient pas des enfants à charge en disant, au paragraphe 27:

Il ne fait aucun doute que les parents désiraient que leurs enfants poursuivent des études universitaires. Je n'ai pas mené des recherches exhaustives; cependant, je ne me rappelle avoir eu connaissance d'aucun cas, sauf à la suite d'une entente, où une ordonnance alimentaire a été rendue pour un enfant qui avait déjà obtenu un diplôme universitaire ou qui avait déjà terminé des études donnant droit à un diplôme pour exercer une profession ou une vocation. Il me semble que, à première vue, l'expression «pour cause notamment» devrait faire l'objet d'une limite raisonnable et que dans des cas comme celui-ci, où les deux enfants ont déjà obtenu un baccalauréat à la suite d'études universitaires, il faudrait que les circonstances soient exceptionnelles pour justifier la modification d'une obligation juridique au-delà de ce niveau. Je conclus que ni Matthew ni Michelle ne répondent à la définition d'«enfant» que donne la Loi sur le divorce au Canada.

Le juge Goodfellow a également fait remarquer que les ressources financières de M. Crook avaient beaucoup diminué et il n'a pas accordé à Mme Crook une ordonnance alimentaire pour ses enfants adultes, mais lui a accordé une ordonnance alimentaire de conjoint de 1 300 $ par mois.

Honorables sénateurs, comme nous l'a dit le sénateur Jessiman, la question porte sur la construction judiciaire du terme «ou toute autre cause» et sur l'intention du Parlement quant à la façon d'appliquer ce terme. Lorsque la Loi de 1968 sur le divorce a défini pour la première fois ce qu'est un «enfant à charge», le Parlement avait prévu clairement qu'aucun enfant gravement malade ou handicapé mentalement ou physiquement ne devrait être laissé à la charge financière d'un seul des deux parents. On songeait à un handicap physique ou mental tel que l'enfant majeur ne puisse pas subvenir à ses propres besoins. L'intention du Parlement a toujours visé un handicap ou une maladie qui ne serait pas du contrôle de la personne, à savoir une invalidité causée par la nature, un accident, les vicissitudes de la vie ou une catastrophe naturelle. Dans ses dispositions visant à corriger la Loi sur le divorce, le Parlement n'a jamais eu l'intention d'imposer à un père divorcé ou à une mère divorcée des responsabilités légales excessives ou plus grandes que celles que doivent assumer les parents non divorcés et toujours mariés. Le Parlement n'avait pas l'intention de créer un privilège économique pour les enfants du divorce. Il n'avait pas non plus l'intention d'offrir une avenue économique au parent qui a la garde, le plus souvent la mère. Enfin, la poursuite d'études universitaires ne constitue pas une condition débilitante ou invalidante, mais une situation habilitante et volontaire.

Honorables sénateurs, je passe maintenant à l'aliénation parentale et aux relations entre le parent qui paie la pension alimentaire et son enfant adulte. L'aliénation parentale consiste à écarter un parent, surtout le père, de la vie de ses enfants, à l'écarter de toute participation significative à la vie de ses enfants. En 1986, l'affaire Law v. Law de la Cour suprême de l'Ontario concernait deux enfants adultes, Kimberley, qui avait 22 ans, et Lisa, qui en avait 19. En mariant leur mère, le père avait adopté les deux enfants qu'elle avait eus d'un précédent mariage. Même s'il n'avait été marié que sept ans, cet homme avait scrupuleusement versé une pension alimentaire pour ces jeunes filles, jusqu'à ce que l'aînée ait 21 ans, même si ces deux jeunes adultes, à l'instigation de leur mère, avaient cessé toute relation avec lui. Le père, coupé de ses enfants, a présenté une demande afin de cesser de verser une pension alimentaire à ces deux jeunes adultes. Le juge Fleury a levé l'obligation de verser une pension alimentaire et, dans le jugement qu'il a rendu en 1986 et qui figure à la page 462 du Report of Family Law, volume 2, troisième série, il dit ceci:

(1920)

Kimberley n'est certainement plus à la charge du demandeur étant donné qu'elle n'est pas restée en contact avec lui. Même si elle est seulement à la charge du parent qui en a la garde, j'estime que, lorsqu'un enfant adulte met unilatéralement un terme à la relation qu'il entretenait avec un de ses parents, sans raison apparente, comme c'est le cas ici, c'est un facteur que le juge de première instance doit prendre en considération quand vient le moment de déterminer s'il serait juste et opportun d'accorder une pension alimentaire pour cet enfant. Une relation père-enfant va au-delà d'une simple dépendance économique. Le père a de lourdes responsabilités financières, et l'enfant a très peu d'obligations en échange. Il semble raisonnable d'exiger d'un enfant qui s'attend à recevoir une pension alimentaire qu'il entretienne une certaine relation avec son père, si la conduite du père ne justifie absolument pas que l'enfant se soustraie à ses devoirs filiaux.

Honorables sénateurs, le sénateur Jessiman et moi-même avons expliqué qu'avant 1997, les tribunaux insistaient sur les mots «pour cause notamment». En 1997, dans le projet de loi C-41, le Sénat, appuyé par la Chambre des communes, a expressément rejeté la poursuite d'«études raisonnables» comme motif justifiant l'imposition d'obligations légales en vertu de la Loi sur le divorce, pour le soutien financier d'enfants d'âge adulte.

En dépit de l'intention clairement exprimée par le Parlement sur les obligations juridiques des parents divorcés et de ses instructions claires aux tribunaux, ceux-ci ont continué à ajouter toutes sortes de situations en s'appuyant sur le mot «notamment», à seule fin d'inclure les demandes de pensions alimentaires formulées par les ex-conjoints pour les enfants, mais payables à leur nom. Par conséquent, le projet de loi S-12 que j'ai présenté vise à éliminer ce mot de la Loi sur le divorce actuelle de manière à mettre fin à la tendance des tribunaux à exagérer et à ajouter des cas que le Parlement n'avait jamais voulus jusqu'à obtenir un résultat contraire à l'intention du Parlement et n'étant pas dans le meilleur intérêt de l'enfant, mais dans l'intérêt de l'ex-conjoint, à savoir, le parent qui a la garde de l'enfant.

Le sénateur Jessiman et moi avons obtenu du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie l'engagement qu'il suivrait de près la mise en oeuvre des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants. Le 5 novembre 1997, le Sénat a confié au comité un mandat en ce sens. Le comité a étudié la question des enfants adultes de parents divorcés et en a parlé dans le rapport provisoire qu'il a présenté au Sénat le 18 juin 1998.

Le rapport provisoire allait au coeur du problème, c'est-à-dire que les pensions alimentaires d'enfants adultes de parents divorcés devraient être payés directement à ces enfants. Dans la partie A, Dépenses spéciales ou extraordinaires, du chapitre du rapport provisoire intitulé «Questions d'intérêt particulier», on lit ceci:

Lorsque le comité a étudié le projet de loi C-41 puis l'avant-projet de lignes directrices, certains sénateurs ont exprimé des réserves, qu'ils éprouvent toujours d'ailleurs, au sujet du traitement des pensions alimentaires des enfants adultes qui font des études postsecondaires.

On lit un peu plus loin:

Le comité a été saisi de certaines anomalies qui peuvent se produire lorsque l'on se sert, à l'égard de ces enfants adultes, de la table des montants de base. Par exemple, le parent qui a la garde peut recevoir des sommes importantes pour cet enfant, lorsque celui-ci fréquente une université dans une autre ville, mais rien ne l'oblige à consacrer la totalité de la somme à l'étudiant.

Finalement, on lit en conclusion que:

Ainsi, les deux parents seraient responsables selon leurs moyens financiers et les moyens de l'enfant, et le conjoint qui touche la pension ne serait pas en mesure de profiter indûment de la situation [...]. Dans la plupart des cas, nous estimons qu'il vaudrait mieux que chaque parent paie directement ce qu'il doit à l'enfant.

La cinquième recommandation du rapport provisoire dit que les obligations de chaque parent devraient être payées directement à l'enfant, à l'enfant majeur.

Honorables sénateurs, dans le projet de loi S-12, je propose de supprimer le mot «notamment» dans la Loi sur le divorce. Je crois que cela remédiera au problème. Cela confirmera la maxime qui dit qu'en droit, une personne ne peut être à la fois un adulte et un enfant. Cela confirmera aussi le principe voulant que l'enfant majeur ne soit pas une source d'enrichissement financier pour les ex-conjoints. Cet enrichissement financier se fait souvent aux dépens de l'enfant majeur.

Les tribunaux ont fait une fait une obligation légale de l'obligation morale des parents de participer aux financement des études postsecondaires de l'enfant devenu majeur. Ce changement a créé une classe d'enfants majeurs ayant le droit économique exclusif d'être entretenus financièrement. En outre, en ne tenant pas compte des moyens financiers du parent qui a la garde de l'enfant, dans la plupart des cas, la mère, et en se concentrant principalement, mais pas exclusivement, sur le revenu du parent qui n'a pas la garde de l'enfant, dans la plupart des cas, le père, le problème auquel nous faisons face actuellement a pris une dimension nationale. En vertu du projet de loi S-12, le financement des études postsecondaires de l'enfant devenu majeur fera maintenant l'objet d'une entente mutuelle entre adultes.

La plupart des parents n'ayant pas la garde mais disposant de moyens financiers aident leurs enfants majeurs en leur payant des études postsecondaires, mais ils le font de leur plein gré. Je le répète, le problème essentiel a toujours été de déterminer qui était le véritable bénéficiaire de cette assistance financière, le parent ayant la garde, très souvent la mère, ou l'enfant majeur.

Il est évident que des correctifs doivent être apportés dans l'administration de la justice civile en matière de droit familial et de divorce. Des rapports de comités sénatoriaux l'ont affirmé, le comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants l'a affirmé, les sondages d'opinion l'ont affirmé, l'opinion publique a abondé dans ce sens, mais la ministre de la Justice, Mme Anne McLellan, persiste à dire qu'elle ne fera rien avant 2002.

Honorables sénateurs, la Loi sur la pension alimentaire des enfants en vigueur au Canada, en matière de divorce et d'enfants à charge ayant atteint la majorité, a désespérément besoin d'être remaniée, et ce, dès à présent. Je demande instamment aux sénateurs d'examiner avec le plus grand sérieux le projet de loi S-12.

(Sur la motion du sénateur Sparrow, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, après avoir consulté les sénateurs des deux côtés et d'autres, je crois que le seul article figurant au Feuilleton dont un sénateur voudrait débattre est inscrit au nom du sénateur Prud'homme. Par conséquent, honorables sénateurs, je propose qu'après l'intervention du sénateur Prud'homme, nous revenions aux avis de motion, puis à la motion d'ajournement.

L'Ontario

La loi sur la restructuration régionale-Le refus de faire d'Ottawa une ville bilingue-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Poulin, attirant l'attention du Sénat sur la décision du gouvernement de l'Ontario de ne pas adopter une recommandation visant à faire d'Ottawa une ville bilingue après sa restructuration proposée.-(L'honorable sénateur Prud'homme, c.p.).

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, cette interpellation est inscrite au nom de ma collègue et amie, le sénateur Poulin. Si personne n'intervient sur cette interpellation aujourd'hui, elle sera rayée du Feuilleton, ce que nous ne voulons pas.

J'attire d'abord l'attention des honorables sénateurs sur le discours que le sénateur Rivest a livré plus tôt aujourd'hui. J'espère que les honorables sénateurs liront ce discours, parce que le sénateur a parlé très vite. J'ai beaucoup de respect pour les interprètes qui ont eu du mal à suivre le fil de ses paroles. Même si ce discours a été livré rapidement, il doit être lu. Je ne me prononce ni pour ni contre le projet de loi que visait ce discours. J'espère donc que chacun prendra le temps de lire le discours du sénateur Rivest. Après tout, ces discours sont toujours liés d'une façon ou d'une autre à la motion que je m'apprête à traiter.

(1930)

Il est inconcevable pour moi, en tant que «Canadien français» - j'espère qu'on ne va traduire l'expression et écrire «French Canadian» - que la capitale de mon pays, le Canada, soit unilingue anglaise.

Je vois le sénateur Finestone, qui voyage souvent à l'étranger et doit défendre la position du Canada. Elle a été récemment élue à la direction de l'Union interparlementaire. Elle et moi sommes souvent en désaccord, mais je l'admire parce qu'elle est une grande libérale.

Cela étant dit, il ne fait aucun doute qu'il serait inconcevable qu'une fois déclarée capitale unilingue, Ottawa prétende être la capitale de tous les Canadiens. Cela a un rapport avec ce que le sénateur Rivest a essayé de nous dire tout à l'heure.

Cela irait totalement à l'encontre des principes défendus par un des grands champions des «droits canadien-français acadiens», l'honorable sénateur Robichaud. J'ai fait campagne pour lui en 1960. Il ne s'en souvient peut-être pas. Il serait inconcevable pour lui, et je vois à ses gestes qu'il est d'accord, que la capitale du Canada ne soit pas bilingue.

Je sais qu'il y a certaines personnes à Ottawa qui n'aiment pas la langue française, les Canadiens français ou la religion catholique, mais ils ne doivent pas oublier qu'ils habitent dans la capitale du pays. Ce n'est pas une question d'esprit de clocher. Pour que le Canada devienne ce que nous voulons qu'il devienne, il faut en respecter les spécificités, dont l'une est vivement démontrée par le sénateur Robichaud. Cette spécificité est aussi démontrée par notre Président pro tempore, qui vient du Nouveau-Brunswick et qui fait un excellent travail, par le sénateur Bacon et le sénateur Rivest, par le sénateur Maheu et le sénateur Corbin. Ils représentent le Canada à son meilleur.

J'observe la diversité du Canada. Nous devrons cesser de nous promener partout dans le monde, comme certains d'entre nous le faisons, si nous ne sommes pas capables, lorsque nous revenons au pays, de nous convaincre qu'Ottawa devrait à tout le moins être une capitale bilingue. Cela ne veut pas dire que tous doivent parler une langue qu'ils ne veulent pas utiliser.

Les honorables sénateurs connaissent mon opinion. Grâce à mon intervention, le sénateur Poulin pourra donc revenir sur son interpellation. Avec sa permission, j'aimerais ajourner le débat au nom du sénateur Carstairs. Cela avait été convenu plus tôt avec le sénateur Poulin.

(Sur la motion du sénateur Prud'homme, au nom du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

Ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion émanant du gouvernement:

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le 7 avril 2000, je proposerai:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à lundi prochain, le 10 avril 2000, à 16 heures.

Je devrais peut-être apporter une précision. Je donne avis aujourd'hui d'une motion que je proposerai demain. Normalement, nous demandons la permission le même jour, mais je procède un peu différemment aujourd'hui. Je donne avis, comme l'exige le Règlement, d'une motion que j'ai l'intention de proposer demain, vendredi, quand nous siégerons. On pourra débattre demain de la motion.

(Le Sénat s'ajourne au vendredi 7 avril 2000, à 9 heures.)


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